Elle n’a pas fait paraître d’album dans la dernière année. Elle n’a pas bougé de son siège après l’annonce de la gagnante dans les quatre catégories les plus prestigieuses. Elle a décliné toute performance sur scène. Qu’à cela ne tienne, Beyoncé est devenue dimanche soir la chanteuse la plus primée de l’histoire des Grammy avec 28 récompenses, une de plus que l’interprète country Alison Krauss.
Seul le chef d’orchestre Georg Solti a touché plus de gramophones miniatures, soit 31, tandis que l’illustre compositeur Quincy Jones en collectionne autant (28). Queen B avait récolté deux prix lors du pré-gala. Il en fallait un de plus pour écrire l'histoire : mission accomplie grâce à celui de la meilleure chanson rap pour Savage, cocréée avec Megan Thee Stallion
Cette dernière avait plus tôt triomphé dans la prestigieuse catégorie « meilleur nouvel artiste ». Des femmes ont fait main basse sur les trois autres prix Grammy du « Big Four » : H. E. R. a vu I Can’t Breath, écho R & B au mouvement Black Lives Matter, consacrée « chanson de l’année », tandis que Taylor Swift, grâce à Folklore, a fait paraître l’« album de l’année », a tranché l’Académie. Enfin, Billie Eilish a clôturé la soirée en empoignant le trophée de l’« enregistrement de l’année » pour Everything I Wanted. La chanteuse de 19 ans a dédié son prix à Megan Thee Stallion. « Tu le mérites. Tu as eu une année imbattable. Tu es une reine… Vraiment, ça lui revient. »
Salut, Silk Sonic (et les autres)
Inévitable COVID-19
Même si la campagne de vaccination va bon train aux États-Unis, la cérémonie des Grammy Awards s’est déroulée sous le signe de la COVID-19. L’animateur Trevor Noah, à la fois sage, sobre et solide, n’a cessé de faire la navette entre un chapiteau extérieur, où les prix étaient remis, et la scène du Los Angeles Convention Center, où défilaient les artistes en prestation. « C’est l’évènement en plein air le plus important depuis l’assaut du Capitole », a blagué l’humoriste, qui a dû pallier l’évanescence du public grâce à une énergie décuplée. L’animateur d’origine sud-africaine a rangé ses blagues corrosives au profit de l’unité et de l’espoir. « L’idée de la soirée est de nous rassembler tous ensemble, comme seule la musique peut le faire. Je veux dire, la musique et les vaccins », a-t-il précisé devant un parterre de nommés qui arboraient leurs masques comme autant d’accessoires mode.
Kaytranada et autres fiertés locales
Dimanche après-midi, le bidouilleur montréalais Kaytranada avait déjà de quoi festoyer : il a mis la main sur ses deux premiers gramophones dorés lors de la cérémonie hors d’ondes, l’un pour 10 %, désigné meilleur enregistrement « danse », l’autre pour Bubba, album « danse ou électronique » de l’année. Plus tard en soirée, le prolifique producteur a toutefois échappé le prisé trophée du « meilleur nouvel artiste » — l’adjectif « nouvel » provoque ici un petit froncement de sourcil. Le pré-gala a mis en valeur un autre enfant de la métropole, Rufus Wainwright, qui a joliment chanté Devils and Angels (Hatred) peu de temps avant de mordre la poussière dans la catégorie du meilleur album pop traditionnel. Avance rapide jusqu’au menu principal : Cardi B et Silk Sonic ont quant à eux retenu les services de Silent Partners, un studio montréalais, pour rehausser leurs performances d’ingéniosités vidéographiques.
Ô Canada, ô controverses
À l’annonce des sélections, en novembre dernier, le Torontois The Weeknd s’est vu infliger un injuste camouflet : l’auteur de Blinding Lights, premier titre de l’histoire à figurer dans le top 10 de Billboard pendant 52 semaines, n’a pu repérer son nom dans aucune des 84 catégories. « En raison des comités secrets, je n’autoriserai plus mon label à soumettre ma musique aux Grammy », a riposté le chanteur, tête d’affiche du plus récent Super Bowl, dans une déclaration au New York Times. Dans les dernières années et encore tout récemment, les artistes canadiens Drake (trois sélections, aucun prix) et Justin Bieber (quatre sélections, un prix pour le « duo/groupe country de l’année » grâce à 10 000 Hours avec Dan+Shay) avaient eux aussi émis d’importantes critiques quant au processus de sélection des nommés et des gagnants.