Le concert de l’Orchestre symphonique de Montréal enregistré le 18 janvier dernier (offert du 2 au 16 février sur osm.ca) nous permet d’abord d’entendre la grande violoncelliste états-unienne Alisa Weilerstein sous la direction de son mari, Rafael Payare. Mais il rend surtout possible, après trois concerts, de mieux jauger le style du nouveau capitaine de l’OSM.

Le concert s’ouvre avec Midi dans la plaine (Mediodía en el llano), court poème symphonique écrit en 1942 par son compatriote Antonio Estévez, mieux connu pour sa Cantate créole. Fait notable, ce dernier a également composé une musique d’ambiance pour le pavillon vénézuélien lors d’Expo 67 à Montréal. S’inscrivant dans une tonalité sans ambiguïté et mâtinée de couleurs debussystes, Midi dans la plaine est une partition atmosphérique et picturale, pour ne pas dire cinématographique. Elle a été rendue avec finesse par l’orchestre et son chef, qui ont réussi à y instiller une belle dose de mystère.

PHOTO ANTOINE SAITO, OSM

La violoncelliste Alisa Weilerstein est aussi la femme du nouveau chef de l’OSM, Rafael Payare.

Alisa Weilerstein, qui n’est pas une nouvelle venue à l’OSM, connaît bien les deux concertos pour violoncelle de Chostakovitch pour les avoir endisqués il y a cinq ans chez Decca avec l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise et le chef Pablo Heras-Casado. Alors qu’elle faisait le Concerto no 2 en 33 minutes sur disque, ce qui reste très proche des deux principaux enregistrements de Rostropovitch, dédicataire de l’œuvre, la musicienne en est maintenant à une minute de plus, une différence non négligeable, même si certains font encore beaucoup plus lent…

Effet Payare — qui se dit parfaitement au diapason de sa femme en début de concert — ou produit d’une évolution artistique de la part de la violoncelliste ? Probablement un peu des deux.

Toujours est-il que cette approche à la fois pondérée et engagée permet de donner une grande densité émotionnelle à cette partition d’une noirceur sans issue, noirceur renforcée par le son très concentré du violoncelle de Weilerstein. Cette relative lenteur générale n’empêche pas le chef de pousser à l’occasion le tempo, notamment à l’approche des climax.

Ce côté « lenteur habitée » culmine dans la Symphonie no 7 de Dvořák. La mise en place est toutefois loin d’être parfaite, comme en témoignent plusieurs imprécisions lors d’échanges de motifs entre pupitres ou des entrées incertaines aux cordes. À entendre le niveau d’achèvement du concerto, la symphonie a peut-être reçu la portion congrue lors des répétitions.

Il faut quand même rendre à César ce qui lui revient. Dans le premier mouvement, le chef fait chanter chaque note, et ce, sans perdre la direction d’ensemble. Ce grand legato romantique atteint son sommet dans le mouvement lent, avec un deuxième thème d’une troublante beauté aux cors.

Les deux autres mouvements sont moins convaincants. Au troisième, il manque un soupçon de cette légèreté typique des scherzos, de même qu’une mise en relief de tous les petits motifs qui parcourent le morceau et qui passent parfois un tantinet « dans le beurre ». Quant au Finale, une petite coche de métronome de plus lui aurait conféré une plus grande urgence. Il suffit d’écouter ce qu’en font des chefs comme Antal Doráti ou Pierre Monteux pour entendre la différence.