Comme le retour du public en salle n’est pas pour demain, les mélomanes peuvent, en attendant, tirer profit d’une offre numérique qui, ici et ailleurs, ne fait que gagner en qualité et en quantité. Les passionnés de violon et de musique de chambre ont la main heureuse en ce début d’année grâce à la société de concert Pro Musica de Montréal qui, dans le cadre de sa série Cartes blanches, propose un récital payant mettant en vedette le violoniste Kerson Leong et la pianiste Pamela Reimer. La vidéo est accessible sur le site web de l’organisme jusqu’au 24 janvier.

Si certains diffuseurs optent pour le direct, avec tous les risques que cela comporte (mais aussi une irremplaçable spontanéité), de plus en plus se tournent vers le différé, permettant d’offrir un produit souvent mieux ficelé. Le concert du duo Leong-Reimer a pour sa part été enregistré au Domaine Bavarois de Dunham, construction en bois à l’acoustique chaleureuse, mais qui bénéficierait d’un léger surplus de réverbération. Le violoniste, qu’on apprend à mieux connaître en début de programme avec une sympathique entrevue à bâtons rompus, est souvent filmé de très près, contribuant à nous faire entrer dans l’intensité de son jeu.

PHOTO FOURNIE PAR LAURENCE GRANDBOIS BERNARD

Le violoniste Kerson Leong

Le programme comprend deux grandes sonates romantiques créées à peu près en même temps en 1887-1888 : la Troisième sonate pour violon et piano d’Edvard Grieg et la Troisième sonate pour violon et piano de Johannes Brahms.

Probablement le meilleur jeune violoniste canadien du moment — avec peut-être Blake Pouliot —, l’Ottavien Kerson Leong s’est notamment fait connaître par sa victoire à la section junior du prestigieux Concours Yehudi-Menuhin.

Il est vraiment agréable de voir son évolution des dernières années. Nous avons maintenant affaire à un vrai artiste qui propose des interprétations personnelles et bien senties.

Les graves amples qu’il tire de son Guarneri font florès dans Grieg, alors que le Brahms nous permet davantage d’entendre la ductilité de sa chanterelle (corde aiguë). La qualité du vibrato, subtilement modulé à chaque instant pour épouser les différents affects de la partition, est également à souligner, en plus de remarquables effets flautando (imitation du son de la flûte) dans le premier mouvement du Grieg.

PHOTO FOURNIE PAR LAURENCE GRANDBOIS BERNARD

La pianiste Pamela Reimer

Sur le plan musical, on admire le tempérament de Leong, qui fait preuve de beaucoup d’engagement tout au long du concert. On a toutefois souvent l’impression qu’il traîne sa partenaire, qui n’a pas le même degré de présence, dans un « ping-pong » musical où phrases et motifs doivent s’échanger du tac au tac.

Nous avons également quelques réserves quant au caractère donné à certains morceaux. Le premier mouvement de la Sonate de Grieg n’est pas tellement « passionné », comme le demande le compositeur. Idem dans le dernier mouvement de la Sonate de Brahms, qui aurait pu être davantage « agité ». Cela dit, il s’agit d’un concert qui vaut amplement le détour en attendant la réouverture des salles de concert.