J’ai dans mon placard un vieux fer à repasser. Je le ressors parfois pour enlever les mauvais plis sur mes chemises et leur donner une apparence plus neuve.

C’est à peu près le même genre d’opération qui a été effectuée sur cette nouvelle réédition « 50anniversaire » du classique All Things Must Pass, lancé en 1970 par George Harrison. Un petit coup de repassage pour enlever les mauvais plis.

All Things Must Pass (traduction libre : tout passe) est considéré par beaucoup comme le chef-d’œuvre de Harrison. Longtemps cantonné à deux chansons par album des Fab Four, le « Beatle discret » avait explosé avec ce monumental album triple de 23 titres, qui comprenait notamment le tube My Sweet Lord, premier grand succès d’un ex-Beatle après les Beatles.

PHOTO JIM WELLS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

George Harrison (à gauche) lors du Concert for Bangladesh à New York, en 1971. L’ex-Beatle était entouré des musiciens Klaus Voormann, Jesse Ed Davis et Eric Clapton.

Avec un peu de recul, permettez qu’on relativise. Au-delà de ses indéniables réussites (Isn’t It a Pity, Hear MLord), All Things Must Pass est loin d’être un album sans défauts. On lui reprochera ses quelques chansons plus moyennes (Wah-Wah, Ballad of Sir Frankie Crisp), sa longueur excessive (le troisième disque, constitué de jams, n’était pas essentiel) et, surtout, la production « mur à mur » de feu Phil Spector, qui avait inondé l’album de réverbération (ou « reverb »), pour en faire une bouillie sonore pas toujours très digeste.

Une première réédition, parue en 2001, quelques mois avant la mort de George, avait largement réglé ce problème de wall of sound spectorien. Le résultat était spectaculaire.

C’est pourquoi l’on peut remettre en question l’utilité de cette nouvelle version « repassée », lancée pour souligner le 50anniversaire de l’album.

Le fils de George, Dhani Harrison, a entièrement remixé l’album avec l’aide de l’ingénieur du son Paul Hicks. Mais en dépit de l’indéniable travail effectué, le résultat nous semble, comment dire… un peu bof.

Le son est certes plus compact que l’original. La basse a été mise de l’avant, tout comme la voix de Harisson, qui paraît ici et là plus vulnérable. Mais les guitares acoustiques scintillent moins, et la dynamique y perd.

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À ce compte, on préfère encore la réédition CD de 2001, voire la production de Spector, qui avaient toutes deux un peu plus de « oumpf ».

Pour les geeks

Il reste les nombreux suppléments, qui font passer le coffret triple original en coffret quintuple, voire octuple, si vous choisissez la version de luxe avec 70 chansons, c’est-à-dire 47 de plus que sur l’album de 1970. Les disques supplémentaires contiennent une vingtaine de retailles de studio, de démos et de prises « alternatives », dont certaines, il est vrai, sont particulièrement convaincantes (Isn’t It a Pity, Take 27).

Très peu de chansons inédites en revanche, comme cela s’impose aujourd’hui dans les rééditions haut de gamme. Sauf erreur, la ritournelle folk Cosmic Empire serait le seul morceau à ne jamais avoir été entendu jusqu’ici.

C’est aussi l’un des arguments de vente de la campagne marketing associée à ce nouveau coffret, si l’on exclut le coffret en bois « uber deluxe » de huit vinyles et cinq CD, dont le boîtier a été fait avec un chêne tombé sur le domaine de George Harrison. Cette version (vendue plus de 1000 $ avec taxes !) est par ailleurs offerte avec des répliques des nains de jardin qui entourent George sur la pochette de l’album !

Autant dire que les geeks y trouveront leur compte. On les entend d’ici soupeser le poids des vinyles, comparer les versions en prenant des notes et s’échanger les figurines de nain comme d’autres s’échangent des cartes de hockey.

Mais pour l’admirateur basique que nous sommes, la magie de cette réédition n’a pas opéré. Pour cette fois, on se contentera des chemises fripées…

All Things Must Pass – 50th Anniversary

Rock

All Things Must Pass – 50th Anniversary

George Harrison

EMI/Universal

7/10