Dans les productions musicales, que ce soit à la télévision ou sur disques, les chœurs ont la cote. Comme si, dans une pandémie mondiale où la distance est prescrite, les voix humaines nous enserrent, précieuses sources de chaleur, de multitude et de douceur.

Quelques exemples au rayon des disquaires ? Ariane Moffatt et sa Nature, toile musicale d’Incarnat peinte en grande partie par les élèves de dernière année de l’école FACE ; Émilie Proulx et son EP Nuit, les échos, habitée par le fiston Théodore et des chœurs féminins sélects ; Charlotte Cardin et les envolées chorales de Phoenix.

Sur les rangs, les plus récents projets de Lou-Adriane Cassidy, Louis-Jean Cormier, Thierry Larose, Marco Ema, Elliot Maginot ou encore Kandle : tous s’accordent vocalement, à un moment ou un autre, au pluriel.

PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR ICI RADIO-CANADA TÉLÉ

Charlotte Cardin et une chorale pendant le gala de l’ADISQ

Et que dire d’Étienne Coppée… Les chœurs de l’album Et on pleurera ensemble font exactement l’effet annoncé dans le titre. « L’instrument de la voix, c’est toujours celui que j’ai trouvé le plus fascinant, explique le musicien autodidacte. Peu importe la tonalité, c’est simple d’arriver à quelque chose que je trouve beau rapidement. »

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Tout en précisant que son geste artistique est d’abord instinctif, le vainqueur des Francouvertes 2021 avance que les musiciens ont peut-être voulu faire le « plein de voix » pour compenser une certaine solitude en ces temps fragiles.

« L’une des choses les plus rassembleuses possibles, c’est un groupe de personnes qui chantent, note-t-il. Dix guitares qui jouent, tu as beaucoup moins le feeling de groupe. Les voix donnent l’impression d’être enveloppé, pas juste par des instruments, mais par des humains. »

Petit écran, grande connivence

À la télévision, les chœurs bercent depuis longtemps les rendez-vous musicaux. Si bien que certains plateaux sont désormais indissociables de leur ensemble vocal. C’est vrai pour la quotidienne Y’a du monde à messe, animée par Christian Bégin à Télé-Québec.

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La chorale de l’émission Y’a du monde à messe en 2019

Depuis le début de la pandémie, la chorale gospel a gagné en amplitude. Qu’il s’agisse de chanter les noms des invités – une tradition à haut risque d’évanouissement –, d’assurer les transitions entre les segments ou d’accompagner une performance solo, un souffle irrésistible soulève illico le Théâtre Paradoxe.

Écoutez un segment de l’émission coupé au montage

« Ça crée une vague émotive extrêmement chaleureuse et réconfortante, observe Alex McMahon, directeur musical de l’émission. C’est un cliché de dire que les voix élèvent les cœurs, mais c’est ça pareil. »

C’est à lui que l’on doit la réunion, sur un même plateau, de 10 choristes triés sur le volet : Ariane Brunet, Marie-Christine Depestre, Coral Egan, Antoine Gratton, Elie Haroun, Franck Julien, Karine Pion, Kim Richardson, Sarah Bourdon et Dorian Sherwood lors de la plus récente saison.

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Alex McMahon, directeur musical de Y’a du monde à messe

« J’y suis allé avec mon cœur », explique Alex McMahon – sans vouloir faire de jeu de mots –, fier de son « coup de maître ». « Je voulais être entouré des meilleures voix et des personnes les plus agréables que je connaissais. »

Tous le soulignent… en chœur : la complicité des individus est fondamentale dans la qualité d’un ensemble.

On prendrait quatre ou cinq inconnus qui ont de belles voix, ils chanteraient. Mais si tu les mets dans un chalet pendant un mois et qu’ils deviennent des amis, à la fin, ce sera encore plus beau.

Étienne Coppée

Ce n’est pas pour rien que des voix amies s’échangent, se répondent, se retrouvent. Prenez Lou-Adriane Cassidy, qui accompagne en concert Thierry Larose, qui accompagne à son tour Lou-Adriane Cassidy sur Réponds. Prenez aussi Comment Debord, dont les harmonies vocales débordent de cette connivence réservée aux alliés de longue date.

