Avec son percutant premier album, lancé il y a trois ans, le Français Eddy de Pretto est devenu une immense vedette – 488 millions de téléchargements dans le monde sur les plateformes d’écoute en continu, plus de 20 millions de vues pour certains de ses clips et rien de moins que 700 000 spectateurs qui se sont déplacés pour le voir en spectacle. Dans À tous les bâtards, son très attendu deuxième album, qui sort vendredi, il s’inspire de sa propre différence pour rendre hommage à tous les marginaux. Nous avons discuté avec le sympathique et intense auteur-compositeur-interprète de 27 ans lors d’un entretien virtuel.

À la fin de la dernière chanson, Tout vivre, vous dites qu’il n’est pas certain qu’il y aura un troisième album. En fait, on a même l’impression qu’il a failli ne pas y avoir de deuxième !

Je ne savais pas comment l’écrire, cet album. En septembre 2019, quand je suis sorti de ma tournée, je ne savais pas comment je trouverais le rebond, le tremplin nécessaire pour écrire des choses suffisamment innocentes et aussi pertinentes que sur le premier. Il fallait que ce que je vis soit assez chargé en émotion, que ça me dépasse, que ça déborde, pour que, ensuite, une fois digéré, ce que j’ai absorbé dans la société et dans mes expériences de vie puisse être recraché sur le papier.

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Sur un premier album, on met souvent tout son cœur, mais ce n’est pas le même souffle ensuite…

La facilité d’un premier album, c’est que beaucoup de chansons viennent de l’adolescence, donc on a eu plus de temps pour le faire. Là, j’ai eu un an et demi et je n’avais pas envie de répéter ou de resurligner des choses que j’avais dites. Je voulais trouver d’autres sujets, d’autres points de vue.

Avec des chansons comme Freaks et La fronde, cet album, est-ce un peu un passage du je au nous ?

Oui. Je voulais un album un peu plus fédérateur, tourné vers l’autre. J’avais fait un premier album assez solitaire finalement, sur une quête d’identité, sur comment je suis, comment je dois être. C’était la question : est-ce que je dois faire semblant ou pas ? Parce que même si je suis marginal, je ne l’accepte pas totalement, ma différence. Elle était encore très complexe à encaisser et à assumer face aux gens. En voyant la surprenante bonne réception, qui m’a fait énormément plaisir, naturellement, j’ai eu envie de me tourner plus vers le collectif. Je me suis entouré de plus de gens pour le faire, en compo, en production, sur scène avec plus de musiciens. Et là, il y a quelque chose de plus de l’ordre du statement. Ces tares, ces étrangetés, ces bâtardises, ces échecs, je vais me les approprier et je vais en faire que du positif. Et ce ne sera que du scintillant, que des merveilles, que du bon. Que de la force, en fait. Chose que j’aurais été incapable de dire dans le premier album.

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Et maintenant, le portez-vous pour les autres ?

Je le porte à travers moi, j’ai toujours fait ça. Ce que je raconte, c’est mes histoires, avec mes expériences. L’idée que ça ouvre, c’est de penser que, évidemment, il y a d’autres personnes qui se sentent tout aussi étranges, marginalisées et bizarres dans notre société.

Sur la chanson Neige en août, vous demandez même aux gens s’ils vont bien !

Ouais. C’est compliqué. Le côté santé mentale, la mienne et celle de chacun d’entre nous et de mes proches, dans ce que nous traversons, pour moi, c’est important de poser cette question : est-ce que tout va bien ?

Par rapport à la COVID-19 particulièrement ?

Par rapport à toutes les merdes auxquelles on fait face. Même avant la COVID, c’était aussi la merde. Aussi bien climatique et sociale que politique. Ce sont des époques hyper denses auxquelles on fait face.

D’ailleurs, à quel moment, par rapport au confinement, l’album a-t-il été créé ?

Avant et pendant. Beaucoup avant. Mais le pendant m’a fait réinjecter un peu de tension dedans.

À la fin de la chanson Rose Tati, on parle d’une vieille dame. Qui est-ce ?

C’est ma vraie tante. C’était celle qui me permettait toute liberté de penser, de croire en la personne que je voulais devenir. Elle était exubérante, pleine de liberté, avec un ton hyper moderne, elle aimait l’art et la culture, elle était si libre ! Elle dégoulinait de joie, elle était la tante d’à côté qui me disait : « Écoute, tu seras bien ce que tu voudras. » Elle a été un peu ma première source d’inspiration.

Musicalement, vous êtes allé plus dans la soul et la pop plus assumée. Il y a aussi davantage d’instruments… Aviez-vous envie de progresser ?

Totalement. Je voulais passer un cap musical. Ç’a vraiment été un long travail en studio. On passait toutes les journées en labo, avec mon acolyte Charlie Trimbur. Je voulais quelque chose de plus lumineux, ouvert et organique, où on sent le son du musicien, où tout n’est pas forcément hyper quantifié sur le rythme. Que ça bouge, que ça vibre un peu plus. Les grosses références de cet album, c’est Frank Ocean, James Blake, Daniel Ceesar, Jessie Reyez, des artistes qui ont une grosse charge en émotion dans la voix, avec des envolées vocales assez riches, mais avec des prods très empruntées à la culture rap, donc très racées, musclées, riches, pointues. Le but était de passer un cap vocalement et musicalement, tout en gardant un propos assez brutal, direct et acéré.

Vous chantez d’ailleurs davantage, parfois dans un registre assez haut… Est-ce aussi une mise à nu ?

En tout cas, j’avais envie de me challenger là-dessus. De pousser un peu plus les notes, de travailler plus ma voix de tête. C’est vraiment un gros travail, même de compo, qui n’est pas forcément naturel. Je voulais prendre des risques, bien sûr.

Sinon, à quoi bon continuer à faire de la musique ?

Rien !

IMAGE FOURNIE PAR UNIVERSAL

À tous les bâtards, d’Eddy de Pretto

À tous les bâtards
Eddy de Pretto
Universal
Disponible le 26 mars