Terrien est le 26e album de chansons originales de Julien Clerc, et son 49e en 52 ans de carrière. Nous avons joint au téléphone le chanteur de 73 ans, qui nous a gentiment parlé de cet album plus sombre dans lequel il aborde de nombreux thèmes liés à l’actualité.

Q. Le titre de l’album, Terrien, annonce bien les couleurs de ce qu’on va entendre ?

R. Oui. Moi, je n’écris pas les paroles, que la musique, et les auteurs avec qui je travaille, je les laisse me donner ce qu’ils veulent. Là, je dois dire que pour cet album, tous, hommes ou femmes, âgés ou moins âgés, sans se donner le mot, m’ont offert des textes, on va dire, un peu sociétaux.

Q. Quand vous avez mis tout ça ensemble, est-ce que vous vous êtes dit que les gens n’allaient pas bien ?

R. Je me suis dit que cet album n’allait pas tout à fait ressembler aux autres et qu’il aurait une connotation différente… Me voilà tout d’un coup porte-parole ! Mais vous savez, quand vous existez comme moi depuis longtemps, il faut quand même essayer de surprendre. Pour que les gens ne se disent pas : « Ah, c’est juste un nouvel album de lui, on connaît… » J’étais content qu’on m’ait donné ces textes-là.

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Q. Vous pouvez vraiment tout chanter, dans le fond !

R. Oui, et je suis d’accord pour tout chanter, mais encore faut-il avoir de bons textes. La chanson engagée, ça n’a jamais été tellement mon truc, mais si vous me donnez une très bonne chanson sur un sujet grave, ce qui passe en premier, c’est l’artistique.

Q. On peut donc avoir comme thème la santé mentale, la crise écologique, les agressions sexuelles et même le Brexit, et faire une bonne chanson.

R. Oui. Comme toujours, j’ai fait la plupart des musiques sur les textes. On n’est pas nombreux à faire ça, mais plus le temps passe, plus c’est ce qui m’amuse le plus. À cet égard, je suis un chanteur profondément français, qui est influencé par sa langue.

Q. Ça donne un album plus inquiet, plus sombre, même dans les musiques ?

R. Il y a des cultures où il y a des musiques enlevées sur des textes pas forcément gais, comme en Amérique du Sud. J’essaie de respecter l’esprit du texte, mais par exemple, la chanson qu’on a faite avec Marie Bastide, le texte n’est pas forcément gai, il porte sur la dépression. Mais il y avait au milieu cette formule empathique, « et toi comment tu vas ? », et j’en ai fait une chanson assez enlevée.

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Q. Avez-vous l’impression que ces chansons reflètent l’état d’esprit du moment ?

R. Sûrement. Les auteurs sont par définition des gens qui sont en prise directe avec l’air du temps. Elles reflètent très certainement des sujets qui sont d’actualité dans nos vies.

Q. Vous vous retrouvez ainsi à chanter une chanson directement inspirée par le mouvement #metoo !

R. Jeanne Cherhal m’a fait le cadeau de ce beau texte sur les jeunes femmes abusées, La jeune fille en feu, parce que j’ai chanté il y a longtemps Femmes, je vous aime, que Jean-Loup Dabadie m’avait écrite. Et ma vie a toujours été en accord avec les mots que je chante. Tout ça se tient, je pense.

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Q. Vous avez travaillé avec des complices de longue date, comme Carla Bruni et Didier Barbelivien, mais aussi avec une nouvelle génération d’auteurs, comme Clara Luciani, Paul École et Vincha, qui est rappeur. C’est nouveau ça, non ?

R. Beaucoup de rappeurs écrivent très bien. La différence entre le rap et la chanson, c’est la structure couplet-refrain. Lui, il écrit des raps, très bien, et pour cette chanson, il a travaillé avec Baptiste Hamon, qui est plus proche du country. Mais c’est surtout quelqu’un qui écrit bien en français.

Q. Ça permet d’explorer de nouveaux thèmes, une nouvelle énergie ?

R. Oui, même dans la façon écrire. J’ai eu la chance de travailler avec pas mal de générations d’auteurs, et je pense qu’il y a une façon d’écrire qui correspond à chaque période. Et le rap, il aura fait évoluer la façon d’écrire les textes, forcément ! Tout se tient en musique. Je me souviens de l’époque du disco, ça a amené une nouvelle façon de rythmer les chansons populaires. Chaque époque amène sa pierre à l’édifice !

Q. Ce n’est pas un album à grand déploiement sur le plan des arrangements. Il y avait une volonté de rester simple ?

R. Oui, c’est sûr. Ça correspondait tout à fait au désir du producteur Marlon B, que j’ai choisi pour cet album. Au début, il m’a dit : « Je vous préviens, je n’ai pas envie de mettre de grand orchestre là-dedans. » J’ai dit : « C’est très bien ! Faites comme vous voulez, ça changera. Du moment que l’esprit de la musique est respecté. »

Q. Quelle place va prendre cet album dans votre discographie, vous croyez ?

R. Oh… C’est le temps qui le dira, mais sans doute qu’il aura une place à part. Quand on chante depuis longtemps, on travaille forcément de plus en plus souvent avec des gens plus jeunes, qui doivent respecter votre musique et vous apporter quelque chose. Avec lui, c’était le cas. Il connaissait mon travail et en même temps, il a tout à fait les codes d’aujourd’hui pour les sons. Il sait bien faire tout ça. Je pense, pour résumer, que c’est un album moderne, mais qu’on n’a pas fait n’importe quoi. Voilà !

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Q. Vous allez commencer votre tournée en France en décembre 2021… Avez-vous des projets pour le Québec ?

R. Plus vers la fin de 2022, et je viendrai avec plaisir. J’adore venir vers vous. Il y a eu un creux pendant un bout de temps, mais depuis trois, quatre ans, c’est bien reparti. J’adore passer du temps sur ces longues routes, c’est vraiment l’esprit de la tournée. J’aime beaucoup ça.

IMAGE FOURNIE PAR MUSICOR

Terrien, de Julien Clerc

Chanson
Terrien
Julien Clerc
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