Il y avait Stephen Stills le touche-à-tout, David Crosby le génie troublé, Graham Nash le romantique et Neil Young le mystérieux. Ils avaient des caractères de chien et des ego gros comme ça. Mais l’espace d’un album, ils ont réussi à créer un « moment » qui n’a jamais été égalé depuis.

Considéré avec raison comme un classique du folk-rock, l’album Déjà vu vient tout juste d’être réédité pour son 51e (!) anniversaire. Mais la compagnie Rhino ne s’est pas contentée de ressortir le disque en version dépoussiérée. En plus de la galette originale, offerte en vinyle et en CD, ce coffret inclut trois autres CD avec deux heures et demie de musique bourrées de démos, de chutes de studio et d’autres inédits (29 pour être plus précis). Autant dire un évènement.

Réentendre Déjà vu est en soi quelque chose. Cet album, aussi sombre que lumineux, reste un incontournable de la grande époque du rock. Harmonies vocales supersoniques, guitares déchirantes, textes porteurs : malgré les deuils amoureux et l’abus de cocaïne, chacun était alors à son sommet. D’où le poids de ce « super groupe » et de ce super album, qui se vendra à 8 millions d’exemplaires à sa sortie en 1970.

Mais l’intérêt, ici, se trouve bien sûr dans les morceaux exhumés. Outre les inévitables « démos », parfois émouvants (4 +20, Almost Cut My Hair, Déjà vu), on peut entendre des chansons qui se retrouveront plus tard sur les albums solos de chacun, et d’autres qui avaient été dûment enregistrées en groupe, mais écartées et « tablettées » depuis.

Sans être mémorables, ces dernières surpassent de loin beaucoup de choses qui se faisaient à l’époque. Et on peut se questionner sur leur rejet initial. Déjà vu aurait pu faire un album double plus que potable.

Le grand absent de ce coffre aux trésors demeure Neil Young. Peu surprenant vu le caractère fuyant du personnage. Hormis une version inédite de Birds (en duo avec Graham Nash), le Canadien errant a choisi de ne rien céder pour ce projet.

Le prolifique Stephen Stills se taille donc la part du lion avec plus de la moitié des inédits (Bluebird revisited, I’ll be there, 30 Dollar Fine, Ivory Tower). Et si l’on a un gros faible pour l’intuition mélodique de David Crosby, il faut admettre que le moment de grâce appartient à Graham Nash.

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Sa version bancale de Our House, interprétée avec Joni Mitchell (sa compagne du moment), est tout simplement craquante. Le voilà qui se trompe et qu’elle éclate de rire. Pur instant de joie. Arrêt sur image. Celle d’une époque idéalisée. Et d’un groupe qui se retrouvera à l’occasion, mais ne sera plus jamais aussi inspiré que cette année-là.

Déjà vu – Édition 50e anniversaire

Folk rock

Déjà vu – Édition 50e anniversaire

Crosby, Stills, Nash & Young

Rhino

9/10