Près d’un an après le lancement (en pleine pandémie) de son deuxième album, À tous les bâtards, le Français Eddy de Pretto brûle d’enfin « faire vivre » sa musique. De passage à Star Académie dimanche, de retour l’été prochain aux Francos, il compte bien en faire profiter Montréal.

Dans une salle de réunion de l’hôtel Fairmont Le Reine Elizabeth, au centre-ville de Montréal, Eddy de Pretto nous accueille d’un chaleureux « bonjour » accompagné d’un poing tendu, fameux substitut de la poignée de main. Ses yeux bleus expriment le sourire derrière son masque.

L’auteur-compositeur-interprète français est heureux d’être ici, nous dit-il avant que l’entrevue ne commence officiellement. Il sera de passage à Star Académie dimanche (en compagnie de William Cloutier, Laurence Jalbert et Paul Piché) et on vient d’annoncer qu’il sera l’une des têtes d’affiche des Francos l’été prochain, avec un concert au MTelus le 17 juin.

À Montréal, « il y a vraiment une énergie », lance le chanteur. Après avoir joué dans un MTelus bondé pour la première fois en 2018, il savait qu’il devait revenir.

Je n’arrête pas de le dire : il s’est passé un putain de truc dans cette salle ce soir-là [à Montréal]. J’ai ressenti un truc et je m’en souviendrai toujours, j’ai dit à mon équipe en sortant : « C’est trop bien, c’est trop fort, il y a une sympathie, une bienveillance, un amour qu’on n’a pas dans nos salles françaises. »

Eddy de Pretto

De nouveau, Eddy de Pretto peut envisager de monter sur scène présenter cet album qui aura bientôt un an, À tous les bâtards. Sa tournée, maintes fois remise, devrait débuter au printemps et on annonce sa présence dans plusieurs festivals les mois suivants. Quand il imagine son retour sur scène, le chanteur se dit qu’il y aura sûrement « une émotion particulière ». « Je vais arriver, je vais pleurer, quoi ! On l’a tellement rêvé ! »

La scène, pour Eddy de Pretto, est sa raison de pratiquer son métier. S’il est pressé de retourner devant son public, il avoue qu’il a quelque peu remis son rapport aux concerts en question pendant la longue pause pandémique.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Eddy de Pretto au MTelus en avril 2019

« Avant, c’était juste naturel. J’étais excité, mais je n’avais pas de peur, aucune angoisse. Mais là, ça fait longtemps et il y a eu tellement d’introspection et tellement de choses en moi qui ont changé avec la COVID-19. Je t’avoue qu’il y a une pression de remonter devant une salle de 5000-6000 personnes ! » Ses quelques prestations devant un public réduit en fin d’année dernière lui ont tout de même permis de faire un constat clair : « J’ai oublié toutes les angoisses, je me suis dit : “En fait, c’est ma vie. Je voulais tout arrêter, mais non.” [Ces moments] m’ont aidé à reprendre le dessus sur la pandémie. »

Le blocage, puis l’inspiration

Avec son premier album, l’autobiographique Cure, paru en 2018, l’auteur-compositeur-interprète de 28 ans s’est tracé un chemin pavé de succès. Sa musique, entre la chanson, la pop, le hip-hop et l’électro, a contribué à redéfinir la chanson française contemporaine.

Son second essai, À tous les bâtards, a été lancé en mars 2021. La critique et les fans l’ont adopté, mais quelque chose a manqué. « C’était un album d’union. J’ai voulu dire que j’avais entendu [les fans] sur le premier album, j’ai eu envie de rallier le discours et qu’on soit ensemble encore plus, raconte Eddy de Pretto. Il y avait un côté un peu plus universel que je voulais aller chercher et il ne s’est pas du tout épanoui là-dedans. Je n’ai pas senti le côté fédérateur. On était tous parqués chez nous, solo, à attendre avec anxiété et stress ! »

La dernière année a été « très dure psychologiquement », confie Eddy de Pretto. « De ne pas pouvoir faire vivre l’album, rencontrer les gens, projeter quoi que ce soit… On a reporté trois fois la tournée qu’on n’a toujours pas faite ! » Le grand rouquin, casquette rose vissée sur la tête, tripote les bagues à ses doigts, tout en poursuivant.

Tu as sorti un album en mars dernier et parce que tu n’as pas la possibilité de le faire vivre, tu dois vite retrouver l’aplomb et des choses à raconter rapidement. Tu as l’impression d’avoir tout donné dans l’album, d’être vidé en énergie et là, tu dois re-renouveler ton discours.

Eddy de Pretto

Cette pression, il l’a sentie alors qu’il sortait à peine d’une période amorphe infligée par l’année 2020. « J’ai été totalement figé psychologiquement pendant le premier confinement, je ne savais plus quoi faire, c’était très violent pour moi, dit-il. Il a fallu que j’encaisse ça. » Nul besoin de dire que l’inspiration n’était pas de la partie. « Rien ne sortait, je n’avais rien envie de raconter, dit Eddy de Pretto. Mais là, j’ai fait tout un travail pour retrouver ma confiance. »

Il mentionne les collaborations, parues à l’automne, avec Julien Doré (sur son album aimée) et Yseult (les deux chansons Pause et Kiss). S’il ne collabore pas avec d’autres artistes sur ses albums, « [se] nourrir d’autres énergies » l’a beaucoup aidé à se remettre en mode création. Avec Yseult, « on avait envie de collaborer, on a composé ces deux chansons et on s’est tout de suite dit qu’il fallait les sortir. On les kiffait, elles étaient douces, et j’avais énormément besoin de douceur et de rondeur à ce moment-là ».

L’infiniment soi

Eddy de Pretto fait preuve de beaucoup d’ouverture lorsqu’il répond aux questions de La Presse. Le regard franc, l’auteur-compositeur-interprète en donne plus qu’on ose lui en demander, alors qu’on l’interroge sur ses humeurs et sentiments. Dans sa musique, c’est le même principe, poussé plus loin encore, puisqu’il a choisi la chanson pour explorer, comprendre et raconter tous ses états d’âme.

A-t-il parfois le vertige en constatant à quel point ceux qui écoutent ses confidences sont (de plus en plus) nombreux ?

« C’est drôle que tu me demandes ça, parce que plus je vieillis, plus je me dis : “Attends, qu’est-ce que je raconte, qu’est-ce que je fais ?”, répond le musicien en éclatant de rire. Mais je ne mets aucune pudeur dans mon écriture, aucune. À tort ou à raison ! C’est ma façon à moi de me sentir légitime de raconter mon histoire. J’adore raconter l’infiniment petit, l’infiniment soi. Parce que j’ai l’impression que ce sont des choses que certaines personnes vont voir aussi dans leur infiniment petit à elles et que ça va leur parler. »

Pour continuer de parler à ceux qui l’écoutent, Eddy de Pretto ne se voit plus passer par des albums pour l’instant. « J’ai envie de refaire des sons, mais je vais arrêter pour une période de miser sur de grosses sorties, parce que j’ai été terrorisé par toute la dynamique [que cela implique] », explique-t-il. Le milieu de la musique et les habitudes d’écoute du public ont changé, souligne également le chanteur.

« Avec tout ce que tu mets de toi dans l’album, là j’ai juste envie de kiffer, d’y aller au feeling, de faire des sons, dit Eddy de Pretto. Et quand certains me plaisent, de les sortir, sans me mettre de pression. Je ne me projette pas sur l’idée de faire un album, juste sur le fait de faire de la musique. J’ai juste envie de reprendre la parole. »

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