(Montréal) Le peu de visibilité donnée à la chanson québécoise sur les plateformes de diffusion en continu inquiète des acteurs du secteur musical au Québec. Ils souhaitent que la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion refasse surface du côté d’Ottawa afin de forcer les grandes sociétés à mettre en valeur le contenu canadien et à participer à son financement.

L’ADISQ commence à peine à mesurer la part qu’obtiennent les artistes d’ici dans les services de diffusion en continu. C’est seulement depuis octobre qu’un nombre suffisant d’entreprises partagent leurs données spécifiques pour le Québec.

Pour la dernière semaine d’octobre, l’ADISQ arrive avec le constat que parmi les pièces écoutées en continu au Québec environ 7 % étaient québécoises, toutes langues confondues.

« Quand on compare avec les chiffres qu’on à la radio et aux ventes de disques, notre part de marché a reculé entre trois et sept fois. Donc, c’est vraiment un effondrement de nos parts de marché. Notre musique peine à rejoindre son public en ligne », souligne le directeur général de l’Association des professionnels de l’édition musicale (APEM), Jérôme Payette, à La Presse Canadienne.

Devant ces statistiques « préliminaires, mais peu encourageantes », M. Payette et la directrice générale de l’ADISQ, Eve Paré, ont publié cette semaine une lettre ouverte afin de rappeler l’urgence et l’importance d’une mise à jour de la Loi sur la radiodiffusion pour le secteur de la musique.

Cette réforme est morte au feuilleton au Sénat au moment de la dissolution du Parlement avant les élections de septembre. Le projet de loi soumettait les géants du web comme You Tube et Netflix aux réglementations fédérales.

Les libéraux s’étaient engagés en campagne électorale à réintroduire leur projet de loi sur la radiodiffusion dans les 100 premiers jours de leur mandat.

L’ADISQ et l’APEM souhaitent qu’une éventuelle modernisation de la loi inclue toujours les grandes entreprises comme Spotify et Appel Music afin qu’elles partagent leurs données avec le CRTC, notamment pour mesurer la proportion de contenu produit au pays qu’elles mettent de l’avant et recommandent à ses utilisateurs.

Actuellement, ce qui est poussé par les services de diffusion en continu par l’entremise de leurs outils de recommandations n’est pas neutre, avance M. Payette.

« Ils sont influencés par des logiques commerciales. On découvre de plus en plus qu’ils sont biaisés en défaveur des musiques locales, plus à l’avantage des répertoires internationaux. C’est aussi au désavantage de contenus plus de niches qui sont dans d’autres langues que l’anglais », déplore-t-il.

Le CRTC pourrait utilement, par exemple, exiger un seuil minimal de recommandations de contenu canadien et francophone, comme il le fait avec les radios commerciales, mentionne M. Payette.

« Si on n’est pas recommandé ou présent, c’est sûr qu’on a de la misère à rejoindre le public parce que les gens se fient beaucoup à ces outils de recommandations pour naviguer parmi le répertoire de 70 millions de chansons qu’on retrouve sur les services de musique en ligne », soutient le directeur général de l’APEM.

Ce manque de visibilité auprès de la population peut avoir un impact sur les revenus des artistes et sur leur capacité à vendre des billets de spectacles ou de décrocher des contrats, mentionne M. Payette.

La nomination de Pablo Rodriguez pour une deuxième fois comme ministre du Patrimoine canadien donne espoir aux acteurs du secteur de la musique.

Aux yeux de M. Payette, elle envoie un « signal fort » que le gouvernement Trudeau veut aller de l’avant avec la modernisation de Loi sur la radiodiffusion puisque M. Rodriguez s’intéresse aux enjeux de la culture.

M. Rodriguez avait occupé le poste de ministre au Patrimoine canadien en 2018 et 2019.