Michel Langevin ne s’est pas laissé impressionner par 2020, une année qui a presque rejoint la fiction post-apocalyptique de son personnage Voivod, qu’il a imaginé il y a presque 40 ans. Le batteur a continué à créer intensément malgré l’arrêt forcé de la tournée mondiale de son groupe légendaire.

Spectacles en diffusion web des albums Nothingface (30 mai) et Dimension Hatross (27 juin), création du prochain album de Voivod prévu au printemps 2022, projet d’un film documentaire sur les 40 ans du groupe, phases un et deux de son projet The Singularity, en collaboration avec Thisquietarmy, sa bande dessinée Tales from the Net et la création de son site de dessins awayartpress.com. Voici quelques-unes des réalisations d’un artiste multidisciplinaire, un être à découvrir, passionné, curieux, émerveillé comme l’enfant d’autrefois qui a fait son tout premier dessin.

« J’étais chez mon cousin Richard Langevin et il avait sur son mur un dessin qu’il avait fait d’Atomas, la Fourmi atomique, une bande dessinée que j’adorais, se rappelle-t-il. Aussitôt, je lui ai demandé : “Hé ! Tu me le donnes-tu ?” Il m’a répondu : “Non, mais je peux te montrer à le dessiner !” » Il n’a jamais arrêté depuis : BD, pochettes de disques, édition d’un beau livre de ses dessins, Voivod and the Art of Michel Langevin.

Sa passion pour la musique a commencé à l’âge de 10 ans. Dans le voisinage, un « p’tit cul » de son âge jouait déjà dans un groupe avec son père et ses frères, Les Teddy Boys. Son ami chantait un « faux » anglais, mais connaissait déjà par cœur les accords des Beatles.

Un jour, il m’a emmené chez lui et le salon était rempli d’instruments de musique. Tout était prêt pour jouer. J’ai aussitôt eu une fixation pour la batterie. Mais je ne pouvais pas en jouer, son grand frère avait caché les baguettes. Alors, on a pris ses baguettes de pool et on les a coupées. Il était en furie !

Michel Langevin

À partir de là, les deux gamins se sont fait interdire l’accès au salon et rediriger vers la remise arrière. « Il y avait là justement un vieux tom de parade qui traînait, se souvient-il avec enthousiasme. Aussitôt avec les deux baguettes de pool coupées, je me suis mis à taper là-dessus. » Et de là, le train a démarré pour de bon, sur des rythmes de plus en plus endiablés jusqu’au début de l’âge adulte.

À cette époque, il décide finalement d’étudier à l’université en génie civil. Il se passionne pour les ponts et la physique mécanique. Mais il lui faudra la sortie remarquée du premier album de Voivod pour qu’il décide de se consacrer d’abord et avant tout à la musique.

Depuis, il partage quotidiennement sa vie entre le dessin et la musique. Partout en tournée, à Mexico, Berlin ou Tokyo, il se promène le jour dans les rues pour enregistrer tous les sons caractéristiques de la ville, avec une attention particulière pour les musiciens de métro – il a d’ailleurs enregistré Away Cities, un album rare de 30 minutes lancé en 2012. Langevin prend aussi le temps d’observer l’architecture des villes avec l’œil de son appareil photo. Le soir, après les spectacles, il témoigne de sa journée en la dessinant sur les blocs-notes trouvés dans les hôtels. Il prépare d’ailleurs un livre de ses dessins de tournée. En attendant, on peut les acheter à la pièce sur son site internet.

À fond dans tous ses projets

Toute cette démarche artistique spontanée ressemble vraiment aux performances d’art contemporain. Comme il se permet une grande liberté dans sa création, il aime participer régulièrement à des évènements de musique actuelle où l’improvisation est souvent mise de l’avant, comme dans son nouveau projet avec Éric Quach, Thisquietarmy x Away.

Avec la musique actuelle, j’ai davantage le champ libre qu’avec Voivod. C’est pour ça qu’au fil des ans, j’ai toujours eu une carrière parallèle dans l’avant-garde.

Michel Langevin

En parallèle de tout ça, l’homme sait aussi battre la mesure pour ce qui lui tient à cœur. Entre autres pour l’album Pops Culture, créé voilà quelques années par 15 jeunes qui fréquentent l’organisme Dans la rue, ou pour Le Big Bang Band, un album de chansons originales créé en musicothérapie par 10 participants des Impatients. Pour lui, il ne semble pas y avoir de petit ou de grand projet ; quand il s’engage, il y va à fond le rythme !

Dernièrement, un admirateur nommé Siou a osé lui demander d’écrire une chanson pour un projet personnel et, sans hésiter, il a accepté. Pour Michel Langevin, ce n’est pas compliqué, si ça lui plaît, il embarque aussitôt. Aussi curieux que cela puisse paraître, il n’a jamais écrit un texte de chanson, bien que tout l’univers de Voivod provienne de son imagination. « Je me suis aperçu que le meilleur moyen, c’était de le faire super rapidement, affirme-t-il en souriant. J’ai réfléchi à ce que je fais dans la vie ; je fais des beats ! C’est une vie de beats, un beat de vie ! Je suis parti de ça, la vie en général vue par un batteur. J’ai trouvé l’expérience fantastique ! Ensuite, le casse-tête de bouger les mots, j’ai aimé ça, c’est devenu comme un poème. En fin de compte, être batteur, c’est ça qui a dirigé ma vie. »