« Quand des gens ont un réel amour les uns envers les autres, qu’ils sont contents de chanter ensemble, ça s’entend dans les voix, explique Étienne Coppée. Mon band est formé de très bons amis à moi. »

Noël ensemble

Jason McNally, chef de chœur à l’émission En direct de l’univers pour une neuvième saison, opine. « Je pense que les gens associent la chorale à l’aspect familial, amical. Dans les dernières années, c’est quelque chose qui a un peu manqué. Il y a cette notion de retrouvaille. Les voix amènent une couleur musicale très humaine dans un show. »

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Viriginie Cummins et Les Koristes, chœur dirigé par Jason McNally

Son groupe, Les Koristes – avec Émilie Janvier, Caroline Côté, Roxane Filion, Valérie Boulianne Lefrançois –, jumelé à la choriste maison Virginie Cummins, occupe « plus de place dans le show » au fil des saisons, note l’arrangeur vocal, qui est aussi auteur-compositeur.

Pour répondre à une demande répétée du public, mais aussi pour se « faire connaître » comme solistes, les choristes d’En direct de l’univers ont enregistré l’album Noël comme autrefois, neuf titres folk et jazzés réalisés par Jean-Benoît Lasanté, directeur musical de l’émission.

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Sur l’album comme sur le plateau de France Beaudoin, la chorale « est beaucoup liée au band », remarque Jason McNally, ancien Petit Chanteur de Laval et diplômé en musique et chanson du Collège Lionel-Groulx.

« On essaie de créer de la magie. On est très connectés sur les émotions. » Il n’est pas rare, précise-t-il, que les chanteurs se laissent toucher par l’histoire derrière une chanson, qu’ils apprendront en direct de la bouche de l’invité.

Chanter ensemble, c’est un geste très intime. Il y a de quoi qui unit, qui fait vraiment du bien à l’âme. Même si c’est fait de manière professionnelle, on vit les mêmes émotions et le même thrill.

Alex McMahon

La chorale de Y’a du monde à messe planche aussi sur un album, annoncé par l’extrait Le soir du 24 décembre, écrit par Sarah Bourdon. Le réalisateur Alex McMahon a l’ambition d’offrir, l’an prochain, « un nouveau classique de Noël », rien de moins. « J’ai demandé à ma chorale, qui contient pas mal d’auteurs-compositeurs-interprètes, qu’on unisse nos forces et qu’on compose de nouvelles chansons. »

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Avant de travailler en studio aux côtés d’Ariane Moffatt, Beyries, Louis-Jean Cormier ou Radio Radio, l’arrangeur et réalisateur a fait ses classes dans les Petits Chanteurs de Trois-Rivières, sous la direction de l’abbé Claude Thompson.

« Je le dis sans crainte : c’est la plus grande formation musicale que j’aurai eue de toute ma vie. Jouer d’un instrument, c’est bien beau, mais avec le chant, il n’y a pas de bullshit, c’est comme un magicien pas de manches. »

Intéressé depuis longtemps par les « back vocals », Alex McMahon croit que son travail à Y’a du monde à messe – cinq saisons, plus de 100 émissions et au moins 1000 chansons arrangées vocalement « à la manière de Sodoku » – influence sa vision en studio.

Je pense que je tiens compte encore plus des chœurs comme d’un outil depuis que je fais l’émission. Je m’en suis développé une spécialité.

Alex McMahon

Non pas que nos intervenants n’aient pas fourni de réponses précieuses, mais permettez-nous de laisser le mot de la fin à la romancière française Muriel Barbery, qui écrit si justement dans L’élégance du hérisson :

« Toute cette vie dans laquelle nous nous traînons, faite de cris et de larmes, de rires, de luttes, de ruptures, d’espoirs déçus et de chances inespérées : tout disparaît soudain quand les choristes se mettent à chanter. Le cours de la vie se noie dans le chant, il y a tout d’un coup une impression de fraternité, de solidarité profonde, d’amour même, et ça dilue la laideur du quotidien dans une communion parfaite. […] Finalement, je me demande si le vrai mouvement du monde, ce n’est pas le chant. »