Il a joué avec une foule de musiciens, à commencer par Miles Davis, auprès de qui il a remplacé Herbie Hancock. Il a été aux premières loges de l’émergence du jazz fusion. Chick Corea, légendaire pianiste et claviériste, s’est éteint mardi à l’âge de 79 ans.

Un peu sous le choc, André Ménard, cofondateur du Festival international de jazz de Montréal (FIJM), ignorait que Chick Corea, l’une des icônes du jazz que le festival pouvait appeler un ami, était atteint d’un cancer. « La dernière fois que je l’ai vu, il y a environ un an et demi, il avait encore toute sa vivacité habituelle », dit-il, visiblement touché par cette disparition.

L’artiste américain a succombé mardi à une forme rare de cancer qui n’avait été « découverte que très récemment », pouvait-on lire jeudi sur sa page Facebook officielle. Sa mort a été confirmée par Dan Muse, responsable web et marketing pour le jazzman. « Tout au long de sa vie et de sa carrière, Chick [Corea] a savouré la liberté et le plaisir de créer quelque chose de nouveau et de jouer aux jeux que font les artistes », soutient un texte annonçant sa mort.

Chick Corea, né en 1941 au Massachusetts, a débuté auprès de Cab Calloway, au début des années 1960, avant de rejoindre, à la fin de la décennie, le groupe de Miles Davis, avec qui il a enregistré des albums tels que Filles de Kilimandjaro, In a Silent Way, Bitches Brew et A Tribute to Jack Johnson. Les disques qui ont « ni plus ni moins inventé le jazz-rock », rappelle Alain Simard, l’autre cofondateur du FIJM. « C’est à la suite de ça que Chick Corea a formé Return to Forever », ajoute-t-il.

Il s’était démarqué dans le groupe de Miles Davis, mais il s’est placé assez vite parmi ceux qui ont le plus marqué l’histoire du jazz avec l’avènement de ce qu’on a appelé le jazz fusion. Il a toujours alterné entre le jazz fusion et le jazz acoustique au fil des années. On ne peut pas dire que c’était un musicien unidimensionnel.

André Ménard, cofondateur du Festival international de jazz de Montréal

Les deux hommes se souviennent de lui comme d’un musicien « ouvert ». « Chick Corea était quelqu’un de bien, insiste Alain Simard. Il prenait très au sérieux son rôle dans la musique et cette envie de la pousser plus loin. » Chick Corea a formé plusieurs groupes au fil de sa longue carrière, aussi marquée par des enregistrements de musique classique. « Comme Miles Davis, il a toujours su s’entourer et former des groupes qui ont fait époque et desquels sont sortis des musiciens très connus comme Lenny White et Stanley Clarke », rappelle André Ménard.

Chick Corea a aussi joué en duo avec Herbie Hancock, son prédécesseur auprès de Miles Davis, et formé un duo marquant avec le vibraphoniste Gary Burton. « Les Duets avec Burton, c’est magnifique, c’est de la dentelle », insiste Alain Simard, qui classe Chick Corea parmi ses musiciens préférés.

Champion du FIJM

Les cofondateurs du FIJM se rappellent aussi vivement la fois où, en 1982, Corea et Burton ont remplacé au pied levé Dexter Gordon pour un concert au Théâtre St-Denis qui devait être filmé pour la télévision. Les deux musiciens rentraient de Moscou et ont été attrapés in extremis à un aéroport de New York d’où ils ont accepté de prendre un avion pour Montréal afin de se retrouver sur scène – et devant des caméras de télévision – le soir même.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Chick Corea, au moment de recevoir le prix Miles-Davis au Festival international de jazz de Montréal, en 2002

« Ç’a scellé une amitié et une admiration pour Chick Corea qui ne s’est jamais démentie au fil des ans », dit André Ménard, qui classe le pianiste et claviériste parmi les « champions » du FIJM. En 2002, le festival lui a d’ailleurs décerné son prix le plus prestigieux, le prix Miles-Davis, auquel Chick Corea avait dit vouloir trouver une belle place dans sa maison auprès de photos de lui et du légendaire trompettiste.

La page Facebook de Chick Corea contient un message qu’il a laissé « pour tous ceux qu’il connaissait et aimait, et pour tous ceux qui l’aimaient ». « Je tiens à remercier tous ceux qui, tout au long de mon parcours, ont contribué à maintenir les feux de la musique allumés. J’ai l’espoir que ceux qui ressentent l’envie de jouer, d’écrire, de composer, de se produire en spectacle le feront. Si ce n’est pas pour vous, alors pour le reste d’entre nous. Ce n’est pas seulement que le monde a besoin de plus d’artistes, c’est aussi très plaisant. »

Chick Corea est l’artiste ayant récolté le plus grand nombre de prix Grammy en jazz en 63 ans d’histoire de l’évènement. Il aura l’occasion posthume de remporter d’autres honneurs le 14 mars, puisqu’il est nommé pour le meilleur solo de jazz improvisé, avec All Blues, ainsi que pour le meilleur album instrumental de jazz avec Trilogy 2.

— Avec l’Agence France-Presse