D’un album à l’autre, on ne sait jamais dans quel univers St. Vincent – née Annie Clark – va nous plonger. Avec Daddy’s Home, elle replonge dans le passé et elle revendique le droit à l’erreur.

« J’adore être blonde », lance St. Vincent.

Au premier regard, l’autrice-compositrice-interprète est presque méconnaissable sur la pochette de son sixième album, Daddy’s Home.

ll faut dire que chaque opus de St. Vincent est un monde à part.

Sur la pochette de Masseducation, son album précédent, Annie Clark était juchée sur des talons hauts. Posée de dos, elle portait un justaucorps à motif léopard avec des collants rose néon. Elle y abordait les thèmes de la superficialité et de la toxicité sous toutes ses formes.

Sur Daddy’s Home, elle épouse plutôt le look des héroïnes des films de John Cassavetes « sous l’influence » de substances. Elle le dit même explicitement sur sa chanson The Laughing Man.

PHOTO ZACKERY MICHAEL, FOURNIE PAR L’ÉQUIPE DE L’ARTISTE

St. Vincent arbore un look seventies pour accompagner la sortie de son nouvel album.

St. Vincent nomme l’actrice et muse de John Cassavetes Gena Rowlands, mais aussi Candy Darling, actrice américaine transgenre qui faisait partie de la Factory d’Andy Warhol.

« Il fallait un look à la fois suranné et glamour », dit-elle. Avec un verre de spiritueux ambré pas trop loin pour être « sous l’influence » et détendre l’atmosphère…

Si St. Vincent plante toujours avec brio le décor de ses albums, « la musique vient toujours en premier », précise-t-elle toutefois. « Mais tout le reste permet aussi de raconter ce que la musique raconte. »

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Musicalité seventies

Pour expliquer comment naît sa musique, St. Vincent parle de « la trouver ».

C’est de façon « subconsciente », raconte-t-elle, qu’elle a replongé dans des sons seventies. « Peut-être parce que c’était une période de grande transition comme c’est le cas maintenant… C’est sans doute la musique que j’ai le plus écoutée, mais je ne l’avais jamais abordée personnellement auparavant […] Il y a un haut niveau de sophistication et de complexité, notamment dans les harmonies et le ressenti [feel]… peut-être que je n’étais pas prête à aborder tout cela avant maintenant. »

En guise d’exemple, St. Vincent cite les albums de Steely Dan, Stevie Wonder et Sly and The Family Stone. De la musique qui semble couler de source si facilement. Et pourtant…

Si ça sonne si bien, c’est parce que la musicalité est incroyable. Mais quand tu commences à disséquer le tout, tu fais : “Oh !”

St. Vincent

Cette palette sonore permet à St. Vincent de chanter dans une ambiance plus feutrée et détendue que sur ses albums précédents. « J’ai beaucoup improvisé », ajoute-t-elle. Il y a en effet des sortes de jams vocaux, mais aussi des chœurs féminins (avec Lynne Fiddmont et Kenya Hathaway). L’union de leur voix est grandiose sur Live In The Dream, où plane l’ombre de Pink Floyd.

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Le droit à l’erreur

Annie Clark a fait la première moitié de son album avant la pandémie et la seconde pendant le confinement. Pour ajouter au cadre seventies, elle a enregistré du matériel au mythique studio new-yorkais Electric Lady (construit par ailleurs par son mentor spirituel Jimi Hendrix). Elle a une fois de plus travaillé en coréalisation avec Jack Antonoff.

La première chanson qui est née ? Somebody Like Me, douce pièce acoustique avec des voix d’enfants en arrière-plan et du pedal steel. Annie Clark se demande si la personne qui la choisit est un « ange » ou plutôt un « freak ».

Down a aussi été parmi les premières chansons de Daddy’s Home. Le clip est sorti quelques heures avant notre entretien téléphonique avec St. Vincent. « C’est un fantasme de vengeance, indique son autrice et compositrice. C’est Kill Bill. »

« Tout l’album est à propos de gens qui font de leur mieux pour s’en sortir », expose-t-elle.

Le titre de l’album, Daddy’s Home, fait référence à la sortie de prison de son père après une peine de 10 ans pour des manipulations boursières. Beaucoup de médias l’ont souligné à grands traits au cours des dernières semaines.

St. Vincent confie avoir été nerveuse la première fois qu’elle a fait entendre ses chansons à son père. Or, elle tient à rappeler ce qui est propre aux artistes. « Je prends des choses difficiles et je les transforme. »

Au bout du compte, St. Vincent revendique tout simplement le droit à l’erreur et aux imperfections. Elle nous invite à moins juger les gens qui font fausse route. Surtout en cette ère des réseaux sociaux où le tribunal populaire peut être sans merci.

« Je souhaite un monde avec plus d’empathie, dit-elle. L’empathie passe par la curiosité et la compréhension de l’autre. »

Que conclure de mieux ?

IMAGE DE LA POCHETTE DE L’ALBUM

Daddy’s Home

Pop alternative
Daddy’s Home
St. Vincent
Loma Vista/Concord