(Ottawa) Les musiciens qui écrivent leur propre matériel n’ont gagné en moyenne que 67 $ l’an dernier en redevances des services de diffusion en continu au Canada, révèle l’organisme qui représente les auteurs-compositeurs canadiens.

La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique — la SOCAN - qui perçoit les redevances des musiciens, y compris Drake, Joni Mitchell et Down with Webster, a indiqué pourtant que dans l’ensemble les Canadiens ont gagné des redevances record sur les plateformes de diffusion en continu l’an dernier.

L’organisme sans but lucratif perçoit les paiements des stations de radio, des stations de télévision et des plateformes numériques, y compris Spotify, YouTube et les services de diffusion en continu. Dans un nouveau rapport financier, la SOCAN souligne que pour la première fois de son histoire, les collections de musique sous licence devraient dépasser 416 millions de dollars par année. Ces chiffres seront confirmés dans son rapport annuel en juin.

Malgré l’élan donné par la pandémie qui a amené un plus grand nombre de personnes à télécharger de la musique à la maison plutôt que de sortir, les auteurs-compositeurs canadiens représentés par la SOCAN ont gagné en moyenne seulement 67,14 $ en redevances des services canadiens de diffusion numérique en continu en 2021.

Dans une entrevue accordée à La Presse Canadienne, la PDG Jennifer Brown a déclaré que, même si des artistes à succès comme Drake et The Weeknd sont présentés régulièrement, les musiciens canadiens qui ne sont pas aussi connus peuvent avoir de la difficulté à obtenir de la visibilité au Canada.

Elle affirme qu’une loi qui obligerait les plateformes de diffusion en continu à ajouter plus de musique canadienne aux listes de diffusion au Canada donnerait aux musiciens un coup de pouce et du soutien en début de carrière.

Le projet de loi C-11, qui fait actuellement l’objet d’un débat, ferait en sorte que les plateformes numériques, y compris Spotify et YouTube, fassent la promotion de la musique canadienne de la même façon que les stations de radio traditionnelles, qui doivent accorder du temps d’antenne à de la musique canadienne.

Selon Mme Brown, il est important pour les auteurs-compositeurs émergents et les auditeurs que les plateformes « mettent en valeur les Canadiens » pour les aider à se faire connaître et à atteindre un public plus large.

Elle croit d’ailleurs que les revenus des auteurs-compositeurs des plateformes numériques dépasseront bientôt les redevances provenant de sources plus traditionnelles, comme le temps d’antenne des stations de radio.

Pour Mme Brown, le constat selon lequel les musiciens canadiens gagnent si peu des plateformes numériques pourrait décourager les jeunes artistes qu’ils veulent faire carrière en musique.

Le projet de loi obligerait également les plateformes numériques à contribuer financièrement au soutien des talents musicaux et à financer « l’infrastructure », comme les studios d’enregistrement, a affirmé Mme Brown.

YouTube avertit toutefois que le fait de le forcer à promouvoir le travail des Canadiens plutôt que de choisir avec soin du contenu adapté aux goûts individuels pourrait ne pas mener à une plus grande sélection de contenu canadien dans l’ensemble.

Cela pourrait, en raison de la façon dont fonctionne son algorithme, faire en sorte que certains contenus canadiens soient moins diffusés à l’extérieur du Canada, où de nombreux artistes canadiens gagnent la majeure partie de leur argent.

Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit de l’internet de l’Université d’Ottawa, prévient aussi que le fait de « forcer » le contenu canadien pourrait faire croire qu’il est moins populaire qu’il ne l’est, et mener à sa rétrogradation par les algorithmes des plateformes de diffusion en continu.

Il a prévenu que le projet de loi pourrait avoir une incidence sur les revenus que les musiciens canadiens tirent à l’extérieur du pays sur les plateformes numériques.

À l’inverse, Mme Brown soutient que les mesures contenues dans le projet de loi permettraient non seulement de faire connaître à un plus grand nombre d’auditeurs la musique canadienne, mais aussi d’augmenter les redevances aux musiciens canadiens.

La SOCAN, dont les membres comprennent Michael Bublé, Gordon Lightfoot et la succession de Leonard Cohen, a recueilli 135 millions l’an dernier grâce à l’utilisation de la musique sur l’internet seulement.

Elle a également perçu des redevances de plateformes de diffusion en continu, dont Netflix, notamment pour des chansons thèmes signées par des auteurs-compositeurs et des compositeurs canadiens.