Valence vient de faire paraître son premier album, dont le titre, Pêle-Mêle, n’a rien d’anodin. Pêle-Mêle, c’est une pop-rock éclectique, un mélange de saveurs, une permission d’aller partout à la fois. C’est aussi un désordre introspectif et nostalgique, baigné dans les souvenirs et leurs émotions.

« Je me sens très calme. » La voix posée de Vincent Dufour, alias Valence, résonne dans la loge au sous-sol du Ministère où nous nous installons pour notre entretien, jeudi après-midi. On entend à travers le mur le mélodieux chahut des instruments, alors que ses musiciens continuent leur sound-check à l’étage. Quelques heures avant le spectacle de lancement de l’album Pêle-Mêle, on sent le bouillonnement d’un beau moment qui se prépare.

Sauf entre les quatre murs de la loge. Ici, c’est plutôt la tranquillité qui règne. Valence est calme, et c’est peut-être là une des preuves qu’il est exactement là où il doit être. Sur son X, comme il dit, lorsqu’il évoque l’époque à laquelle il a amorcé son projet musical.

Vincent n’a fait de la musique sa priorité qu’en 2018, au terme de ses études universitaires. « Ça a toujours été la chose qui occupait mon esprit, dit l’auteur-compositeur-interprète de 26 ans. Mais ça a pris du temps avant que j’aie la confiance de m’y donner à temps plein. J’ai fait le cégep et l’université en design graphique et multimédia, toujours en ayant un band avec lequel je jouais de la musique. Quand j’ai fini l’université, c’était devenu clair pour moi que c’était ça. »

Il s’est alors retrouvé dans une bulle créative à laquelle il n’avait jamais eu accès avant.

« C’était hyper stimulant. Je ne faisais que ça, sans fatigue. On dirait que mon corps réagissait à toutes ces années où j’ai dû le retenir de créer », raconte le musicien de Québec.

C’était en 2018. L’année suivante, il a lancé le mini-album Cristobal Cartel. On y sentait les influences des « premières couleurs » musicales qui l’ont touché, « des choses assez planantes », de Daniel Bélanger à Genesis. Puis, son passage aux Francouvertes, qui s’est conclu par une victoire, à la fin de 2020. Au printemps 2021, il annonçait sa signature avec l’étiquette Chivi Chivi (Helena Deland, Robert Robert, Lysandre). Aujourd’hui, il sort un premier album.

La lumière puis la nostalgie

Pêle-Mêle réunit des textes composés sur une longue période, dès l’été 2019. Pour Valence, si « la musique, c’est très facile et rapide, les textes, c’est très difficile, c’est long ». « Ça me prend du temps, mais au final, ma relation avec la chanson en dépend plus, dit-il. Une chanson va bien vieillir si je suis fier du texte, même si la musique est très simple. »

Sur son album, ses mots témoignent de deux périodes distinctes. « Au début, je sortais d’un été vraiment lumineux avec le groupe. On commençait à faire des shows, les réactions étaient super. J’étais dans l’action du moment présent, dans les soirées d’été, puis dans le golden hour de l’automne. C’étaient des heures où tout se passait rapidement. »

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Ensuite est venue la pandémie, l’obligation de s’enfermer. « Je dormais beaucoup, c’était l’effet du confinement sur mon corps, dit Valence. Et dans mes rêves, je revisitais d’anciennes relations amoureuses, des moments de famille, des fois des trucs très anodins. Ça venait me baigner dans un genre de nostalgie. »

À la même époque, il lit L’ignorance, de Milan Kundera. « Ça m’a mis en réflexion sur qui je suis, sur ce que le passé a eu comme effet sur la personne que je suis aujourd’hui, ajoute Valence. Le titre de l’album revient à ça aussi. » La nostalgie et l’introspection sont ainsi omniprésentes dans ces textes où l’intime est exposé sans voile.

Tous les chapeaux

Quand est venu le temps de s’atteler à ce premier album, « au début, je ressentais beaucoup la pression de présenter une couleur qui était la mienne, distincte et uniforme, confie Valence. Je portais toujours un regard extérieur sur ce que je faisais, ce qui amenait un jugement et ne laissait pas beaucoup de place à l’intuition ».

Le titre de la chanson Pêle-Mêle, « qui parle de chaos intérieur, de peurs refoulées qui évoluent mal avec le temps », lui a alors inspiré une nouvelle trajectoire créative. « Je me suis dit que ce titre pourrait m’aider à assumer mes envies de sauter dans plein de styles », dit Valence. Pêle-Mêle est pop-rock, vintage et contemporain, groovy et mélancolique, psychédélique, jazzy, à l’occasion électro.

Autre volonté primordiale, celle de participer à toutes les étapes de confection de son disque. Sur Pêle-Mêle, le musicien joue de plusieurs instruments, mais a aussi alterné les chapeaux pour les arrangements, le pré-mixage, l’édition, la prise de son et la réalisation.

Je voulais en faire le plus pour qu’au final, malgré le fait que les chansons soient hétérogènes, j’ai tellement toujours les mains dans la matière que ma personnalité allait sûrement en émaner.

Valence

Dans sa chambre, dans le quartier Saint-Sauveur de Québec, Valence a entamé une grande partie du travail, enregistrant quelques instruments et sa voix lui-même. Le reste de Pêle-Mêle s’est bâti dans le studio montréalais de Steeven Chouinard (Le Couleur). S’il a mené le projet de A à Z, le musicien s’est aussi bien entouré (Alexis Taillon-Pellerin, Raphaël Laliberté-Desgagnés, Lysandre Ménard, Antoine Bourque), ce qui l’a notamment aidé à continuer de se laisser surprendre, lui pour qui l’intuition et l’exploration sont essentielles.

Lorsque nous le rencontrons, le soir du lancement, Valence est prêt à ce que toute la vulnérabilité (artistique et personnelle) de Pêle-Mêle soit dévoilée. Il avoue avoir été nerveux dans l’anticipation de la sortie, car « il y a des textes très intimes ». Mais plus maintenant. « Là, je suis dans l’action. Je me retrouve avec mes amis, on fait des shows et, au final, c’est ce qui donne un sens à tout ça », dit-il.

« Je donne l’album aux gens et ça veut dire que j’accepte les imperfections, que pour moi, il va représenter ces deux dernières années. Pour bien accepter un album, il faut se dire : ‟c’est ce que je voulais faire et j’ai réussi à le faire”. » Maintenant, place à la suite.

Valence sera en prestation à Osheaga le 3 octobre prochain.