Pétition, mouvement #openthedancefloors dans les réseaux sociaux, lettres ouvertes, DJ qui plient bagage pour pratiquer leur art : les oiseaux de nuit piaillent d’impatience et réclament « le droit de danser » à Montréal.

La grogne s’est intensifiée après l’annonce de Québec, jeudi, d’assouplissements dans le milieu des arts vivants. À partir du 8 octobre, les salles pourront opérer au maximum de leur capacité, pourvu que des places assises fixes soient assignées. Or, c’est le statu quo pour les festivals, les concerts « debout » ou en formule cabaret et… les planchers de danse.

Alors que les néons des discothèques seront toujours éteints, le Canadien pourra faire salle comble pour son match d’ouverture au Centre Bell, le 16 octobre.

« Il y a quelque chose de révoltant là-dedans, lance le musicien électronique CRi, joint alors qu’il s’apprêtait à franchir la frontière américaine en vue d’un concert à Brooklyn. Je ne suis pas un spécialiste de la santé publique, mais ma petite logique me dit que 21 000 personnes qui crient et qui mangent des hot-dogs, ce n’est pas moins dangereux que 100 personnes masquées qui dansent dans une pièce. »

PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

Le DJ CRi

Les déhanchements publics sont l’une des seules activités toujours interdites au Québec en temps de COVID-19, en vertu d’un décret ministériel qui date du mois de juin 2020. « Dans les pièces et terrasses visées par un permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques pour consommation sur place, […] la pratique de la danse est interdite. »

Qui plus est, Montréal est la seule métropole en Amérique du Nord, sinon au monde, à réprimer les popotins. « Quand on regarde partout en Occident, en Europe ou aux États-Unis, c’est légal de danser à l’intérieur, explique CRi, qui a repris du service depuis environ un mois. Je pense à des endroits comme Seattle, qui sont reconnus pour être exemplaires dans la gestion de crise : on exige le masque et le passeport vaccinal, mais les évènements ont lieu, il y a une vie nocturne. »

PHOTO EVERT ELZINGA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Aperçu d’une discothèque à Amsterdam, le 25 septembre dernier

Des DJ et des noctambules sont ainsi contraints de voyager pour vivre leur amour de l’électro légalement. « Ça m’est passé à l’esprit d’organiser des spectacles en Ontario et de noliser des autobus, glisse CRi. Je ne veux pas faire ça, mais est-ce qu’on est rendus là ? On a tellement une belle scène à Montréal et au Québec, il y a tellement d’artistes impressionnants avec des propositions artistiques intéressantes, et là, on leur coupe l’herbe sous les pieds de manière constante. Je comprends qu’on est en crise, mais si tout le monde autour de nous procède autrement, il y a peut-être une introspection à faire. »

La santé d’abord, mais…

Selon Olivier Corbeil, copropriétaire du Théâtre Fairmount, du Bar Le Ritz PDB et du Newspeak, l’état des hôpitaux et le manque de personnel expliquent peut-être la prudence accrue dans notre coin de pays.

« Si la santé publique voit que ça se déroule bien à chaque étape de réouverture, ça va ouvrir la porte à la suite du déconfinement », croit-il.

Au vu des mesures sanitaires toujours en place, de nombreux concerts prévus en octobre au Newspeak, lieu intime d’avant-garde prisé par la scène électro, devront être reportés. « On ne va pas produire un show électronique assis pour 40 personnes, ça n’aurait pas de bon sens », explique M. Corbeil, qui précise avoir « encerclé le mois de mai 2022 » dans l’espoir d’une relance complète.

Avec le retour du temps froid, l’absence de discothèques risque de favoriser les évènements clandestins, redoutent des acteurs nocturnes. « Est-ce qu’on aime mieux se fermer les yeux et se dire qu’il va y avoir des partys illégaux, ou on essaie de s’organiser et de mettre des mesures en place ? demande CRi. En Angleterre, par exemple, on valorise les clubs, on comprend leur impact culturel et économique. »

Dans les réseaux sociaux, les bannières et les publications utilisant le mot-clé #openthedancefloors se multiplient pour faire pression sur le gouvernement Legault. En outre, une pétition qui réclame le « rétablissement du droit de danser au Québec » avait récolté plus de 3300 signatures vendredi midi.

Consultez le site de la pétition « Rétablissement du droit de danser au Québec »