L’Orchestre symphonique de Montréal s’est produit mercredi soir, et pour la première fois il était possible de remplir la Maison symphonique grâce aux nouvelles règles sanitaires (pas de distanciation à respecter, mais port du masque en tout temps). Le chef danois Thomas Søndergård, qui remplaçait Vasily Petrenko, n’a pas fait salle comble, mais il s’est démarqué par une maîtrise souveraine des trois partitions au programme.

Car le musicien n’est décidément pas du genre à se contenter de l’à-peu-près. Même dans Precipice, œuvre de la compositrice britanno-colombienne Dorothy Chang dont c’était la création, Søndergård se distingue par son engagement et sa connaissance de la partition, qu’il a probablement eue en main il n’y a pas très longtemps.

Inspirée, aux dires de la compositrice, des différentes menaces (climatiques, sanitaires, etc.) qui planent sur l’humanité, l’œuvre joue sur les accumulations graduelles de sonorités, avec une grande place donnée aux vents, qui enchaînent de courtes mélodies tirant notamment profit des jeux de détimbrage. La présence importante des percussions n’est pas sans donner une certaine couleur asiatique à la partition. C’est intense et intellectuellement stimulant.

D’une dizaine de minutes, Precipice met la table pour la Symphonie no 5 en mi bémol majeur de Sibelius. Et c’est là que le chef invité apparaît sous son plus beau jour, notamment par la qualité de sa communication avec l’orchestre. Il parvient à guider chaque pupitre – on serait presque tenté de dire chaque musicien – dans les méandres de cette partition foisonnante.

Par conséquent, tout est logique, cohérent, ce qui est loin, dans son cas, d’être synonyme de « cérébral ». On a l’impression que Søndergård nous tient par la main pour nous conduire dans un fascinant périple ponctué de mille péripéties. Il est également un chanteur né, comme en témoigne le souffle lyrique du mouvement central.

Le coït a toutefois été brutalement interrompu dans les toutes dernières mesures par un appareil électronique qui s’est mis à émettre le son continu d’une voix. Avec les accords finaux fortississimo (fff) entrecoupés de larges silences, c’était assez gênant. Ce n’est pas comme si les spectateurs n’étaient pas avertis avant chaque concert, dans les deux langues officielles par-dessus le marché…

En début de concert, le pianiste israélien Yefim Bronfman, un habitué de l’OSM, est venu jouer le Concerto no 3 en do mineur de Beethoven. On ne peut pas dire qu’il fut the life of the party, comme dirait l’autre. Il semble presque s’excuser de se faire applaudir en arrivant sur scène. Une fois au clavier, il reste droit comme un roc, balayant le clavier avec une facilité déconcertante, mais déploie une palette de couleurs assez limitée. Hormis de rares piano, notamment dans le mouvement lent, on est souvent dans un forte passablement agressant. Un style très « grand pianiste russe », par ses défauts plutôt que par ses qualités.

La souplesse rythmique n’est pas tellement au rendez-vous non plus, avec un jeu très corseté, voire machinal. La complicité avec le chef est également difficile à percevoir : « Qui m’aime me suive », semble se dire le pianiste. Heureusement, le chef a fait la soirée.

Le concert sera repris ce jeudi à 10 h 30 et 19 h 30.