La question de l’adéquation entre le répertoire et l’instrument idéal pour l’interpréter se pose pour tout musicien. La musique baroque a par exemple connu une seconde jeunesse depuis les années 1960-1970 avec un retour aux instruments des XVIIe et XVIIIe siècles. Plus récemment, des pianistes ont entrepris de jouer Mozart, Haydn et Beethoven sur des pianofortes. Ils restent toutefois très minoritaires, tant la sonorité de cet instrument demeure passablement rédhibitoire. Pourquoi se priver de tout le confort moderne offert par les Steinway et Bösendorfer actuels ?

La démarche du pianiste québécois Jean-Philippe Sylvestre s’inscrit dans ce mouvement de retour aux sources. Il a choisi de jouer Ravel sur un piano français Érard de 1854. Le facteur Érard a été un des plus déterminants pour le développement du piano, instrument qu’il a doté de nombreux perfectionnements, notamment le double échappement, qui permet de répéter plus vite les notes.

Tant Beethoven que Wagner et Verdi ont eu en leur possession des pianos Érard. Et Ravel évidemment, dont les œuvres ont été composées et créées sur ces pianos reconnus pour la légèreté de leur toucher. On peut encore voir son piano dans sa maison située près de Paris. C’est cependant sur des Steinway, instrument permettant une palette de couleur plus variée, notamment dans les aigus, que des pianistes proches de Ravel comme Yvonne Lefébure et Robert Casadesus ont choisi d’enregistrer ces œuvres.

La sonorité de l’Érard acquis récemment à Paris par le mécène québécois Jacques Marchand ne charme pas du premier coup. Le néophyte croira entendre une sorte de piano bastringue. Mais la poésie du jeu de Sylvestre, qui évite la virtuosité gratuite et sculpte patiemment et éloquemment la matière musicale, contribue à nous gagner petit à petit. Le disque, qui comprend notamment les Miroirs et le Tombeau de Couperin, reste cependant davantage un disque d’approfondissement pour ceux qui possèdent déjà dans leur discothèque une des grandes versions sur instrument moderne comme celles de Samson François, Marcelle Meyer et Alexandre Tharaud.

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IMAGE FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Ravel

Classique
Ravel
Jean-Philippe Sylvestre
ATMA Classique
★★★½