On n’a pas le luxe de ne pas avoir espoir, croit Paul Kunigis, qu’on a connu il y a plus de 20 ans avec son groupe Jeszcze Raz. La campagne de vaccination avance, le printemps s’est installé et, dans son petit monde à lui, un grand pas sera bientôt franchi : il remonte sur scène ce vendredi pour présenter Yallah, son très beau disque paru en mars.

« Ça me fait beaucoup de bien, je me trouve très chanceux », insiste-t-il à l’autre bout du fil. Des raisons de se réjouir, le chanteur à la voix traînante en trouve beaucoup. Yallah – qui signifie « en avant » – n’est pas un album de pandémie, en ce sens que ses thèmes n’en sont pas inspirés. Sauf qu’il n’aurait pas sonné comme ça sans la crise sanitaire. Peut-être même qu’il n’aurait jamais vu le jour.

Paul Kunigis a l’habitude de prendre son temps entre deux disques. Or, durant les huit années qui séparent Yallah de son album précédent, 1 moment (2013), il s’est beaucoup remis en question : continuer à chanter en polonais, sa langue maternelle ? et en hébreu, alors qu’il a quitté Israël depuis des lunes ? et puis, au fond, à quoi bon faire encore des disques à notre époque ?

Je n’ai pas cessé de travailler en musique. J’ai donné beaucoup de concerts en Europe. Mais je ne voyais pas la nécessité de faire un nouvel album…

Paul Kunigis

Puis, la COVID-19 est arrivée et a en quelque sorte réorganisé ses pensées. « La pandémie m’a recentré vers mes origines », dit le musicien, né en Pologne mais élevé dans une ville arabe d’Israël où il a fréquenté l’école en français. « Peut-être que le fait de ne pas pouvoir voyager m’a fait comprendre que je suis fondamentalement polonais-israélien. »

Le droit au confort

L’autre effet positif de la pandémie dans son parcours récent, c’est qu’elle lui a permis de renouer avec des musiciens avec qui il a travaillé à l’époque de son disque Balagane, album qui l’a sorti de l’ombre en 2002. Yves Desrosiers (guitares), Marie-Soleil Bélanger (violon), François Lalonde (percussions), Caroline Meunier (accordéon) et les autres avaient en effet du temps devant eux. Il a saisi l’occasion.

Yallah n’est pas une version réchauffée de Balagane. C’est le même swing, les mêmes incursions dans les musiques klezmer, jazz et tziganes, mais avec un état d’esprit légèrement différent et une assurance tranquille. « Il y a quelqu’un qui m’a dit que c’était comme si je retournais dans de vieilles pantoufles confortables », raconte le chanteur.

Ce droit au confort – qui n’est pas un synonyme de « facilité », précise-t-il –, Paul Kunigis le revendique.

La marche a été longue, on est fatigués du contexte et il est agréable de retrouver un certain confort, sans nostalgie. Comme quand on remet une vieille chemise qu’on aime. Ou qu’on retourne à un plat qu’on aime.

Paul Kunigis

Ses plus récentes chansons, qui abordent des thèmes parfois durs comme le sort des migrants en Méditerranée, portent encore la mélancolie toute slave du chanteur polonais, mais aussi une force très bien canalisée. « On a tous 20 ans de plus. Il y a une maturité qui se dégage de ça, une profondeur qu’on n’avait pas avant, juge Paul Kunigis. Sur Balagane, on jouait 20 000 notes à la mesure. Là, c’est plus posé. »

Et derrière la mélancolie qui enveloppe bien des chansons de Yallah, il y a aussi une volonté de célébrer la vie. On comprend que c’est ce qui animera la bande qui va entourer Paul Kunigis sur la scène du Ministère ce vendredi, jour qui marque la sortie mondiale de Yallah en format numérique (par l’entremise d’Audiogram). « Ça me touche, avoue le chanteur, parce que ça me donne à penser qu’on a fait quelque chose de bien. »

Paul Kunigis, ce vendredi, 19 h, au Ministère et en webdiffusion. Rediffusion samedi à 14 h.

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