Soul, gospel et même un peu de funk, Currency Of Man, album de Melody Gardot paru en 2016, tranchait avec la manière douce qu’on lui connaissait jusqu’alors. Ce n’était qu’un pas de côté. Sur Sunset In the Blue, elle renoue avec les ambiances satinées.

Sa vie, Melody Gardot la mène d’ordinaire dans le mouvement incessant des tournées : bus, avions, trains. « Sauf cette année », souligne-t-elle au bout du fil, depuis le Portugal, où elle prépare « de belles choses » pour accompagner la sortie de son nouveau disque, Sunset in the Blue.

Elle sait qu’elle ne pourra pas reprendre la route pour présenter ses nouvelles chansons, mais elle aborde les choses avec philosophie. « Je ne me sens pas le droit d’être égoïste », dit-elle. Elle s’inquiète plutôt des effets durables du manque de contact et de câlins qui sont si essentiels aux humains.

Établie en France depuis quelques années, la chanteuse américaine n’est pas restée à rien faire durant la première vague. En plus de travailler à Sunset in the Blue, elle a notamment rallié un orchestre virtuel pour enregistrer une chanson (From Paris With Love) au profit du personnel soignant. C’était sa façon de donner aussi un coup de pouce aux musiciens privés de travail.

Melody Gardot n’a pas vécu le confinement du printemps comme tout le monde. « J’ai eu un grave accident [de vélo] à 19 ans et j’ai été confinée dans mon corps, ce qui était pire que de l’être à la maison, réfléchit-elle. Ce n’était pas comme si je pouvais sortir me balader avec un masque : j’étais au milieu de nulle part à tourner dans un lit. Ça me donne une perspective différente sur les choses. »

Renouer avec le silence

Sunset in the Blue n’est pas un album de pandémie, même si certains choix ont été plus ou moins consciemment influencés par le contexte global, indique la chanteuse. Elle se rappelle notamment avoir trouvé les premiers mixages des chansons « un peu dark ». « J’ai dit que ça manquait de soleil », souligne-t-elle.

Extrait de Sunset in the Blue

0:00
 
0:00
 

Ce qui a le plus orienté la direction musicale de ce disque doux et chaleureux, c’est toutefois la série de concerts qui a donné lieu à l’album Live in Europe (2018). « Il n’y avait presque pas de batterie. On a fait des concerts si intimes qu’on pouvait presque entendre le silence entre les mots », se rappelle-t-elle.

Je suis écrivain, poète à la base. Je ne sais pas comment je me suis retrouvée en musique. C’est vraiment le hasard de la musicothérapie.

Melody Gardot

Se réapproprier le silence lui a fait le plus grand bien. Deux années durant, dans la foulée de Currency of Man, Melody Gardot avait joué avec une douzaine de musiciens pour donner vie à ce disque soul, qui flirtait même avec le funk. « Je suis montée sur scène sans canne pour la première fois avec ce spectacle. J’étais forte, je me suis battue contre moi-même », raconte-t-elle.

« Après cet effort, j’ai eu besoin de me détendre. De retrouver le côté féminin, sensuel, easy, à la Julie London », poursuit-elle. Elle a notamment renoué pour ce faire avec l’arrangeur Vince Mendoza, qui était de son premier disque, My One and Only Thrill, mais aussi avec d’autres proches parents sur le plan musical comme Madeleine Peyroux et Diana Krall.

Comme choisir un vêtement

Ses orchestrations élégantes enluminent les chansons bleutées de Melody Gardot qui fait souvent glisser son jazz moelleux vers les musiques brésiliennes. « Je me mets au service de la chanson, dit la chanteuse, qui se considère avant tout auteure. La chanson doit être habillée avec un certain style de vêtement. »

Pour moi, la décision de les faire soit au piano, soit à la guitare, c’est aussi simple que de dire : aujourd’hui, je mets un jeans ou une jupe. C’est juste un feeling. Ça ne change pas la femme, ça ne change pas la personne. C’est une question de stylisme.

Melody Gardot

Et si elle avait le goût « du velours et du satin » pour Sunset in the Blue, Melody Gardot assure que plusieurs des choix esthétiques qu’elle fait s’imposent d’eux-mêmes. L’accident de vélo qu’elle a vécu plus jeune a laissé des séquelles importantes qui la rendent notamment hypersensible à la lumière et aux sons.

IMAGE FOURNIE PAR UNIVERSAL MUSIC

Sunshine in the Blue, de Melody Gardot

Ça explique les lunettes noires qu’elle arbore, mais aussi les éclairages de ses concerts et plusieurs de ses choix musicaux. Elle ne supporte pas qu’un batteur utilise des baguettes, alors les balais s’imposent, tout comme la sourdine pour la trompette…

« C’est un handicap : mon cerveau et mon système neurologique ont été très affectés et c’est encore le cas. Je n’aime pas certaines choses parce qu’elles me rendent inconfortable et me font presque mal, explique-t-elle. Je n’ai pas choisi d’être comme ci ou comme ça, c’est ma manière de voir le monde. »

Jazz. Melody Gardot. Sunset in the Blue. Sortie le 23 octobre.