(New York) Sous le feu des critiques il y a un an pour des insultes racistes, la vedette américaine de la musique country, Morgan Wallen, reste populaire dans son pays, avec un deuxième album et une tournée qui cartonnent. Un succès qui pose à nouveau, selon ses critiques, la question de l’acceptation du racisme dans ce milieu.

Épinglé par une vidéo diffusée début février 2021, où il usait d’un vocabulaire insultant pour les Afro-Américains, le chanteur a été un temps « suspendu » par son label et banni des cérémonies de récompenses.

Mais son deuxième album (Dangerous : The Double Album), sorti un mois plus tôt en janvier 2021, s’est malgré tout vendu à plus de 3 millions d’exemplaires — plus qu’Adele ou Olivia Rodrigo. Face à la demande du public, une seconde date dans sa tournée a été ajoutée au prestigieux Madison Square Garden de New York, où le chanteur se produisait mercredi et jeudi.

À l’heure où la « cancel culture », une tendance à mettre au ban artistes ou personnalités pour leurs dérapages ou leur racisme, est souvent pointée du doigt aux États-Unis, les détracteurs de Morgan Wallen regrettent qu’il n’ait pas à rendre davantage de comptes.

« Haine profonde »

« Les ventes de son album ont grimpé en flèche parce que des gens, au fond, estiment qu’on en a trop fait », explique à l’AFP Sheryl Guinn, présidente de l’antenne de la célèbre organisation de défense des droits civiques NAACP à Nashville, berceau de la musique country, dans le Tennessee.

« La haine est profonde », avait tweeté au cœur de la polémique la chanteuse Mickey Guyton, première femme noire nommée pour un Grammy en tant qu’artiste solo dans la catégorie country, qui chantera l’hymne national au Super Bowl ce week-end.

Pour Sheryl Guinn, le problème va au-delà de la musique country, un genre souvent critiqué pour son indulgence face au racisme. Pour elle, la difficulté est « que l’Amérique elle-même ne se soucie pas assez d’éradiquer le racisme ».

Morgan Wallen, dont les gérants n’ont pas répondu à l’AFP, s’était excusé après l’irruption de la vidéo, mais du bout des lèvres selon ses critiques.

« Je suis déçu qu’il n’ait pas fait plus, mais je ne suis pas surpris », explique l’historien de la country Charles Hughes, en pointant un « système dans son ensemble » qui « permet (à Wallen) d’être réintégré sans que personne n’ait à se justifier ».

« Ressentiment et privilège »

« Vous ne perdrez jamais d’argent aux États-Unis si vous pariez sur le ressentiment et sur le privilège des personnes blanches », ajoute ce professeur au Rhodes College de Memphis, pour qui l’on aurait pu espérer que, « même sans incitation financière », les impératifs « moral » ou « politique » soient davantage considérés dans cette affaire.

Pour Zach Scott Gainous, avocat spécialisé dans le divertissement et gérant d’artistes basé à Nashville, une controverse comme celle qui entoure Morgan Wallen peut même attirer l’attention sur l’artiste en question et « renforcer » sa « base de fans ».

Selon Charles Hughes, le country en général doit « repenser fondamentalement qui est mis en avant et pourquoi », un changement structurel qui nécessite plus que de créer « des espaces superficiels limités pour se féliciter ensuite ».

Ces dernières années, les musiciens noirs de la musique country et folk — en particulier les femmes — se sont ainsi taillés un espace que l’industrie leur a longtemps refusé, se réappropriant à leur manière un genre dont les racines sont afro-américaines.

Au-delà des artistes, Charles Hughes appelle aussi à recruter et embaucher davantage de personnes noires dans tous les métiers de l’industrie de la musique country. « Je pense qu’il est très important de détourner notre conversation de Wallen », ajoute-t-il. « Il y a tellement d’autres personnes qui font du bon travail. C’est là-dessus qu’il faut se concentrer en ce moment. »