Sept mois après la mort tragique de Joyce Echaquan, la chanteuse atikamekw Laura Niquay offre un album réconfort empreint de lumière et de résilience. Rencontre avec une artiste patiente.

« Rien n’arrive pour rien dans la vie. »

Laura Niquay ne dit jamais un mot de trop et aime prendre son temps avant de répondre. De passage à Montréal, l’autrice-compositrice-interprète originaire de Wemotaci, près de La Tuque, mais qui vit maintenant à Trois-Rivières, nous parle doucement de sa voix grave. Cette même voix hypnotisante avec laquelle elle chante ces 12 chansons qui parlent des ancêtres, de la famille et des éléments, d’évènements tragiques ou de moments d’entraide, et qu’on sent directement branchée sur la « terre mère ».

« Je dois absolument être en contact avec mes racines », dit-elle pour expliquer la profondeur de sa voix.

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Si les chansons de Waska Watisiwin (« cercle de vie » en atikamekw) ont été écrites bien avant le drame de Joliette, cet album, avec son indie-folk habilement mélangé aux battements des tambours autochtones, semble arriver à point, tel un véritable lieu d’apaisement.

« Je n’aime pas faire des chansons qui sonnent comme de la colère. Non, non… » Ce qui ne l’empêche pas d’en ressentir elle-même, bien sûr. « Mais pas souvent. Par exemple, quand Joyce est morte, j’ai été dans tous les états qu’on peut imaginer, j’ai crié, j’ai pleuré… j’étais tellement bouleversée. »

Mais elle croit que ses chansons, empreintes d’optimisme et d’empathie, peuvent « donner une vision positive » sur laquelle on peut bâtir.

Ce sont des chansons résilientes. Je m’adresse à tout le monde qui a besoin de les entendre, pour ne pas être toute seule dans ça.

Laura Niquay

Le mot « résilience » revient d’ailleurs souvent pendant l’entrevue. C’est que Laura Niquay est elle-même résiliente. Très. « J’arrive de loin. J’ai beaucoup consommé. J’ai souvent pensé au suicide. » La maternité l’a sauvée, et elle ne sait pas ce qu’elle serait devenue si elle n’était pas musicienne.

« Je ne serais peut-être même plus en vie. C’est ma thérapie, la musique, ça m’aide à me recentrer. Et après, je peux aider les gens. Ça me va comme vie ! »

Ouvrir le chemin

La chanteuse de 39 ans vient d’une famille de musiciens et se considère comme « l’héritière du talent Niquay ». « Mais je suis la seule à le valoriser », dit celle qui a commencé sa carrière en chantant seule avec sa guitare et en faisant des clips avec le projet Wapikoni. En 2011, elle faisait d’ailleurs partie de l’affiche des Francos de Montréal, et elle a lancé un premier album en 2015.

« Mais je l’avais fait vite, toute seule. Je considère que celui-ci est mon premier album professionnel. C’est vraiment un accomplissement. J’ai un band pour la première fois, j’ai travaillé avec un réalisateur, Simon Walls, c’était le fun d’être parmi ces gens. »

Laura Niquay aime les rencontres, le métissage et le partage des cultures, mais encore une fois en privilégiant la douceur et les détails qui changent tout. « Je n’ai pas voulu mettre de trop gros sons, plus des petites couleurs, qui font un son très résilient. C’était important d’entendre des voix de femmes et d’hommes, qu’il y ait le ton pow-wow aussi, que j’ai intégré dans quelques chansons. Pour qu’on ressente la guérison, le côté spirituel. »

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« Étape par étape » et à son rythme, il lui aura fallu trois ans pour faire cet album où elle chante d’un bout à l’autre en atikamekw.

« C’est important. J’ai des neveux et nièces qui ne parlent plus la langue et ça m’affecte beaucoup. Avec la musique, ils peuvent réapprendre. » Si un artiste comme Florent Vollant a pu connaître du succès en chantant en innu, rien ne l’en empêche, elle aussi, croit Laura Niquay, qui a bien l’intention de continuer à ouvrir le chemin.

« Ben oui. Surtout pour les filles, les femmes. Je me sens encore toute seule, et je leur dis souvent : “Je suis prête à vous guider” », dit celle qui rêve d’avoir sa propre maison de disques.

Ça va être encore des portes à ouvrir, et je vais les ouvrir. Je vois ma vie comme ça, pleine de portes qui viennent à moi, et il faut que je les ouvre une par une. Je n’ai pas le choix. Mais je ne me suis jamais fait claquer la porte au nez !

Laura Niquay

Elle rit doucement et l’admet : elle est une personne patiente. « Il le faut, avec ce métier. Il ne faut pas avancer à contre-courant, sinon tu risques d’être déçu. Et d’abandonner. »

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Ce n’est pas son intention et elle espère que son album saura durer. Elle pense d’ailleurs déjà au prochain.

« Je veux faire encore des albums et des albums, dans différents styles de musique. » Et à elle, on lui souhaite quoi ? « Une longue vie, et la santé. Je veux continuer d’apprendre, et chanter jusqu’à l’âge de 98 ans. »

IMAGE FOURNIE PAR MUSIQUE NOMADE

Waska Matisiwin, de Laura Niquay

Indie-folk
Waska Matisiwin
Laura Niquay
Musique Nomade
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