Il était temps. Après deux mois d’un insoutenable silence, l’Orchestre symphonique de Montréal a retrouvé son public, deux jours après qu’eurent sauté les verrous des salles de concert. C’est le chef français Louis Langrée qui officiait pour ce cérémonial tant attendu. La magie a opéré.

L’assemblée est évidemment modeste, avec quelque 500 personnes permises. Cela constitue toutefois un avantage certain pour l’accès à la Maison symphonique, qui se fait bien plus rondement qu’en décembre.

Une fois dans la salle, la disposition distanciée mais régulière des spectateurs nous donne l’impression d’une bonne foule. Tous sont masqués, bien sûr, sauf les musiciens. Sur scène, seuls quelques panneaux en plexiglas témoignent, çà et là, de la pandémie qui sévit encore.

C’est par les douces volutes de la flûte solo du début du Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy que la musique de concert entre de nouveau dans nos vies après deux mois de disette.

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Quelque 500 personnes ont pu assister au concert de l'OSM à la Maison symphonique.

Langrée connaît bien Debussy, dont il dirige à l’occasion l’opéra Pelléas et Mélisande. Cela se sent. Le geste est fluide, malgré la nécessité de souvent décomposer la mesure à 9/8. Sans se presser, il prend le temps de faire chanter les différents motifs, de doser les alliages sonores si uniques que contient la partition.

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La violoniste Simone Lamsma

On quitte par la suite la France pour la Hongrie. La violoniste Simone Lamsma entre doucement sur scène. Les premières notes de la fugue initiale du Concerto pour violon n1, Sz 36, de Bartók sont jouées par la Néerlandaise comme un murmure lointain.

Les différents pupitres de l’orchestre s’ajoutent ensuite graduellement, sans brusquerie, dans un tempo souple mais implacable. La musique est aussi sévère que gorgée d’émotion.

Puis la retenue laisse place à tout autre chose. Mme Lamsma se révèle une véritable féline dans le deuxième et dernier mouvement. Le vibrato s’élargit et le violon emplit rapidement toute la salle. L’indication « allegro giocoso » (gai et enjoué) aurait sans doute appelé un peu plus d’espièglerie à l’orchestre, qui aurait bénéficié d’un jeu vraiment marcato. Cela se fait, il suffit d’écouter la version Stern-Ormandy.

Introduction remarquable

Retour à l’orchestre seul pour finir le concert avec la Symphonie no 7 en la majeur, opus 92, de Beethoven. Louis Langrée ne s’embarrasse pas trop de considérations musicologiques. Il se contente de faire de la musique.

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Le chef d'orchestre Louis Langrée salue son public.

L’introduction du premier mouvement est remarquable. Assez rapide au départ, le tempo s’adapte aux différents éléments du discours musical. La section rapide est grisante à souhait.

Dans le célèbre Allegretto, Langrée adopte un tempo plutôt modéré, évitant la rapidité de certains chefs « historiquement informés ». Tout a le temps de chanter, et on l’en remercie.

Comme pour le mouvement final du Bartók, le troisième mouvement aurait été plus intéressant un poil plus rapide (et avec des entrées des hautbois plus présentes). Comme beaucoup de ses collègues, le chef marque un peu trop chaque note du thème principal, bridant un peu l’horizontalité de la ligne. Encore là, il y a moyen de mettre un peu plus de piquant. Carlos Kleiber l’a fait avec le Philharmonique de Vienne, et c’est quelque chose.

Langrée se rattrape magnifiquement dans l’Allegro final, un feu roulant qui emporte tout sur son passage.

Après les applaudissements, des plus chaleureux, on ne peut qu’opiner avec notre voisine de siège : « Que ça fait du bien ! »