Vendredi dernier paraissait le premier album du groupe féminin le plus populaire de l’heure : Blackpink, supervedettes de la musique K-pop. Intitulé sobrement The Album, il se démarque déjà, fracassant des records de ventes et s’attirant les éloges. Petit guide pour mieux comprendre le phénomène Blackpink.

La formation du groupe

Blackpink, ce sont les Sud-Coréennes Jennie et Jisoo, la Thaïlandaise Lisa et la Néo-Zélandaise Rosé. Blackpink, c’est aussi YG Entertainment, l’une des maisons de disque les plus influentes dans le milieu de la musique K-pop (pour Korean Pop) en Corée du Sud. Comme plusieurs groupes de K-pop, le quatuor a été formé par le label, qui recrute des artistes sous son aile (ils deviennent alors des trainees), grâce à des auditions, afin de propulser leur carrière, souvent en les réunissant au sein de groupes. Avant d’être présentées au public, les recrues suivent de rigoureuses formations en chant et en danse. Ainsi, l’une des membres, Jennie, 24 ans, est restée trainee pendant près de six ans avant que YG ne crée Blackpink. Lisa (23 ans) et Jisoo (25 ans) ont ensuite été recrutées. Rosé, 23 ans, dernière à intégrer la maison de disque, a été trainee de 2012 à 2016, année où YG Entertainment a finalement formé le groupe Blackpink. Après une habile campagne de YG, Blackpink est débarqué en force à l’été 2016. Dès la parution de ses premiers extraits, Boombayah et Whistle, quelques semaines après sa formation, le groupe s’est classé au sommet du classement numérique mondial de Billboard.

Extrait de Boombayah

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Le style Blackpink : pop explosive

On trouve dans les entraînantes chansons de Blackpink un savant mélange de pop et de hip-hop. Les paroles sont en coréen et en anglais, mais les membres ont toujours mis de l’avant le fait qu’au-delà de la langue, leur musique et leur énergie traversent les frontières. Lisa, première recrue thaïlandaise de YG Entertainment, a dû apprendre le coréen lorsqu’elle s’est jointe à la boîte. Rosé, qui a grandi en Australie et a la double nationalité néo-zélandaise et sud-coréenne, est parfaitement bilingue. Chaque membre du groupe a sa spécialité : Jisoo est la chanteuse principale, tandis que Jennie, la rappeuse du groupe, récite au moins quelques phrases dans toutes les chansons. Rosé est également l’une des chanteuses que l’on entend le plus (c’est même la chanteuse principale, selon certains) et Lisa rappe, chante et est considérée comme la meilleure danseuse du quatuor. Parlant de danse, l’une des caractéristiques de la plupart des artistes K-Pop, à laquelle Blackpink ne fait pas exception, est l’importance accordée aux chorégraphies. Ainsi, dans ses vidéoclips comme sur scène, le groupe aligne d’impressionnants pas de danse sur des chansons généralement très rythmées, toujours avec une énergie débordante.

Extrait d’Ice Cream (avec Selena Gomez)

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L’arrivée en territoire américain

PHOTO AMY HARRIS, ARCHIVES INVISION/ASSOCIATED PRESS

Le groupe Blackpink (de gauche à droite : Lisa, Jennie, Rosé et Jisoo) en spectacle au festival Coachella, en avril 2019

Si sa popularité en Occident n’a pas tardé, le quatuor ne s’est pas tout de suite lancé à la conquête du monde. En 2019, pour ses débuts sur le sol américain, Blackpink est monté sur les scènes du Showcase des prix Grammy, de Good Morning America, du Late Late Show de James Corden et du Late Show de Stephen Colbert. Les chanteuses ont également figuré sur la couverture du magazine Billboard (une couverture groupée et quatre couvertures individuelles) et ont annoncé une tournée qui s’arrêterait notamment en Amérique du Nord. Juste avant, Blackpink avait fait savoir qu’il participerait au festival Coachella au printemps, une première pour un groupe féminin de K-pop et un moment crucial pour son ascension dans le marché occidental. La performance, impressionnante, a été très appréciée. La montée en popularité du groupe dans le monde a également propulsé ses membres au rang de muses de la mode. Blackpink a souvent collaboré avec des marques, puis, en 2019, Rosé est devenue l’une des égéries de Saint Laurent, tandis que Jisoo devenait l’un des visages de Dior. Jennie est ambassadrice de Chanel et Lisa, de la marque Céline. À l’occasion de la sortie de son premier album, Blackpink est en couverture de l’édition américaine du magazine de mode Elle.

