La pandémie joue de vilains tours à Dakka Dembélé. Le jour où tout s’est arrêté, le 13 mars, il était prêt à lancer son premier album québécois, Petit bateau. « Ça m’a frappé fort, c’est sûr », reconnaît le reggaeman d’origine ivoirienne. Sept mois plus tard, plus prêt que jamais à offrir ses nouvelles chansons dans le cadre du Festival international Nuits d’Afrique, il retrouvera enfin la scène… mais pas le public.

Faire de la musique, pour Dakka Dembélé, c’est d’abord oser. « Chez nous, on ne chante pas », dit-il à propos de sa famille. Le chanteur ivoirien n’est pas issu d’une lignée de griots, ces conteurs et musiciens considérés comme les dépositaires de la tradition orale en Afrique de l’Ouest. « Ç’a été dur, raconte-t-il, mais je l’ai fait. »

Happé par le reggae dans sa jeunesse — il rend d’ailleurs hommage à Alpha Blondy dans une chanson —, il a senti que ça pouvait être sa façon à lui d’avoir une voix. « Je bégaie un peu et je n’arrivais pas à m’exprimer correctement en face des amis. Alors je me suis mis à écrire. Chanter, c’est le rôle que j’ai pris, aussi, parce que j’ai un tempérament de leader », fait-il valoir.

Dakka Dembélé raconte avoir commencé sa carrière de musicien en duo avec un « frère » avec qui il a formé un groupe baptisé Dakka-Gounga. Ensemble, ils ont même fait un disque en Côte d’Ivoire. Une crise politico-militaire leur a coupé l’herbe sous le pied. Petit bateau, c’est donc un nouveau départ pour le chanteur, installé au Québec depuis 2007.

Qu’il chante en français, en bambara ou en dioula, le reggaeman se veut un porte-voix des gens « qui galèrent », comme il dit. « Je ne suis pas allé loin à l’école, mais je constate les choses. Je vois que les peuples africains souffrent. Même après la colonisation et l’esclavage », observe-t-il.

« Le reggae, c’est une musique de révolution et moi, j’essaie de lancer des messages, poursuit-il, en maniant une chaussure qui sent la colle dans la cordonnerie qu’il tient sur la Plaza Saint-Hubert. En jouant du reggae, je suis plus à l’aise de lancer des messages, de chercher à sensibiliser les gens. »

Traversée périlleuse

Il appelle à la mobilisation de la jeunesse. Il parle de ses expériences de vie, en Côte d’Ivoire et ici. Et il met en garde. Petit bateau, chanson qui donne son titre à l’album, parle en effet des périls auxquels s’exposent les migrants qui tentent de traverser la Méditerranée sur des embarcations de fortune, sans gilet de sauvetage.

Il est de sa responsabilité, dit-il, de chanter ce que d’autres ne peuvent pas dire tout haut.

Le reggae donne une voix aux gens qui ne peuvent pas ou n’arrivent pas à s’exprimer. Comme reggaemen, on porte la voix de ces gens-là, et ils se reconnaissent en nous.

Dakka Dembélé

Sa voix forte, il la pose sur des musiques à la rythmique impeccable et implacable, parfois imbibée de rock. Il revendique toutefois son appartenance à un courant reggae profondément africain. « On chante dans nos langues, dans nos dialectes, fait-il valoir, et on intègre des sonorités mandingues. »

Dakka Dembélé n’a offert qu’une prestation sur Facebook depuis le début de la pandémie. Il piaffait d’enthousiasme à l’idée d’enfin jouer toutes ses nouvelles chansons devant un public. Il souhaitait faire les choses en grand, avait des invités surprises. Le baptême de son nouvel album aura lieu dans le cadre de Nuits d’Afrique. Pour la communion avec le public, il devra patienter encore un peu…

Nuits d’Afrique sur l’internet

Contraint d’annuler la majorité de ses spectacles, le Festival international Nuits d’Afrique maintient ceux qui devaient être captés puis retransmis plus tard sur sa page Facebook. En plus de Dakka Dembélé (qui sera finalement diffusé le 5 novembre dans un programme double avec Nomadic Massive), l’organisation propose : Mateo et Wesli (8 octobre), Naxx Bitota et Ilam (15 octobre), Bantu Salsa et Ayrad (22 octobre), ainsi que Zal Sissokho et le Gypsy Kumbia Orchestra (le 29 octobre). Les retransmissions débutent toutes à 20 h.

> Consultez le site du festival Nuits d’Afrique