Lancer une maison de disques en pleine pandémie ? Une idée moins casse-gueule qu’elle en a l’air, gracieuseté de deux artisans vétérans de la musique : l’imprésario Laurence Lebel — fille de Renée Martel — et le punk-rockeur Hugo Mudie, fondateur du Pouzza Fest.

« On dit que c’est une mauvaise période pour l’industrie de la musique, mais l’industrie n’est pas la musique. Il va toujours y avoir des musiciens qui ont de la musique à sortir et on veut les aider », lance Hugo Mudie, chanteur — entre autres — du mythique groupe punk montréalais The Sainte Catherines.

Fantasio Club, voilà le nom du nouveau label fondé par Laurence Lebel et Hugo Mudie. Lost Love est le premier groupe à rejoindre officiellement ses rangs. Sans compter une formation rap qui fera un grand retour après des années d’absence, mais dont on ne peut pas encore dévoiler le nom.

Fantasio Club fait partie de la boîte Artifice, dont Laurence Lebel est la directrice générale. Artifice vient par ailleurs de signer une entente de distribution avec la multinationale Warner Music.

« Un beau carré de sable », s’enthousiasme Laurence Lebel.

Fondée par Alexandre Pouliot il y a une dizaine d’années, Artifice est à la fois une boîte de gérance, une agence de promotion radio et une maison de disques avec trois filières, soit Artifice (Automat, Jeffrey Piton), Rozaire (Kinkead, Félixe) et maintenant Fantasio Club.

Fort heureusement, la pandémie n’a pas trop chamboulé les affaires d’Artifice. La boîte s’est concentrée sur le pistage radio, souligne sa directrice générale.

Un label familial

Fille de la chanteuse country Renée Martel, Laurence Lebel a grandi dans la musique et elle a travaillé notamment chez Audiogram et la Maison Fauve. Quand elle a rejoint les rangs d’Artifice en avril 2020, elle était déjà l’imprésario de Foisy et d’Hugo Mudie.

Quand ce dernier lui a lancé l’idée de créer un nouveau label, Laurence Lebel a proposé à Alexandre Pouliot que ce soit au sein d’Artifice, et l’idée lui a plu.

Hugo Mudie se chargera de la découverte et du mentorat de nouveaux artistes (du « A & R », comme on dit dans l’industrie), mais pas des tâches administratives. « Ce partenariat avec Artifice est l’idéal. J’aime lancer des albums et accompagner les artistes. Mais je n’aime pas la business », lance celui qui n’a jamais eu la langue dans sa poche.

C’est ce mantra qui le convainc que son projet de maison de disques est prometteur. « Peu importe comment va l’industrie, les gens vont toujours écouter beaucoup de musique. »

Avec la vague de dénonciations qui a déferlé sur la scène musicale québécoise l’été dernier, les deux fondateurs de Fantasio Club veulent mettre le bien-être de l’artiste au centre des prises de décisions.

Anyway, en 2021, on ne travaille plus à vendre des disques. On travaille à s’occuper d’un artiste.

Hugo Mudie

L’écoute en ligne a changé les règles du jeu, poursuit Laurence Lebel. « Dans les dernières années, il y a eu beaucoup de changements qui ont fait en sorte que les maisons de disques ont dû développer d’autres sphères pour se sortir la tête de l’eau en offrant des contrats 360. Dans toute cette restructuration, on a mis les artistes de côté au profit des chiffres, détaille-t-elle. Il ne faut pas oublier que le filon principal, c’est l’humain derrière l’artiste et qu’il faut en prendre soin. »

« Il faut de l’amour pour lancer un album »

Trop souvent dans sa carrière, se désole Hugo Mudie, il a vu des labels lancer des albums sans trop de conviction. « Il faut des efforts et de l’amour pour lancer un album. On ne peut pas juste le crisser dans l’eau et voir s’il remonte à la surface. »

Pour les futurs artistes de Fantasio Club, Hugo Mudie se voit même comme un « grand frère ».

Il a par ailleurs réalisé les deux premiers albums du premier groupe officiel de Fantasio Club, Lost Love (anciennement sur Stomp Records). « Mon lien avec le groupe est presque familial. C’est ce qu’on veut, par ailleurs. Créer une ambiance familiale. Mais une vraie ! »

Peindre des patins de stars du hockey

Si Hugo Mudie dit ne pas apprécier les tâches administratives, il en mène somme toute assez large dans l’industrie de la musique. On l’oublie, mais il a notamment cofondé le label Dare To Care Records avant de le quitter pour se consacrer à son groupe The Sainte Catherines (qui a obtenu un contrat avec Fat Wreck Chords aux États-Unis).

Hugo Mudie est aussi derrière le Pouzza Fest. Il vient de l’école punk DIY (Do-It-Yourself). « Je ne suis pas un spectateur, dit-il. Je fais exister les choses… »

Hugo Mudie est également peintre à ses heures. Vous l’avez peut-être vu exécuter en direct plusieurs tableaux représentant l’actualité sportive à l’émission de Jean-Charles Lavoie sur les ondes de TVA Sports.

En janvier 2020, la célèbre marque de hockey CCM lui a demandé de peindre des patins offerts à Connor McDavid (Oilers d’Edmonton) et à Artemi Panarin (Rangers de New York) pour leur sélection au match des Étoiles de la Ligue nationale de hockey.

« Faire exister les choses », disait Hugo Mudie.