Annulations, remplacements au pied levé, COVID-19… l’agenda de la mezzo-soprano Julie Boulianne a rarement été aussi chamboulé que durant les derniers mois. Pour le plus grand bonheur des mélomanes montréalais, qui pourront l’entendre deux fois plutôt qu’une dans les prochaines semaines.

« Quand on m’a appelée, j’étais super heureuse, mais après, ça m’est un peu rentré dedans », raconte la chanteuse jeannoise à qui on a demandé, il y a un mois, de remplacer le ténor Christoph Prégardien, qui devait à l’origine chanter La belle meunière de Schubert avec le quintette à vent Pentaèdre jeudi à la salle Bourgie. En lieu et place, Julie Boulianne se mesurera aux Kindertotenlieder de Mahler.

La chanteuse a été contactée alors qu’elle s’apprêtait à faire un remplacement au pied levé au Concertgebouw d’Amsterdam dans Les nuits d’été de Berlioz, avec l’Orchestre philharmonique de la radio néerlandaise. Le même programme, qui devait être donné à Utrecht, a été annulé… à cause d’une tempête de vent ayant paralysé tout le pays.

De retour au Québec, Julie Boulianne a du pain sur la planche.

« C’est un gros cycle, à cause de la charge émotionnelle des textes », constate la mezzo-soprano, qui n’a chanté l’œuvre qu’une fois, il y a une douzaine d’années. « En ce moment, avec tout ce qui arrive, ce n’est pas facile de chanter un cycle sur la mort des enfants. Il va falloir que je me laisse guider, que je fasse confiance au langage du compositeur, que je trouve l’équilibre entre l’investissement émotionnel et la musique qui est déjà sur la page. »

Il y a de quoi être ému, dans ces cinq lieder composés au début du XXsiècle sur des textes de Rückert, qui avait lui-même perdu deux enfants. « Regarde-nous, car bientôt nous serons loin de toi !/Ce qui n’est pour toi encore que des yeux en ces jours/Dans les nuits à venir ne sera plus pour toi que des étoiles », fait dire le poète aux enfants disparus.

Le risque est de devenir trop investi quand les textes sont touchants comme ça. Avec des sujets aussi délicats, c’est facile de se laisser emporter.

Julie Boulianne, mezzo-soprano

« C’est bien de s’investir dans la musique, mais je pense qu’il faut toujours garder un recul, laisser parler le compositeur et le poète et juste être le véhicule de l’œuvre », précise Julie Boulianne, qui se réjouit néanmoins de chanter le cycle, souvent interprété avec grand orchestre, dans un cadre plus intime.

Son concert montréalais suivant, le 14 avril à la salle Bourgie, sera plutôt placé sous le signe de la naissance. « C’est complètement à l’opposé [du 10 mars]. Là, on part dans les airs galants qu’on a découverts, des trucs qui n’ont jamais été enregistrés. On est vraiment excités par ce projet. Ça fait longtemps qu’on travaille là-dessus », raconte l’artiste.

Tous ces airs inédits ont été écrits au XVIIIsiècle sur des textes du légendaire librettiste Pietro Metastasio, par des compositeurs comme Porpora, Hasse, Galuppi et d’autres beaucoup moins connus. C’est le directeur de Clavecin en concert, le claveciniste Luc Beauséjour, qui en a assuré l’édition, en collaboration avec le graveur Pierre Gouin. Le tout fera l’objet d’un enregistrement, le troisième de Julie Boulianne avec l’ensemble.

Et après ? « Je suis ici pour un bon bout de temps », assure la chanteuse.

Elle chantera Donna Elvira dans la production de Don Giovanni de Mozart, de l’Opéra de Québec, au mois de mai, avant de rejoindre l’Orchestre symphonique du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Julie Boulianne sera de retour en Europe en juin pour chanter Dorabella dans Così fan tutte de Mozart, au Royal Opera House de Londres, avant ses débuts dans le rôle d’Octavian du Chevalier à la rose de Richard Strauss, au Théâtre de la Monnaie. Bref, ce ne sont pas les projets qui manquent.

Aussi au programme

Du grand piano à Bourgie

PHOTO FOURNIE PAR LA SALLE BOURGIE

Gabriela Montero

Deux grandes dames du clavier se produiront bientôt à la salle Bourgie. Le 12 mars, c’est la Vénézuélienne Gabriela Montero, qui s’était produite dans cette même salle en 2019, qui se fera entendre dans un programme russe (Prokofiev, Stravinsky et Rachmaninov), en plus d’improviser sur le film L’émigrant de Chaplin. La Britannique Imogen Cooper lui succédera le 3 avril dans Beethoven, Schubert et Adès.

Un ensemble phare au LMMC

PHOTO FOURNIE PAR LE FAURÉ QUARTETT

Le Fauré Quartett

Peu de formations se consacrent à temps plein aux œuvres pour quatuor à cordes avec piano. Le Fauré Quartett, fondé en Allemagne en 1995, est l’une des plus prestigieuses. Les quatre musiciens joueront Brahms et Fauré à la salle Pollack le dimanche 20 mars en après-midi dans le cadre de la saison du Ladies’ Morning Music Club. Réservation obligatoire au 514 932-6796, au 514 708-6796 ou par courriel à info@lmmc.ca.

En attendant l’Opéra de Montréal…

PHOTO PIERRE CHASSE, TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE POLLACK HALL

La salle Pollack de l’Université McGill

Pour entendre de l’opéra en salle en attendant la Flûte enchantée de Mozart en mai à l’Opéra de Montréal, les amateurs d’art lyrique se rendront impérativement à la salle Pollack de l’Université McGill les 25 et 26 mars pour assister à l’opéra Don Giovanni du même compositeur, et ce, à prix d’ami. Les étudiants de l’établissement se produiront sous la direction du chef Stephen Hargreaves et du metteur en scène Patrick Hansen.

Le Concerto de Québec, bis

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le pianiste Alain Lefèvre

Après avoir été joué par le pianiste Jean-Philippe Sylvestre à la Maison symphonique en février en compagnie de l’Orchestre Métropolitain, le désormais célèbre Concerto no 3, dit « de Québec », d’André Mathieu sera redonné sur la même scène le 2 avril par son plus grand défenseur, le pianiste Alain Lefèvre. Il sera accompagné par les musiciens de l’Orchestre Philharmonique et Chœur des Mélomanes (OPCM) sous la direction du jeune Francis Choinière, qui offriront également la non moins fameuse Symphonie no 9 « du Nouveau Monde » de Dvořák.