Le nouveau directeur musical de l’Orchestre symphonique de Montréal, Rafael Payare, est de retour dans la métropole après une absence de deux mois et demi pour trois concerts en compagnie du pianiste israélien Inon Barnatan. Celui de samedi après-midi, auquel nous avons assisté, a engendré des frustrations de différents ordres, mais s’est heureusement terminé de la plus belle des manières.

L’entrée dans la salle a d’abord été assez laborieuse. La vérification des passeports vaccinaux a été déplacée du Salon urbain, où elle se faisait assez rondement depuis quelques mois, au bas des escaliers menant au foyer du parterre. Du coup, la file s’étirait jusqu’à l’entrée donnant sur la rue Sainte-Catherine. Le concert a par conséquent débuté 15 minutes en retard, une centaine de spectateurs ayant en outre dû attendre la fin du premier mouvement du Concerto pour piano de Tchaïkovski pour prendre place dans la salle. Une méthode à revoir, donc.

Mais parlons musique. Selon le New York Times, Inon Barnatan serait « l’un des pianistes les plus admirés de sa génération ». Ses thuriféraires ne l’ont toutefois probablement jamais entendu dans Tchaïkovski.

Le premier mouvement n’est pas loin du naufrage. Le pianiste est comme un cheval fou qui n’a plus aucun empire sur lui-même. Le mouvement est marqué « Allegro non troppo e molto maestoso », c’est-à-dire « rapide, mais pas trop, et très majestueux ». Rafael Payare l’a bien compris, comme en témoigne son accompagnement de première classe, à la fois chantant et impérieux.

Barnatan est davantage dans un constant « precipitando », aux dépens du texte et de la subtilité de l’expression. Pourquoi se lancer dans des descentes d’octaves à toute vitesse quand on n’en a pas les moyens ? Dans certains traits, à peu près la moitié des notes manquent (notamment dans les octaves de la fin). Et la sonorité et la synchronicité piano-orchestre sont souvent à l’avenant.

Les deux autres mouvements se passent néanmoins un peu mieux. Le mouvement central est bien fait de manière « simple », tel que demandé par le compositeur. Magnifique solo du violoncelliste Brian Manker de surcroît. Le mouvement final reste souvent brouillon du côté du piano, mais son caractère « con fuoco » (« avec feu ») est plus en adéquation avec le tempérament de l’interprète.

On respire beaucoup plus après dans la Première symphonie en mi mineur, opus 39, de Sibelius. Éminemment tchaïkovskienne, elle se révèle un complément idéal à la première œuvre au programme.

L’indication « energico » du premier mouvement est prise à la lettre par Payare. D’autres préféreront peut-être l’approche plus étale d’un Bernstein, par exemple. Mais celle du chef de l’OSM convainc tout autant. Payare n’est pas un cheval fou, mais un formidable artiste en pleine possession de ses moyens. Le thème joué par la harpe et les bois, pour lequel le chef trouve le caractère juste, reste un des beaux moments du concert.

Les deux mouvements centraux coulent de source, s’imposant avec évidence. L’orchestre est celui des meilleurs jours, avec d’opulentes sonorités de cordes, entre autres dans le mouvement final.

Le concert sera diffusé le 23 avril 2022 à 20 h sur ICI TÉLÉ et ICI MUSIQUE.

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