À la veille de ses Retrouvailles à la Place des Arts, dans le cadre de Montréal en lumière, Pierre Lapointe publie un album imprévu. L’heure mauve, issu d’une collaboration avec l’artiste Nicolas Party et le Musée des beaux-arts de Montréal, est un dialogue musical où il réaffirme ses liens avec les classiques de la chanson québécoise et européenne.

L’heure mauve, album de Pierre Lapointe publié lundi, ne devait pas exister. Ces 14 chansons – sept reprises et autant de compositions originales – ne devaient à l’origine que servir de trame musicale à l’exposition de l’artiste suisse Nicolas Party présentée au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) à compter de samedi, elle-même intitulée L’heure mauve.

Il a été question de presser un vinyle, mais pas d’en faire un disque à écouter à la maison. À une époque où les musiques du monde entier sont facilement accessibles sur un téléphone, le chanteur se réjouissait que ces chansons-là soient entourées d’un voile de rareté.

Je trouvais que c’était un beau pied de nez que de dire : vous allez devoir vous déplacer pour écouter un album de cette qualité.

Pierre Lapointe, lors d’une brève rencontre au MBAM

Ses chansons avaient été pensées pour interagir avec les tableaux et les mises en scène du plasticien suisse, et c’était d’abord dans cet environnement qu’elles devaient être entendues.

En plus de s’inspirer des œuvres de l’artiste visuel, il a mimé sa démarche. Puisque Nicolas Party a créé un dialogue entre des œuvres du MBAM et ses créations à lui, Pierre Lapointe a fait de même : il a puisé dans le répertoire chansonnier québécois et européen des morceaux d’Aznavour, Kurt Weill, Félix, Vigneault et d’autres pour ensuite écrire de nouvelles chansons.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

La pochette de l’album L’heure mauve, de Pierre Lapointe, est une œuvre de Nicolas Party.

Partant de la chanson Le serpent qui danse, de Léo Ferré, sur un poème de Baudelaire, il a créé La danse du conquistador. « Je trouvais ça bien d’avoir un poète qui avait fait scandale à l’époque : Les fleurs du mal avait été banni parce que c’était trop érotique », rappelle Pierre Lapointe. Sa chanson à lui, associée à des œuvres évoquant le péché originel, est plus charnelle et plus directe que celles qu’il a déjà écrites au sujet de la sexualité.

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En écho à L’hymne au printemps, de Félix, il propose son Hymne à l’automne, hommage musical au regretté Michel Robidoux (Charlebois, Renée Claude, etc.), avec qui il a collaboré à l’époque de Punkt (Les enfants du diable). Inspiré par des représentations de Marlene Dietrich par Nicolas Party, il a repris la version allemande d’une chanson de Pete Seeger (Sag mir wo die Blument sind). Pierre Lapointe a choisi des airs qui ont passé l’épreuve du temps : la plus récente, Non je n’ai rien oublié, d’Aznavour, a 50 ans.

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Qu’il s’agisse de reprises ou de compositions originales, presque toutes les chansons de L’heure mauve affichent ce classicisme que Pierre Lapointe affirme et cherche à rénover depuis le début de sa carrière. Ici, les arrangements misent sur les violons et les guitares classiques avec ici et là une touche de cuivres.

Une seule sort complètement du lot : L’heure mauve 22, morceau légèrement dissonant interprété par le pianiste Philip Chiu, que Philippe Brault et Pierre Lapointe ont coécrit sur ordinateur. « On a fait un graphique qu’on a trouvé beau, on a fait des séries d’accords qu’on a déplacés », raconte le chanteur, évoquant les cadavres exquis réalisés par les poètes surréalistes. « On est vraiment dans la composition contemporaine [avec ce morceau]. »

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Ce projet bouclé, Pierre Lapointe remonte sur scène les 18 et 19 février dans le cadre de Montréal en lumière pour des retrouvailles qui sont en fait la poursuite de sa tournée Pour déjouer l’ennui, interrompue par la pandémie, mais avec quatre choristes et une harpiste en plus. « Comme c’est à la Place des Arts, dit-il, on met le paquet. »