« Je tremble comme une feuille », a avoué Yannick Nézet-Séguin en rigolant au public réuni dimanche après-midi à la Maison symphonique, avant de préciser qu’il ne pensait jamais faire ses « débuts » avec l’Orchestre Métropolitain après 21 ans à sa tête. C’est que le chef jouait pour la première fois comme soliste avec son ensemble, dirigeant les ritournelles d’orchestre à partir du piano et adoptant une optique plus chambriste le reste du temps.

Son interprétation du Concerto n12 en la majeur, K. 414, de Mozart, est dans l’ensemble une belle réussite. Dans l’Allegro initial, le musicien adopte un tempo plutôt confortable, prenant le temps de détailler la texture orchestrale, notamment pour donner du relief aux dialogues entre violons et altos. Cet accompagnement forme un bel écrin de velours pour le piano argentin de Nézet-Séguin.

Son aisance au clavier n’est évidemment pas celle des grands solistes. La main droite manque parfois un peu de définition. Quelques scories se font entendre à l’occasion. Mais cela relève du détail, car le chef pianiste, qui a appris ce concerto à 12 ans (!), insuffle beaucoup de grâce à la partition. Son entrée au début du mouvement lent est particulièrement touchante, jouée comme si on chuchotait à l’entrée d’une église.

Le moment le plus attendu était probablement la Symphonie n3 en fa majeur de Brahms, qui fait suite aux deux premières symphonies jouées lors de précédents concerts. Le chef adopte des tempos assez conventionnels, loin de la rapidité d’un Furtwängler ou d’un Walter et de la lenteur d’un Bernstein.

Cela lui permet de dramatiser le discours tout en permettant à la musique de respirer. Pour reprendre sa propre métaphore, on a presque l’impression d’une promenade de santé en forêt.

Parmi les meilleurs atouts de cette Troisième : le début du second mouvement, sculpté à mains nues par Nézet-Séguin, et l’urgence de l’Allegro final. Seule petite réserve : malgré son lyrisme chaleureux, le thème du troisième mouvement passe un peu sous l’orchestre lorsqu’il est énoncé dans le grave.

En début de concert, Nézet-Séguin a proposé une courte pièce du compositeur vénézuélien Giancarlo Castro d’Adonna, originaire de la même ville que Gustavo Dudamel. Intitulée Diversity, elle a été créée en deux versions (cuivres et bois) à Portland (Oregon) en novembre dernier par un orchestre de jeunes. Le chef l’a rapportée dans ses bagages après l’avoir dirigée à Philadelphie en janvier en hommage à Martin Luther King.

Le directeur musical, qui est allé diriger les cuivres et les percussions en fond de scène, avait tout à fait raison de la qualifier de « vraiment, vraiment entraînante ». Avec ses rythmes très latins, ses influences jazz et même un petit fugato à la Bach en plein milieu, la pièce s’est révélée un délicieux en-cas avant de passer aux deux plats principaux. Une belle manière de contredire ceux qui trouvent que les concerts classiques sont trop coincés.

Le concert était donné devant public à 13 h et à 16 h et sera offert en webdiffusion du 30 avril au 9 mai.