Elliot Maginot présentera vendredi Easy Morning, troisième album dans lequel il remet en question le monde qui l’entoure. C’est d’ailleurs très bien entouré qu’il a façonné ce projet où sa pop s’est unie à des percussions, des cordes et des flûtes ouest-africaines.

Easy Morning débute avec la pièce Emilio (Any Day Now). Un grincement, peut-être celui d’une porte qui s’ouvre, des bruits ambiants, dont une voix lointaine. Puis des percussions, des notes jouées au balafon, cet instrument malien au son singulier. Finalement, plus singulière encore, la voix d’Elliot Maginot, qui s’installe sur des airs lumineux, cadencés par les sonorités ouest-africaines mariées aux instruments acoustiques et aux cuivres.

« Je n’ai pas la prétention d’avoir fait un tant soit peu un style de musique ou de chanson ouest-africain », tient d’emblée à préciser l’auteur-compositeur-interprète, joint par téléphone cette semaine.

La précision est importante pour lui, et elle est bonne à comprendre. Alors qu’Easy Morning explore habilement les possibles qu’offrent le balafon, la kora ou la flûte feule, en les associant aux cordes, aux guitares acoustiques ou au saxophone, « utiliser l’appellation ouest-africaine, c’est pour parler des instruments utilisés, dans les sons et les gens qui ont joué sur l’album », dit-il.

Parmi ces gens, Elliot Maginot a pu compter sur le multi-instrumentiste burkinabé Salif « Lasso » Sanou et sur le percussionniste sénégalais Élage Diouf, « un des meilleurs au Québec, sinon le meilleur ». « Je ne dis pas ça pour les flatter dans le sens du poil, mais ça a été deux des plus belles sessions de studio que j’ai jamais eues, raconte Maginot. C’était vraiment une leçon de ce que ça veut dire de jouer de la musique et d’y mettre une partie de ce que tu es. »

S’isoler pour mieux créer ?

Elliot Maginot rêvait de créer avec des instruments ouest-africains depuis son premier album, mais « n’avai[t] ni les outils ni la confiance pour contacter des gens », dit-il. Pour ce troisième album, « je me suis donné le droit d’approcher ces musiciens complètement merveilleux et le contact a pu se faire ».

Ainsi est né Easy Morning. Avec la collaboration d’Élage Diouf et de Lasso Sanou, mais également avec un paquet d’autres musiciens, dont le quatuor Esca, Mathieu Le Guerrier, Robbie Kuster, Alex Francœur…

Mais avant que tout ce beau monde ne s’amène sur le projet, il n’y avait qu’Elliot. Seul dans un chalet en forêt, au printemps 2020. Quelques notes vocales sur son cellulaire comme seule base de travail, « mais aucune chanson » en poche, il a profité du contexte imposé par la pandémie pour s’essayer au jeu de la retraite de création.

C’était la fin de ma tournée, j’ai eu la chance de partir à zéro, de pouvoir faire juste ça à temps plein pendant trois mois, sans distraction.

Elliot Maginot

Le rêve, quoi… Ou bien pas tant que ça, en fait. Le musicien l’avoue, il ne croit pas reproduire l’expérience de sitôt. Se retrouver seul avec son art ne lui a pas fait que du bien. « C’est comme de mettre tous tes œufs dans le même panier. Ta vie, c’est juste ça, dit-il. Donc les journées ou les semaines où je trouvais que ce que je faisais, c’était de la merde ou je n’arrivais à rien sortir, il n’y avait rien d’autre à quoi m’accrocher. »

Au final, et même si un album en est né, « je ne trouve pas ça très sain, en tout cas, pas avec mon cerveau », lance-t-il.

Une musique « plus lumineuse »

Bien qu’isolé loin de la ville, Elliot Maginot n’a pas pu faire omission de la pandémie, des épreuves et des deuils traversés par l’industrie dans laquelle il fait carrière. S’il n’aborde ni de près ni de loin la crise ou son ressentiment pendant cette période, il se rend aujourd’hui compte que l’insécurité dans le milieu a changé son approche de la composition.

On se demandait si on allait avoir une job quand tout ça allait finir. On dirait que toute la notion de carrière a été un peu évacuée, donc ça a libéré l’écriture.

Elliot Maginot

La plume s’est laissée aller, sans grande considération pour ce que ça donnerait sur scène ou la façon dont ça sonnerait à la radio.

Paradoxalement, cette période trouble a aussi donné une musique plus lumineuse, comme pour compenser « la carence de contacts humains ». « Au lieu qu’elle soit très introspective et dark, j’ai eu envie de faire une musique plus légère, plus ouverte, plus festive », affirme-t-il.

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Des sons de la vraie vie

Déjà dans les premiers moments de création, Elliot Maginot échangeait avec le réalisateur Connor Seidel (Charlotte Cardin, Matt Holubowski), avec qui il a travaillé pour son précédent album, Comrades. « Je pense qu’on était rendus à la même place dans l’orientation musicale qu’on voulait prendre, dit Maginot. Connor est talentueux à l’extrême, mais c’est surtout quelqu’un qui va aller extraire tout ce que tu as de bon en toi, autant en termes de confiance que d’idées que de playing. »

Amis proches, les deux artistes n’ont même pas eu à se dire explicitement qu’ils collaboreraient sur cet album, raconte Maginot en riant. Ils ont simplement commencé à travailler.

Et une chance que je l’avais pour bouncer les premières idées. Ça m’a permis de maintenir le cap jusqu’à ce qu’on se rencontre [en studio] pour faire le disque, à l’été.

Elliot Maginot

Sur ce disque, Elliot Maginot explore à sa guise. Contemplateur des choses simples, il aime capter les sons de la vie autour de lui et a semé un peu de tout ça dans Easy Morning, par des bruits ambiants, des voix, des rumeurs de la ville ou des sons de la campagne. « J’avais envie que le disque feel comme un tout, que les transitions soient naturelles, organiques. Que ce soit un peu à la bonne franquette, un peu tout croche. C’est ça, la vie. Il y a des bruits et il y a des gens qui crient. J’avais envie de sortir ça un peu du studio, de déstériliser l’expérience qui peut vite devenir un assemblage de sons qui n’ont rien à voir avec la vraie vie. »

Et parlant de vraie vie, Easy Morning verra enfin le jour vendredi. Elliot Maginot et ses musiciens le présenteront lors du lancement à Montréal, au Club Soda, ce jeudi.

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