L’Orchestre Métropolitain annonce un véritable « déconfinement musical » pour sa 42e saison annoncée ce mercredi. Nous avons discuté avec Yannick Nézet-Séguin du menu que sa phalange montréalaise nous réserve pour 2022-2023.

Un orchestre doit-il constamment se réinventer ? Et si oui, de quelle manière ? À l’heure où les organismes musicaux peinent à remplir les salles, notamment à cause d’une certaine frilosité pandémique, comment attirer le chaland sans perdre son âme ?

« Pour la programmation, le principe de base n’a pas changé, dit d’emblée le chef à vie de l’Orchestre Métropolitain (OM). Je choisis de la musique qui me passionne. Ce sont des choix personnels, mais qui s’articulent autour de la mission de l’OM qui, elle, n’a pas changé depuis des décennies, soit partager l’amour pour la musique tout en faisant découvrir de nouvelles œuvres à notre public. »

Ces principes n’ont pas changé, mais notre façon de les comprendre dans les dernières années a été de faire dialoguer le répertoire dit traditionnel avec le répertoire qui sort des sentiers battus, par des gens qui ont été négligés et qui peuvent amener un point de vue de certaines parties de la société, que ce soient les femmes, les minorités, les différentes communautés culturelles…

Yannick Nézet-Séguin

« Il faut que ces œuvres puissent dialoguer avec les grandes œuvres qu’on joue depuis des décennies, qui sont de tradition plutôt européenne, blanche et masculine. »

Concerto pour violon de Tchaïkovski avec Kerson Leong, Concerto pour piano no 3 de Prokofiev avec David Jalbert, Concerto d’Aranjuez de Joaquín Rodrigo avec le guitariste Miloš (qui devait au départ jouer en février dernier), Symphonie no 5 de Chostakovitch, Messe en si de Bach… Les jalons du répertoire ne manqueront pas l’an prochain.

Mais le public sera aussi invité à sortir de sa zone de confort avec un concerto pour flûte contemporain par le soliste en résidence Emmanuel Pahud, un bouquet d’œuvres plus ou moins rares pour Envolées latines le 4 novembre et la trop peu entendue Septième symphonie de Dvořák.

Mot d’ordre : diversité

« La façon de découvrir la musique a changé. Lorsque notre public venait au concert il y a 25 ans, il entendait souvent du Schubert, du Beethoven, un peu de Brahms, un peu de Tchaïkovski, mais quand je suis arrivé, il n’y avait presque jamais eu ni de symphonie de Sibelius, ni de Mahler, ni de Bruckner, ni la Symphonie fantastique [de Berlioz], ni les grandes œuvres de Debussy et Ravel », se remémore Yannick Nézet-Séguin, qui a fortement contribué depuis à mettre ces pages à l’ordre du jour de l’ensemble.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Elisapie Isaac présentera une création lors de la saison 2022-2023 de l’Orchestre Métropolitain.

Poursuivant dans cette veine, le chef dirigera lui-même la Symphonie no 3 de la compositrice afro-américaine Florence Price, dont il avait donné la Symphonie no 1 l’automne passé, mais aussi la Ballade pour orchestre de l’Afro-Britannique Samuel Coleridge-Taylor, le Concerto pour flûte de Cécile Chaminade, la Symphonie no 1 de Louise Farrenc et une création de l’Inuite Elisapie Isaac. En musique québécoise : des créations de Denis Gougeon, Keiko Devaux et Simon Bertrand (un concerto pour thérémine !).

Du côté des interprètes, on remarque une présence un peu plus soutenue du chef titulaire, qui sera présent pour six concerts.

Alors que l’année 2021-2022 ne faisait place qu’à l’habituel collaborateur Nicolas Ellis du côté des chefs invités masculins, la prochaine mouture mettra également en vedette le chef de l’Orchestre du Centre national des Arts, Alexander Shelley, et l’Australien Nicholas Carter.

Les cheffes invitées – la Colombienne Lina González-Granados, la Française Chloé van Soeterstède et la Serbe Daniela Candillari – passeront pour leur part de cinq à trois pour les concerts de saison.

« On ne vise pas un quota, ça n’a jamais été le but, dit Yannick Nézet-Séguin. Le but depuis quelques années est de secouer un petit peu les habitudes en donnant de la place aux femmes cheffes de talent qui viennent d’ici et d’ailleurs et ainsi corriger la disproportion d’hommes sur le podium. Ça ne veut pas dire qu’il faut arrêter d’inviter des hommes. Mais c’est vrai qu’une certaine parité naturelle pourrait être quelque chose de souhaitable. »