Peu d’artistes savent ravir une foule comme le fait Klô Pelgag. Non seulement son spectacle au MTelus jeudi a été divertissant, touchant et magistral, mais il a aussi été ponctué de surprises.

Les lumières du MTelus ne sont pas encore éteintes que 10 musiciens débarquent sur scène. Des cuivres, des choristes, guitare, clavier et batterie. Les notes majestueuses de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs II, dernière pièce de son plus récent album et introduction du spectacle, emplissent l’espace et on atterrit instantanément dans l’univers que Klô Pelgag va nous inventer tout au long de la soirée.

D’ailleurs, la chanteuse n’est même pas encore sur scène que les applaudissements de la foule témoignent de tout son enthousiasme. Puis, elle fait son entrée, théâtrale. D’un vagin géant, elle émerge, le visage maquillé, dans un costume d’on ne sait trop quoi, muni d’une longue queue.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Klô Pelgag au MTelus, jeudi soir

Elle s’installe à son piano au milieu de la scène et se lance sur La maison jaune, aussi tirée de son plus récent disque. Une chanson magnifique sur enregistrement, qui prend une dimension grandiose en concert. C’est d’ailleurs souvent le cas au cours de la soirée, alors qu’elle présente surtout les pièces de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, ainsi que quelques morceaux de ses précédents albums. Après la superbe L’ombre des cyprès, elle s’adresse à la salle remplie pour lui demander : « Comment vous allez, sur 10 ? »

Pelgag n’est pas de ces artistes qui décriront avant chaque chanson la petite anecdote qui a entouré sa création. C’est très bien comme cela. Elle communique juste assez avec la foule, laisse la musique faire tout le reste.

Il ne reste plus que Klô et son piano pour J’aurai les cheveux longs, une autre occasion de bien déceler la justesse de la voix saisissante de l’auteure-compositrice-interprète. Ses chansons sont complexes à interpréter, elle ne fausse pourtant jamais.

On change de registre pour Insomnie (le spectacle se poursuivra ainsi, en dents de scie, pour que l’ambiance soit toujours électrisante après un moment plus doux). Mais avant, des membres de l’équipe de Klô montent sur scène pour… lui retirer sa queue.

Emportée par la foule

La mise en scène du spectacle est assurée par Baz Morais, qui signait la réalisation du film Vivre – Le spectacle spectral, ainsi que la mise en scène du spectacle virtuel qu’elle avait présenté à pareille date l’an dernier. De hautes plateformes supportent les accompagnateurs de Pelgag. Les cuivres se sont ajoutés à l’orchestre depuis les spectacles présentés l’été dernier, alors qu’elle défendait déjà ce même album.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Klô Pelgag au MTelus, jeudi soir

L’écran géant au fond de la scène s’anime pour Für Élise. Klô prend le temps de parler un peu plus à son public ensuite, juste avant l’un des moments les plus savoureux de la soirée. Sur « la chanson la plus calme de [s]on répertoire », la somptueuse Soleil, elle se couche sur la foule pour le crowd surfing le plus lent de l’histoire de la musique. C’était une de ses envies lorsqu’elle a imaginé ce spectacle montréalais souvent repoussé (l’idée était initialement de le faire sur une pancarte « Ouin » inspirée de celles de la campagne du Oui). Le parterre la transporte lentement, elle parvient à chanter globalement sur la note malgré tout, une prouesse.

Klô Pelgag est une artiste décalée dans le meilleur sens du terme. Elle a cette folie qui nous fait envie tant elle est assumée et semble libératrice. Son art en bénéficie. Le spectacle de jeudi en est une des nombreuses preuves.

Mais l’excentricité n’est qu’une composante de ce qui fait d’elle une artiste hors pair. Surtout, Klô Pelgag est bourrée de talent, que ce soit en tant qu’auteure (ces textes !), que compositrice ou qu’interprète.

Et elle sait égalent bien s’entourer. Ses musiciens permettent aux superbes arrangements de ce spectacle de nous transporter. Pendant Le sexe des étoiles, on s’envole sur les notes qui s’élèvent dans l’enceinte du MTelus. Le moment est génial.

Parce qu’il s’agit de Klô Pelgag, nous nous attendions à être surprise, ayant déjà assisté à d’autres versions du spectacle de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. Mais elle parvient à dépasser les attentes. Le concert n’est pas le même. L’artiste ne se répète pas même si elle garde le même ordre pour les chansons qu’elle interprète. La scénographie fait toute la différence – rappelons que le concert avait été présenté à l’extérieur, en festival, mais pas encore en salle à Montréal. Pendant la dansante Mélamine, deux culturistes arrivent sur scène pour danser avec Klô et ses choristes, en toutes petites culottes. Pourquoi cette intervention inattendue ? Eh bien, pourquoi pas ? Tout le monde a ri, sans trop comprendre, sans chercher à expliquer. C’est comme ça, dans le monde de Pelgag.

Après Où vas-tu quand tu dors ?, Incendie, Samedi soir à la violence, on est arrivés à la (presque) fin du concert, avec Rémora (parfaitement chaotique finale), juste avant un rappel à faire vibrer le plancher et les murs de la salle de la rue Sainte-Catherine. Les animaux, puis Les ferrofluides-fleurs ont suivi et un second rappel a permis à l’artiste de revenir seule sur scène pour La fonte, en piano-voix, qui a joliment clos cette envoûtante soirée, aussi décalée que formidable.

Klô Pelgag sera en tournée au Québec dans les prochains mois et de retour à Montréal, dans le cadre du festival Mural, le 10 juin.