Extrait de Kill This Love

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Une pile de records

La chanson How You Like That, parue l’été dernier comme premier extrait de l’album, a obtenu le record du vidéoclip le plus regardé sur YouTube pendant les 24 premières heures après sa sortie, avec 86,3 millions de visionnements. La chanson a ensuite été couronnée chanson de l’été aux Video Music Awards. Le vidéoclip de la pièce Ddu-Du Ddu-Du est devenu le premier d’un groupe de K-Pop à accumuler 1 milliard de visionnements. Blackpink est le groupe féminin le plus suivi sur Spotify et le groupe avec le plus d’abonnés sur YouTube (50,2 millions). Les fans de Blackpink (et de K-pop en général) sont nombreux et déterminés. Ainsi, les campagnes pour faire passer une chanson au sommet des classements ou battre des records de visionnements sont fréquentes. Les BLINK, « l’armée » d’admirateurs de Blackpink, ne manquent jamais une occasion de classer un mot-clic dans les palmarès Twitter ou d’élever leurs idoles parmi les artistes les plus écoutés de l’heure. Récemment, ces mêmes admirateurs ont d’ailleurs été les premiers à se porter à la défense de Blackpink, en demandant que le groupe quitte sa maison de disque, YG Entertainment. Pourquoi ? Il semblerait que YG ne gère pas la carrière de son groupe adéquatement (trop peu de sorties de nouvelle musique et trop peu de promotion), ce que certains associent à du sexisme. L’étiquette a également baigné dans un scandale de prostitution et de drogue récemment, ce qui n’a pas aidé la cause.

Extrait de How You Like That

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Après quatre ans, enfin

Après plusieurs mini-albums et pièces, chacun chaque fois plus populaire que le précédent, Blackpink a finalement annoncé la sortie de son premier album l’été dernier. Depuis 2018, le groupe collabore avec plusieurs artistes, d’abord Dua Lipa (Kiss and Make Up), puis Lady Gaga, sur Sour Candy, qui figure sur son album Chromatica sorti plus tôt cette année (et qui est désormais la chanson de Blackpink la mieux classée aux États-Unis). Toujours cette année, le titre Ice Cream, avec Selena Gomez, est également devenu un succès instantané. La chanson figure sur le premier album du groupe, tout comme Bet You Wanna, avec Cardi B. The Album, dont la pochette affiche une couronne rose sur fond noir, a été produit pendant la pandémie, puisque le groupe n’a pas pu poursuivre sa tournée, selon une récente entrevue donnée à l’animateur de radio Zane Lowe pour Apple Music. La sortie de l’opus, déjà très anticipée, a bénéficié d’une campagne de promotion très étendue. Et la réception de The Album a été à la hauteur des efforts déployés, la critique étant généralement très élogieuse envers ce premier album entre pop, hip-pop et musique EDM.

Extrait de Bet You Wanna

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Un album « efficace »

IMAGE FOURNIE PAR UNIVERSAL CANADA

The Album, de Blackpink

The Album est un concentré (de seulement 24 minutes) de musique pop entraînante influencée par le hip-hop. En huit chansons seulement, Blackpink propose un album qui contient tout ce que le monde de la musique K-pop a de plus efficace à offrir en ce moment. « Efficace », ici, signifie qu’aucune chanson de cet album ne déplaît. La galette est même efficace dans sa longueur, puisqu’elle se consomme rapidement (ce qui, à notre époque, est souvent considéré comme un avantage). Quelques morceaux de plus auraient probablement provoqué une certaine lourdeur tant les chansons sont chargées. Le mélange des genres, caractéristique que la K-pop met toujours de l’avant et maîtrise, réussit particulièrement bien à cet album dont les chansons vont jusqu’à tremper l’orteil dans l’EDM et le pop-rock. Elles sont concoctées avec précision pour que l’amateur de ce style musical ne puisse jamais être déçu. Il y a les couplets, entraînants à souhait, puis les refrains, des bombes dansantes à tous les coups, le tout en coréen et en anglais. Le grand défaut de cet album réside d’ailleurs dans les paroles, que beaucoup ne comprendront qu’à moitié, mais qui, si on s’y attarde, manquent un peu de substance — les admirateurs dévoués du groupe se sont très rapidement attelés à la traduction. Il est faux de penser que la pop doit toujours rimer avec simplicité dans le message et répétition dans les mots. Ce ne sont pas les pires textes que le genre ait offerts (Lovesick Girls parle, par exemple, de la classique question de la recherche de l’amour, tandis que la ballade You Never Know lance un joli appel à l’empathie). Somme toute, les points forts prennent le dessus sur ces quelques faiblesses : l’amalgame des quatre voix, le tempo toujours convaincant et les productions qui tapent chaque fois dans le mille font de The Album une réussite.