Après plus de 10 ans au sein du duo Heartstreets, la Montréalaise Emma Beko sort ces jours-ci son premier album solo, Blue. Un opus sur lequel elle se permet d’explorer un style bien à elle, un hip-hop mélancolique et personnel. La Presse lui a parlé.

Son premier album

« J’ai voulu me présenter au monde avec honnêteté, sans me retenir. J’ai été dans Heartstreets pendant 11 ans. À deux personnes, tu dois faire des compromis. J’avais 18 ans quand j’ai commencé et c’était ma première expérience musicale. Alors je n’étais pas assez à l’aise pour être la version la plus authentique de moi-même. Avec mon projet solo, je me suis dit qu’il était temps d’être honnête avec moi-même et de montrer qui je suis. Dans Blue, je parle de mes défauts, de mes craintes, de toutes les choses qui me rendent vulnérable et fragile en tant qu’humaine, mais qui me font sentir très en vie en même temps. Quand j’ai sorti mon premier single, en février de l’année dernière, je m’en souviens très bien, je me suis sentie renaître. C’était très libérateur. C’est très épeurant, d’une certaine façon, mais pas tant que ça. Je me sens moi-même, authentique, alors si les gens ne le feel pas, il n’y a pas de stress, parce que je n’aurais pas pu le faire autrement. […] Le titre Blue, c’est parce que dès que j’ai eu l’idée de faire un album, il y a quatre ans, je me suis dit qu’il allait s’appeler Blue. Dans le sens de “feeling blue’’[avoir le blues]. Quand je me sens down, c’est là que je suis le plus inspirée et que j’arrive vraiment à écrire des chansons qui viennent du cœur. Dans la vie, je suis quelqu’un qui profite de chaque moment. Je suis très souriante. Quand les gens écoutent ma musique, des fois, ils sont étonnés que ça soit de moi. Mais moi, mon méchant, je le sors en faisant de la musique. »

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Ses débuts

« Je viens d’une famille qui consomme beaucoup de musique. Ma mère a été ballerine et danseuse contemporaine. Son métier tournait autour de la musique. Je me rappelle être vraiment jeune, 7 ou 8 ans, et avoir le blues, me sentir vraiment triste. Je prenais un papier et un crayon, et je dessinais. Je ne suis pas très bonne et ça me frustrait, parce que je n’arrivais pas à mettre sur papier ce que je ressentais. Après des années, j’ai commencé à écrire autour de mon dessin. Et je me suis rendu compte que c’était ce que je recherchais. J’ai réalisé qu’écrire me faisait du bien, que c’était ma façon de m’exprimer. Je me suis mise à composer des paroles. Il y avait déjà des mélodies dans ma tête, mais j’étais encore trop gênée pour les chanter. J’ai tout de suite voulu faire ça de ma vie. J’ai été à l’école secondaire dans un programme de musique. Je voulais vraiment chanter, mais je n’étais pas très bonne. Je ne l’avais pas naturellement. Ça m’a découragée, parce que j’étais entourée de monde qui pouvait chanter de l’opéra. Mais mon papa écoutait beaucoup Bob Dylan, qui a une belle voix, mais pas dans le sens classique. J’ai commencé à écouter plus de chanteurs et chanteuses avec des voix différentes, je me reconnaissais plus là-dedans. J’ai mis ça de côté au début de mon adolescence et j’ai déménagé à New York pour finir mon secondaire. C’est à cette période que je me suis mise à écouter beaucoup de hip-hop. Je faisais des freestyles avec mes amis. Quand j’ai recommencé à écrire, cette fois, c’était des raps. »

Ses inspirations

« Ma mère écoutait beaucoup de musique congolaise, parce qu’elle a grandi en partie là-bas. Mon père écoutait de la musique afro-péruvienne. Ces influences sont une grande partie de ma vie. Il écoutait aussi beaucoup de Nirvana, de Joy Division, et j’aimais vraiment ce côté dark et intense. Vers mes 11 ans, il y avait une compilation musicale de pop-punk-grunge-rock qui était sortie, des chansons tristes. Je m’allongeais sur mon lit, j’écoutais les paroles et je pleurais. Je comprenais ce qu’ils essayaient de communiquer dans les chansons, ça me touchait. Ç'a influencé ce que j’aime recevoir de la musique que j’écoute et ce que je donne aujourd’hui en tant qu’artiste. Erykah Badu est aussi une énorme influence. Il y a 10, 15 ans, c’était différent pour les femmes dans le monde du hip-hop. Maintenant, ce sont presque les plus populaires, mais ce n’était pas encore le cas dans le temps. Je ne voyais personne à admirer. Mais Erykah Badu et Lauryn Hill étaient là et elles ont réussi à faire partie de la scène, à être respectées. […] En faisant Blue, ce qui m’a poussée à écrire, c’était Lil Peep et XXXTentation [deux jeunes rappeurs américains, morts en 2017 et en 2018]. Ils faisaient du emo-rap qui m’a beaucoup inspirée. Ça mélangeait ce que j’écoutais quand j’étais petite avec mon style de musique préféré, le hip-hop. »

La suite

« Je travaille sur mon show virtuel live pour le 19 mars, produit par District 7 et l’Anti. C’est plate et dur sur le moral d’être en pandémie et je m’ennuie des spectacles, mais on va tourner la situation à notre avantage. Ça s’appelle The Blue Experience. Ça va être très différent de ce que j’ai vu comme shows live dans la dernière année. Je veux dépasser mes limites. J’aime le faire dans toutes les petites facettes de la création musicale. Dans le futur moins proche, beaucoup de musique s’en vient, avec différentes personnes. Je suis sur une lancée. Je ne me dis pas que l’album sort et que c’est le temps de prendre des vacances. J’aime ça, je continue. »