L’Orchestre Métropolitain n’a pas fait appel à n’importe qui pour remplacer, dans le Concerto no 5 « L’Empereur » de Beethoven, le pianiste Nicholas Angelich, habitué de l’orchestre mort subitement il y a 11 jours à l’âge de 51 ans. Le Britannique Paul Lewis, l’un des meilleurs beethovéniens du moment, a été plus qu’un prix de consolation.

Parlant d’imprévu, sa compatriote la cheffe d’orchestre Jane Glover a raconté en français qu’elle s’apprêtait à monter dans l’avion pour venir diriger l’orchestre il y a deux ans et un mois, avant que vous savez quoi se pointe le bout du nez.

Du programme initial, elle a conservé la Symphonie no 31 en ré majeur de Mozart, qu’elle a judicieusement fait précéder de la jolie Symphonie en sol majeur, opus 11 no 1 de Joseph Bologne de Saint-George, esclave guadeloupéen affranchi qui devint une figure célébrée tant pour sa musique que pour… ses talents d'escrimeur. Les deux œuvres, en trois mouvements, ont été composées toutes deux en 1778 pour le public parisien, qui prisait d’ailleurs davantage Saint-George que Mozart…

Dame Jane Glover, spécialiste reconnue de Mozart (elle a déjà été à la tête des London Mozart Players), est ici totalement dans son élément. Elle ne s’adonne pas aux excès occasionnels des interprètes dits « historiquement informés ».

Pas de rugosité sonore (malgré des cors bien présents dans Mozart), pas de tempos débridés avec la cheffe et musicologue.

On a toujours l’impression d’entendre la vitesse d’exécution idéale, sauf peut-être dans le mouvement lent de la symphonie de Mozart, qu’elle choisit de faire dans un 6/8 lent plutôt que rapide, faisant par conséquent quelque peu perdre au morceau le côté « allant » demandé par le compositeur.

Et quel bonheur de voir une direction précise, ferme, qui évite les salmigondis de certains chefs… La musicienne a donc admirablement mis la table pour ce qui allait suivre après la pause. Car Paul Lewis nous avait préparé tout un « Empereur ».

Pas une première

Le pianiste est loin d’en être à sa première venue au Québec, lui qui a joué avec l’Orchestre symphonique de Montréal, en plus de se produire au Domaine Forget de Charlevoix et au Festival de Lanaudière.

« Commandeur de l’Empire britannique » (un grade en dessous de sa collègue), Lewis s’est fait connaître notamment par sa remarquable intégrale des sonates de Beethoven et ses enregistrements de Schubert.

Le pianiste, qui entreprend la cinquantaine dans trois semaines, n’alourdit pas Beethoven. Le premier trait de l’introduction est brillant à souhait. Le pianiste n’oublie pas que le XIXe siècle allait être celui de la virtuosité pianistique. Liszt naquit d’ailleurs quelques mois à peine après la première de l’œuvre en 1811.

On peut déplorer d’occasionnelles duretés dans les forte, mais le musicien est aussi capable de piano d’anthologie, comme à la fin de la cadence du premier mouvement.

Mais, surtout, tout au long du concerto transparaît une véritable joie de jouer, loin de la tête d’enterrement de Yefim Bronfman dans le Concerto no 3 du même compositeur l’automne dernier à l’OSM.

Pas de rappel à la fin, mais un public conquis !