Six ans après la mort de David Bowie, sa musique reprend vie dans Heroes/Bowie/Berlin 1976-80, spectacle hommage à grand déploiement entièrement québécois. Il a été présenté pour la première fois le 15 avril à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts avant une tournée qui s’amorce à Québec en juin et qui se poursuit à Ottawa en octobre et en Europe à l’automne. Plutôt que de miser sur un seul chanteur, son idéateur, le producteur Claude Larivée (de La Tribu), a fait le pari de le faire personnifier par trois chanteuses au look androgyne et à la gestuelle inspirée de l’icône.

Bowie ne cesse de nous fasciner. Au cours des dernières années, sa vie a été racontée en bande dessinée, son univers a été décortiqué dans un essai savant et un film intitulé Moonage Daydream, basé entre autres sur les archives personnelles de l’artiste et des séquences en concert, sera présenté à Cannes le mois prochain. Sa musique, elle, se trouve au cœur de Heroes/Bowie/Berlin 1976-80, spectacle hommage essentiellement consacré à ses albums qu’on appelle sa trilogie berlinoise, Low, Heroes et Lodger, parue entre 1977 et 1979.

« Pour un geek de musique, Bowie est bien sûr un personnage fascinant », dit d’emblée Claude Larivée.

En tant qu’adolescent des années 1980, qui a grandi avec le punk, le hardcore et le post-punk, ce qui m’intéressait, c’était sa période berlinoise, ce moment où il part de Los Angeles et va vivre à Berlin avec Iggy Pop.

Claude Larivée, producteur

Les chansons de ces trois disques « ambitieux artistiquement », inspirés entre autres par le krautrock de Kraftwerk et Neu !, constituent l’essentiel du spectacle Heroes/Bowie/Berlin 1976-80. Le producteur et directeur artistique y a greffé des morceaux tirés des albums Station to Station, qui « préfigure » la trilogie berlinoise, et Scary Monsters, « qui en est la conclusion sur le plan du son et des thèmes ». Autres ajouts : Lust for Life, chanson d’Iggy Pop, dont Bowie a réalisé les deux premiers disques lors de son séjour à l’ombre du mur, et Space Oddity.

Un hommage au son Bowie

Claude Larivée a fait le pari de la fidélité : il a réuni un groupe de huit musiciens placés sous la direction de Daniel Lacoste, qui doivent reproduire à l’identique les arrangements originaux. « Il n’y a aucune improvisation », souligne le producteur, qui ajoute que Bowie lui-même a rarement – sinon jamais – transposé sur scène ces ambitieux arrangements. Son hommage à Bowie, c’est d’abord ça, d’ailleurs : un trip de son, avec l’ambition de donner aux spectateurs l’impression d’entendre les chansons dans toute leur richesse et leurs textures, « comme si on avait un casque d’écoute dans la salle ».

Sur le plan visuel, c’est autre chose. Craignant que le pari d’inviter un chanteur à incarner Bowie ne fasse que souligner son absence, il mise sur des séquences vidéo où le Thin White Duke n’apparaît jamais et qui cherchent à traduire son univers – le Berlin des années 1980, notamment. Surtout, pour porter les chansons, il a recruté trois femmes peu connues du grand public : Gabriella (qui a participé à The Voice en France), l’autrice-compositrice-interprète Loryn Taggart et Élisabeth Gauthier-Pelletier, une comédienne aussi formée en théâtre musical.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

La chanteuse Loryn Taggart, presque méconnaissable dans un autre costume de scène.

« Bowie, il y a 45 ans, était déjà totalement 2022 : androgyne et bisexuel affirmé », souligne Claude Larivée, pour justifier son choix. Le producteur a eu le déclic en tombant sur des photos de la top modèle Kate Moss et de l’actrice Tilda Swinton portant des vêtements de scène de Bowie datant de cette époque. « En voyant ça, je me suis dit que c’était possible », dit-il, tout en reconnaissant que la période berlinoise n’est pas la plus androgyne de Bowie. Sauf exception, les costumes de scène reproduits dans le spectacle sont d’ailleurs plutôt masculins.

Une autre voix

Sur le plan vocal, c’est tout un décalage.

Aucune des interprètes ne possède une voix qui se rapproche de celle de Bowie. Pour le producteur, c’est une autre façon d’éviter la comparaison. Pour le spectateur, ça demande beaucoup d’ouverture et d’adaptation.

On ne peut pas entendre Sound and Vision, Ashes to Ashes ou Heroes sans entendre les inflexions du Thin White Duke, qu’on ne reconnaît pas dans le spectacle. La présence de Bowie se fait toutefois sentir par les pas et la gestuelle étudiés des interprètes, orchestrés par la chorégraphe Maud Saint-Germain.

« On a fait une interprétation libre de Bowie », insiste Claude Larivée, qui a voulu construire un spectacle à grand déploiement avec des concepteurs prisés sur la scène internationale, dont Fred Caron (création vidéo) et Jean-François Coutre (scénographie et éclairages). Heroes/Bowie/Berlin 1976-80 est conçu pour des salles de grande envergure ici et surtout ailleurs. Après quelques dates au pays, l’hommage sera présenté en Europe dès l’automne, à commencer par la France.

Heroes/Bowie/Berlin 1976-80 sera à l’affiche à Québec le 3 juin, à Trois-Rivières le 31 août, le 8 octobre à Ottawa et en supplémentaires à Montréal du 27 au 29 octobre.

Consultez le site de la Place des Arts