L’Orchestre symphonique de Montréal n’a pas de chance avec ses chefs invités cet automne. Après le remplacement de Vasily Petrenko par Thomas Søndergård en octobre, c’était autour de David Zinman d’annuler sa venue à Montréal. À sa place : le Britannique Stefan Asbury, un spécialiste de la musique contemporaine inconnu au bataillon (en ce qui nous concerne). Le choix fut on ne peut plus judicieux, car, comme le mois dernier, le remplaçant a fait un sans-faute à la barre de l’OSM.

Dès les premières notes du Concerto pour piano no 2 en la majeur de Liszt, que Louis Lortie a accepté de jouer au lieu de celui de Schumann initialement prévu, on goûte la façon de sculpter le son, la ductilité de la ligne. Mais il n’est pas encore temps de sortir l’encensoir : bien des chefs font une impression favorable comme accompagnateurs, mais se fourvoient ensuite dans le plat de résistance symphonique.

Asbury n’est pas de ceux-là. Sa Symphonie no 15 en la majeur, opus 141, de Chostakovitch se compare avantageusement aux meilleurs témoignages discographiques (Kondrachine, Haitink, etc.). Il trouve d’emblée le ton, un mélange d’ironie et de lyrisme, et creuse les innombrables contrastes de la partition avec un art consommé. On a l’impression que chaque note, chaque nuance passe par tout son corps, et ce, sans jamais trop en mettre. À la fin de l’Allegretto initial, il fait un signe de tête aux musiciens en voulant dire « bien joué ». On opine également du bonnet.

L’orchestre n’a pas démérité de la soirée. Les cuivres ont impressionné par leur opulence, notamment dans le deuxième mouvement de la symphonie, mais aussi dans le concerto (la partie « Allegro deciso »). Les interventions du violoncelliste solo Brian Manker dans les deux œuvres au programme nous ont toutefois semblé manquer de projection, mais notre position dans la salle y est sans doute pour beaucoup.

Quid du soliste ? Louis Lortie est un vrai poète du piano. Il nous l’a encore prouvé hier. Il est vrai qu’il paraît parfois à bout dans les passages les plus exigeants de la partition, mais qui ne le serait pas ? Liszt sans sueur au front ne serait pas Liszt.

Dès sa première intervention, Lortie nous gratifie d’aigus d’une douceur satinée. Dans sa première cadence, au contraire, il fait rugir l’instrument. On croirait entendre trois orchestres.

À certains moments, il nous transporte dans l’univers des Années de pèlerinage (du même compositeur), quelque part entre la Vallée d’Obermann et un sommet dantesque. L’émotion est constante, immédiate. Le public lui a fait, avec raison, une chaleureuse ovation.

Le concert, qui était repris ce jeudi soir, sera offert en webdiffusion du 7 décembre au 4 janvier.

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