Dawn FM est un objet musical surprenant, superbement réalisé, dont le concept est divertissant sans jamais être poussé trop loin. Un album de toute beauté.

The Weeknd progresse encore et toujours dans l’exploration de sonorités R & B et soul qu’il rend à la fois modernes et rétro (les années 1980, encore une fois, sont partout). On sent dans la touche The Weeknd sur Dawn FM une vision très claire, libérée, exécutée avec doigté et confiance (à la production, au chant, à la composition). Abel Tesfaye (de son vrai nom) est au sommet de son art.

Après un album de Greatest Hits dont on aurait bien pu se passer l’an dernier, le Torontois nous arrive avec un disque dont avait besoin sans le savoir. Une surprise bienvenue, sortie une semaine après avoir été annoncée.

Les tons lugubres qu’on lui connaît ne sont pas loin, mais Dawn FM, comme son titre le suggère, nous fait passer du côté plus lumineux du voyage dans lequel The Weeknd nous a embarqués avec After Hours (2020).

Narration bonbon

Le concept de cette « radio de l’aube » est exploré à fond, mais ne nous distrait pas de ce qui compte vraiment : la musique. On écoute la radio et les repères qui vont avec nous sont servis avec une appréciable touche humoristique. Certaines chansons se terminent avec le jingle du 103,5 Dawn FM. Une autre se conclut sur une publicité fictive (« Call 1-800-444-4444 to order »).

L’acteur Jim Carrey assure la narration de cette épopée radiophonique, une collaboration que l’on reçoit comme un bonbon. N’importe qui aurait pu prêter sa voix aux interludes, mais cette intonation que l’on reconnaît rend le tout plus divertissant encore.

The Weeknd aborde avec une maturité inédite les failles de son caractère, ses traumatismes et sa recherche de lumière.

À travers son introspection, il chante des phrases teintées de violence (un thème récurrent dans son œuvre), d’une certaine horreur. Mais le lumineux prévaut, ne serait-ce que parce qu’il cherche à l’atteindre, ne serait-ce que par l’instrumentation. Le musicien crée mieux que quiconque ces morceaux paradoxaux, tout aussi moroses qu’adéquats pour les pistes de danse. Comme avec la pièce disco-pop Take My Breath, par exemple, parue à l’été 2021 et l’un des moments forts du disque (Is There Someone Else ? figure également très haut parmi nos favorites).

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Jim Carrey nous prépare au début de l’album à l’univers dans lequel nous nous apprêtons à entrer – « You’ve been in the dark for way too long, it’s time to walk into the light ». Puis, il intervient à mi-chemin pour nous annoncer « trois minutes d’écoute facile avec des chansons lentes ». Et comme annoncé, s’ensuivent les ballades et les chansons d’amour (ou de peine d’amour).

La deuxième moitié de l’opus, donc, débute avec la douce Here We Go… Again, en collaboration avec Tyler, The Creator… et Bruce Johnston (à la coécriture). Une paire aussi inattendue qu’efficace sur cette chanson également parmi les meilleures du lot. Plus tard, c’est Lil Wayne qui intervient, cette fois sur I Heard You’re Married, venant solidifier l’alignement tout étoilé de collaborateurs (le musicien et réalisateur légendaire Quincy Jones est aussi du groupe).

La fin d’un cycle ?

La production de cet album est assurée par de grands noms, de la Swedish House Mafia à Oneohtrix Point Never en passant par Calvin Harris ou Max Martin. L’addition de tous ces talents fait des ravages.

Le disque se conclut sur Phantom Regret by Jim, une narration de Jim Carrey sur une musique en crescendo, à la fois inquiétante et céleste. Dawn FM sonne comme la fin de quelque chose. La version âgée de The Weeknd sur la pochette vient renforcer l’idée qu’on atteint une conclusion. La fin d’un cycle, entamé avec After Hours ? Ou carrément d’une carrière, Abel Tesfaye ayant laissé entendre en entrevue qu’il comptait mettre fin au projet The Weeknd ? Le mystère reste entier, mais on espère que ce splendide album n’est que le début du reste d’une longue carrière.

Dawn FM

R & B/pop

Dawn FM

The Weeknd

XO/Republic

8/10