Après 10 ans d’absence, Omnikrom fait un retour avec Bus magique, un minialbum de cinq chansons. Le trio a peut-être été incompris à ses débuts, mais il a défoncé des portes pour la plus jeune génération de rappeurs, que ce soit en tournant en France ou en se permettant de jouer avec la pop et l’électro. Entrevue avec Jeanbart, Linso Gabbo et le producteur Figure8.

Si la pandémie a eu un avantage, c’est de donner la chance à Omnikrom de faire un retour graduel. L’eau a coulé sous les ponts depuis son dernier album sorti en 2012. La scène rap a changé. Cette absence de 10 ans aura permis au groupe de « tâter le terrain ».

Omnikrom a bien des nouvelles chansons dans son sac, mais il n’en sort que cinq sur un nouvel EP intitulé Bus magique. « L’EP représente une couleur, mais on va sortir plusieurs autres chansons où on va ailleurs, qui vont surprendre les gens », indique Linso Gabbo.

Grand amateur de lutte et même lutteur pour la scène underground de Montréal (sous le nom de Grand Gabbo), Linso Gabbo n’a jamais arrêté de se mettre en scène avec des mots. Il a même sorti un clip pour une chanson intitulée Gabbo Gang. Et tout cela lui a donné de l’inspiration pour des nouvelles chansons d’Omnikrom.

Ses deux acolytes étaient bien partants. Figure8 n’a jamais arrêté d’être DJ, tandis que Jeanbart travaille comme développeur de contenu en plus d’être chroniqueur ici et là.

Avec les cinq chansons de Bus magique, Omnikrom veut bien humblement voir ce qui plaît au public pour préciser sa trajectoire. Sur la chanson Meilleurs gars, il y a un échantillonnage de cuivre eighties qui fait presque « musique d’ascenseur ». Alors que c’est le jour de la marmotte avec la pandémie, le groupe nous invite à faire la fête dans notre tête avec du poulet frit et un verre de merlot. « Les paroles sont “ 100 % délire ” comme l’Omnikrom d’antan, souligne Jeanbart. On peut être insouciants avec notre imaginaire. »

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Le premier extrait sorti il y a quelques semaines, Mêlé, fait en quelque sorte un pont avec le passé. Avec l’humour baveux propre à Omnikrom, Jeanbart raconte à la blague avoir passé la nuit avec une fille qui l’a confondu avec l’animateur Philippe Fehmiu. Les arrangements nocturnes sont résolument électros.

Derrière le je-m’en-foutisme du texte, il y a le thème plus sérieux du vieillissement. Un jeune guitariste peut-il avoir comme modèle de « vieillir cool » comme Keith Richards ? Quand on fait du rap, on aspire à vieillir comment ?

C’est Snoop Dogg qu’Omnikrom donne spontanément en exemple. Snoop continue de faire du rap tout en cuisinant avec Martha Stewart et en donnant des conférences à C2 Montréal. « Il fait plein d’affaires en plus de la musique », dit Jeanbart.

L’époque du Zoobizarre

Sans tomber dans la nostalgie, il faut souligner que l’époque où Omnikrom a connu beaucoup de succès, dans les années 2000, était vraiment excitante à Montréal. Hormis MySpace, les réseaux sociaux n’existaient pas. Les genres musicaux se décloisonnaient. Il y avait des rendez-vous nocturnes populaires et incontournables, notamment au Zoobizarre.

« Il se passait quelque chose de spécial sur la scène musicale, se remémore Jeanbart. À Montréal, c’était l’âge d’or de ce qu’on appelait “ la scène locale ” qui unissait des artistes de plusieurs styles de musique. »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Les membres d’Omnikrom à une autre époque, en 2007 : Linso Gabbo, Jeanbart (au centre) et Figure8

« Si t’es un vrai Montréalais, saute en l’air pour te réchauffer ! », disait le tube d’Omnikrom fait en collaboration avec TTC et Ghislain Poirier qui avait pour titre Pour te réchauffer. Autre grand succès d’Omnikrom et de TTC : Danse la poutine.

C’est aux Francos de Montréal que tout ce beau monde avait fait connaissance. De 2005 à 2012, Omikrom a sorti deux EP et trois albums. Il a tourné en France et même fait un duo avec Cœur de pirate. Il a partagé la scène avec Diplo et Airborne Audio.

Depuis 10 ans, les artistes se sont tenus loin des projecteurs, sauf pour un spectacle soulignant le 10anniversaire de l’album Trop Banane ! en 2017 aux Francos de Montréal.

Bien entendu, Omnikrom ne peut plus dire des choses qu’il a déjà dites. À ses débuts, Omnikrom a été plongé dans un scandale pour ses paroles vulgaires.

« C’est une question d’époque », dit Linso Gabbo.

La vibe culturelle a changé et nous aussi. Il y avait l’insouciance des gars qui enregistrent des tounes dans leur appart sans penser que ça allait pogner.

Jeanbart

Si Omnikrom jouait avec les codes de la vulgarité du rap américain (plus précisément du south rap), il le faisait avec un deuxième degré qui était mal compris, souligne Jeanbart. « On ne savait pas à quel point on pouvait jouer nos personnages. Pour nous, c’était obvious. Mais pas pour tout le monde qui nous découvrait en show, le côté cartoon n’était pas clair. »

Comme ce fut le cas pour plusieurs autres rappeurs par la suite, on a reproché aux membres d’Omnikrom de ne pas faire du « vrai » rap car c’était trop pop ou électro. Ils étaient plutôt des précurseurs de ce qu’est devenue la musique urbaine.

Mettre des plus jeunes en valeur

Comme il l’a fait à l’époque avec Donzelle et Payz Play, Omnikrom veut mettre en vedette des rappeurs montants. Sur la chanson de l’EP intitulée Nuages (au beat de piano diablement accrocheur) figurent Don Bruce, SeinsSucrer et DStein. « Ce sont des jeunes rappeurs avant-gardistes dans leur approche. Mais ils sont trop jeunes pour avoir connu Omnikrom », dit en rigolant Linso Gaboo.

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Pour sa part, Figure8 s’est entouré d’autres producteurs, dont Lowpocus. « Je ne suis pas gêné pour me mettre à jour. »

Sachez que la chanson Peut-être génies n’est pas une pointe à Koriass et FouKi. La chanson raconte plutôt le délire enthousiaste qu’on ressent après un éclair de génie… mais qui n’en est finalement pas un quand on dégrise.

Les membres d’Omnikrom ne se sont jamais pris trop au sérieux. Il reste qu’ils sont de fiers artisans du divertissement. Et c’est avec grande conviction qu’ils reviennent au jeu dans un nouveau carré de sable. L’EP Bus magique n’est qu’un début…