(Scranton) Visible de loin avec ses boucles d’oreille clignotantes et son manteau à paillettes, Charity Valente participe à sa première rave au volant à Scranton, en Pennsylvanie : une soirée électro où le public est en voiture, pandémie oblige.

« Ça fait sept mois que nous attendons le retour des concerts en direct », souligne Mme Valente, qui a roulé quatre heures depuis Pittsburgh pour voir le groupe de « trance » américain Disco Biscuits.

Sur une butte reculée de Scranton, surnommée « la ville électrique », car les premiers tramways à électricité américains y sont apparus au 19e siècle, plus d’une centaine de voitures s’alignent en rang d’oignons, phares avant dirigés vers la scène où trônent deux écrans géants.

« Nous pensons que c’est la manière la plus sûre pour les gens de se rassembler et d’écouter de la musique » en période de pandémie, affirme à l’AFP Donnie Estopinal. Il organise depuis mai une série de raves au volant dans plusieurs États, du Texas à la Caroline du Sud en passant par la Floride.

DJ ou groupe, fréquence radio dédiée, scènes multiples, feu d’artifice, chaque rave a ses spécificités, mais un élément reste immuable : des fêtards dans leur automobile ou juste à côté.

La tendance est née en Allemagne, où face à la fermeture des discothèques et l’annulation des festivals, les premières raves en voiture ont fait leur apparition dès avril.

Le « drive-in » étant un classique de la culture américaine, le concept n’a eu aucun mal à s’imposer rapidement chez les amateurs de musique électronique aux États-Unis avec des soirées organisées dans une quinzaine d’États depuis le printemps. En moyenne, les évènements réunissent entre 150 à 450 voitures, et jusqu’à 2500 personnes.

Danse à distance

PHOTO KENA BETANCUR, AGENCE FRANCE-PRESSE

Sur une butte reculée de Scranton, plus d’une centaine de voitures s’alignent en rang d’oignons, phares avant dirigés vers la scène où trônent deux écrans géants.

Dylan Star, qui pratique des postures de yoga près de sa Toyota blanche de location avant le début des festivités, aime disposer de « son propre espace » pour danser.

L’achat d’un billet, dont le prix oscille entre 100 et 300 dollars par véhicule, garantit une place de stationnement ainsi qu’une zone de quelques mètres délimitée par des barrières métalliques pour faire la fête, à distance les uns des autres.

Afin d’éviter files d’attente et risques de contamination, en lieu et place d’un bar, des voiturettes de golf filent entre les allées faiblement éclairées distribuant bières et cocktails aux raveurs.

L’expérience n’est pas accessible à toutes les bourses, mais pour beaucoup le sacrifice financier se justifie.

« Pouvoir écouter de la musique en direct pour la première fois depuis le début du confinement m’apporte tellement de joie, cela aura un effet durable sur ma santé mentale », explique Claire Gibson, 26 ans, pendant que ses deux amies se trémoussent.

La jeune femme aux cheveux roses qui souffre de diabète de type 1, ce qui la rend plus vulnérable aux formes graves de la maladie du coronavirus, était « nerveuse » à l’idée de venir à la soirée.

Elle entend rester dans son carré, même si elle connaît beaucoup de personnes présentes, et profiter du système de livraison d’alcool.

« Mieux que rien »

PHOTO KENA BETANCUR, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les spectateurs aiment le fait qu’ils disposent de leur propre espace pour danser.

« Les gens sont très respectueux et suivent les consignes », note Tiffany Griffiths qui agite pourtant sa cape lumineuse aux couleurs arc-en-ciel entre les allées.

Elle risque de se faire interpeller à tout moment par la poignée d’agents de sécurité, chargés de vérifier que chacun reste à son emplacement, masque sur le visage.

« Il faut leur répéter de mettre leur masque. Encore et encore et encore. Et à la fin ils écoutent », déplore Tom Bohnemberger, gilet fluo sur le dos qui patrouille avec un collègue.

« Nous n’avons eu aucun cas de contamination à la COVID-19 signalé pendant l’un de nos évènements », assure de son côté Steve Masterson, organisateur de la rave de Scranton, qui dit suivre toutes les mesures sanitaires décrétées par les autorités locales.

Même si certains ont besoin d’un rappel à l’ordre, la plupart des noctambules suivent l’exemple de Claire, se dandinant sur le plateau de leur pick-up ou agitant en rythme des bâtons fluorescents à proximité de leur véhicule.

« Ce n’est pas une vraie expérience de concert », lance sceptique John Warner, directeur de la boutique de produits dérivés du groupe Disco Biscuits. « Mais ça nous permet d’être là et de travailler. C’est mieux que rien ».

« Je ne pense pas que cette mode va durer, sauf si le virus perdure », abonde Tiffany Griffiths. « Nous voulons pouvoir retourner à des festivals », s’exclame-t-elle.