C’était le premier jour du premier festival de musique de la période estivale. Santa Teresa a accueilli 250 personnes mercredi soir, sous le toit de l’église Sainte-Thérèse-d’Avila, dans une ambiance intime et festive. The Franklin Electric et Dylan Phillips ont offert des performances splendides lors de cette soirée hors norme pour un festival, mais formidable par les temps qui courent.

Tous bien installés au fond de leurs bancs d’église assignés, les spectateurs ont été assis en paires, un groupe à la fois. Ils sont arrivés sur le site sous le soleil encore cuisant, prêts à accueillir Dylan Phillips, premier artiste à monter sur scène mercredi. Le « site » du festival, cette année, ce n’est que la grande église au clocher blanc, qui accueillera deux ou trois artistes par soir jusqu’à dimanche.

« Bonjour à tous et à toutes, bienvenue… dans un festival », a lancé au public le directeur général de Santa Teresa, Patrick Kearney, une fois tout le monde installé, peu après 18 h. Une salve d’applaudissements et de cris ont traduit l’émotion de tous les gens présents.

La capacité d’accueil de l’église Sainte-Thérèse-d’Avila est de 1200 personnes. Y faire asseoir 250 spectateurs, avec deux mètres de distance sécuritaire entre chaque groupe, ne pose pas un grand défi. En toute sécurité, le spectacle a pu commencer.

C’est Dylan Phillips, donc, qui avait l’honneur d’inaugurer cette édition de Santa Teresa. Le membre du groupe Half Moon Run a présenté pour la première fois sur scène son projet solo, du piano néoclassique planant, comme conçu pour être présenté dans le décor que lui a offert le festival.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Les spectateurs, masqués, étaient installés au fond de leurs bancs assignés, à l’église Sainte-Thérèse-d’Avila.

« C’est vraiment parfait », a-t-il dit à propos du lieu du spectacle, quelques heures avant sa prestation. Une grande scène extérieure n’aurait peut-être pas été idéale, mais « le son acoustique et naturel » du piano peut bénéficier de la réverbération de l’église, espérait Dylan Phillips, joint par téléphone.

Son piano installé sous la voûte de l’église, au centre de la scène, le musicien a laissé chacune de ses notes envahir l’espace. Fabuleux pianiste, il a été en parfait contrôle tout au long de sa prestation, touchante.

Phillips n’y croyait pas totalement lorsqu’on l’a invité à participer au festival Santa Teresa. Celui qui possède une formation classique au piano, normalement assis derrière sa batterie avec son groupe, n’a plus l’habitude d’être seul à l’avant-scène. « Je suis nerveux », a-t-il confié dans un petit rire.

Parce que son album au complet ne remplit pas la demi-heure qui lui est allouée, Dylan Phillips s’est laissé aller à l’improvisation, en rallongeant deux de ses pièces (dont Throes, que l’on retrouve sur l’album Sun Leads Me On, de Half Moon Run).

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Dylan Phillips

Je vais essayer quelque chose. Je vais avoir confiance et essayer de communiquer ce que je ressentais quand j’ai composé les chansons dans mon salon.

Dylan Phillips, au public, avant le spectacle

C’était réussi. Il a su transporter le public, provoquer cette suspension du temps qui ne survient que lorsque la musique nous emporte. La demi-heure s’est conclue trop vite.

« On l’a fait. »

Le fait d’assister à ce spectacle, d’être à Santa Teresa mercredi soir, c’était déjà une petite victoire en soi. Une victoire sur l’année pas très faste qu’amateurs de festivals et musiciens viennent d’endurer. Non, Sainte-Thérèse ne bouillonne pas comme à son habitude quand le festival s’installe. Mais l’effervescence est là, malgré tout. On la perçoit dans les sourires derrière les masques, dans les bras dans les airs et les têtes qui ballottent au rythme de la musique, dans la fébrilité des artistes sur scène.

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Patrick Kearney, directeur général de Santa Teresa

« Je me rends compte qu’on est chanceux », nous disait Patrick Kearney, directeur général de Santa Teresa, la veille du coup d’envoi. « J’avais toutes les raisons de passer mon tour cette année, mais on a décidé de le faire pareil. Quand ce sera terminé dimanche, on pourra se dire qu’on a eu un festival. On l’a fait. »

Magnifiques retrouvailles

En tout temps, des gardes de sécurité et des membres de l’équipe du festival veillaient à ce que soient respectées les règles. On suit les flèches au sol, auxquelles on est aujourd’hui habitués, et on maintient ces deux mètres que l’on connaît par cœur aussi.

Jon Matte, meneur du groupe The Franklin Electric, a levé les bras au ciel lorsqu’il est arrivé sur scène, visiblement ravi d’être (enfin) là. Ses trois musiciens et lui ont rendu ces retrouvailles avec les festivals d’été mémorables.

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Une performance du groupe The Franklin Electric suivait celle de Dylan Phillips.

Ils ont alterné les anciennes et nouvelles pièces, en débutant avec Never Look Back, parue l’an dernier. « Ça fait au moins un an qu’on a joué ensemble, c’est bizarre. Mais il y a des souvenirs d’une ancienne vie qui reviennent, comme si on se réveillait d’un rêve », a raconté Jon Matte, juste avant de commencer Just Ain’t Mine… et de se rendre compte rapidement, en riant, que son capo n’était pas placé au bon endroit sur sa guitare. Comme pour tous les artistes, cet arrêt forcé oblige à retrouver ses repères sur scène.

The Franklin Electric n’a rien perdu de son pouvoir d’enchanter son public. Après une superbe interprétation de Spindle, Jon Matte a décidé de « changer la set list » et a amorcé l’électrisante In Your Head. Un moment savoureux. C’est aussi ça, la magie des concerts.

Le premier de plusieurs

La lumière du jour commençait à faiblir derrière les vitraux de l’église Sainte-Thérèse-d’Avila tandis que The Franklin Electric terminait son set.

Une dizaine de chansons et une ovation plus tard, pour After All et In Your Heart, Matte et sa bande ont profité de l’effet de réverbération de l’église pour créer un moment intime, au pied de la scène, avec un micro seulement.

Jon Matte s’est amusé avec le programme (« Ça, ce n’était pas prévu », a-t-il lancé avant de chanter If I Knew, seul avec sa guitare), qu’il a allongé de quelques chansons, pour notre plus grand bonheur. À 20 h 15, après This Is How I Let You Down, il a fallu s’arrêter. Rentrer chez soi avant 21 h 30. La tête pleine de musique.

Santa Teresa lance ainsi une saison des festivals qui ne marquera pas encore un retour aux habitudes, mais qui pourra avoir des semblants de normalité, compte tenu du plan de déconfinement présenté cette semaine par le gouvernement.

Les organisateurs de Santa Teresa ont dû faire des concessions pour avoir quelque chose à offrir en cette fin de mai. Et si l’édition actuelle n’a pas l’ampleur de leurs ambitions habituelles, ce n’est que partie remise, assure Patrick Kearney. « L’année prochaine, on se paie la traite. »

Flore Laurentienne et Jerusalem My Heart seront en prestation jeudi. Kallitechnis et Magi Merlin monteront sur scène vendredi et Laurence-Anne et Ariane Roy, samedi. Helena Deland, Ouri et Hildegard cloront le festival, dimanche.