Il n’est pas connu du grand public, mais Alex McMahon s’est taillé depuis près de 20 ans une place enviable dans le milieu de la musique, tant comme musicien que comme réalisateur. Celui qui a travaillé entre autres avec Louis-Jean Cormier, Ariane Moffatt, Catherine Major et Radio Radio lance aujourd’hui pour la première fois un album à son nom, Expat, tiré de la série du même nom. Rencontre avec un artiste aux multiples facettes pour qui la musique est une affaire d’équipe.

Dans l’ombre

Accompagnateur et réalisateur très recherché, Alex McMahon n’a jamais rêvé d’être sur le devant de la scène. « Je sais c’est quoi être un front, je travaille avec ça depuis toujours, et je doute que j’en sois un. Il faut que tu aies envie de communiquer beaucoup… Que ça te gratte. Fort. Ça prend du charisme et de l’énergie, et je n’ai peut-être pas ça au fond de moi. » Même s’il a hérité de la « bonne plume » de son père, le musicien ne se sent pas pour autant une âme d’auteur-compositeur-interprète. « Pas que je sache. Et si un jour je vais là, je ne dis pas non, j’ai tellement de respect et de fascination pour ce métier, ce ne sera pas improvisé. » Il apprécie surtout la liberté que lui procure son relatif anonymat, tant dans le travail que dans le « service après vente ». « Les artistes viennent me voir pour que je sois libre dans leur musique, et je ne suis pas celui qu’on reconnaît dans la rue ou qui se fait écrire des bêtises. J’ai le beau jeu. »

Collaborer

Dans la vie d’Alex McMahon, la musique se fait nécessairement à plusieurs. « Des Petits Chanteurs de Trois-Rivières, quand j’étais petit, jusqu’aux bands, je trouve que la musique, ça se fait mieux à plusieurs cerveaux. Tout seul, tu tournes en rond, alors qu’en groupe ça devient du 3D. Même comme réalisateur, je suis le genre à m’entourer pour pouvoir donner le ballon à quelqu’un d’autre : j’ai avancé de 50 verges, aide-moi à faire le reste. » Avec les années, ses collègues et collaborateurs sont devenus ses « bests », ajoute-t-il. « On devient tellement intimes dans la proximité de la création. Je ne me rappelle pas une fois où ça n’a pas fini en fusion et en amitié. » Normal, donc, qu’il ait eu envie de travailler avec plein de gens lorsque le projet d’Expat est arrivé. « J’ai besoin de l’apport des autres. »

L’album

Expat, c’est la trame sonore qu’Alex McMahon a composée pour la série diffusée sur Casa, qui portait sur des Québécois vivant à l’étranger. « Le réalisateur Jean-Philippe Pariseau m’a donné carte blanche. On s’est entendus pour des vibes, et comme il voulait des chansons, il m’a dit : “Invite tes chums à chanter.” Pour lui, c’était simple de même ! Alors, c’est un peu de sa faute, il m’a fait confiance et m’a lancé un défi sans le savoir. » Alex McMahon a fait ce qu’il aime le plus et s’est enfermé en studio avec trois potes musiciens, Jean-François Lemieux, Jean-Sébastien Chouinard et Maxime Bellavance. « Ç’a été une journée payante, une bonne pêche. » Il a ensuite sollicité des chanteurs — Alan Prater des Brooks, Eman d’Alaclair, La Bronze et Gaële entre autres —, fait des « casts » entre les instrumentaux et des artistes, les a aiguillés sur le thème du voyage pour les textes. « Ça a donné une super trame sonore. Après, je me suis dit : c’est trop bon, je veux pouvoir me péter les bretelles et sortir ça dans le monde. Il y a un concept dedans, je trouve qu’il se tient et qu’il pouvait avoir une vie. »

Extrait de Why You Gotta, d’Alex McMahon avec la collaboration d’Alan Prater

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Le compositeur

Formé comme musicien — il est pianiste et batteur, mais « bien piètre guitariste » —, arrangeur, réalisateur et souvent chef d’orchestre à la télé, Alex McMahon laisse de plus en plus émerger le compositeur en lui. « Je suis dans ma confirmation », opine-t-il. « La compo est venue en dernier, même si ça fait longtemps que je fais de la musique à l’image. Les chanteurs avec qui je travaille, quand ça se prête, j’essaie de m’impliquer, s’il leur manque un bout de toune, je leur offre des idées. Avec Beyries, sur son deuxième album qui va sortir bientôt, il y a deux musiques qu’on cosigne. »

IMAGE FOURNIE PAR DUPRINCE

Expat, d’Alex McMahon

Le réalisateur

Sacré réalisateur de l’année à l’ADISQ en 2008 pour Rose sang, de Catherine Major, Alex McMahon, qui travaille en ce moment sur le prochain Patrice Michaud, adore ce boulot. « J’aime être témoin de la naissance des tounes. Comme une sage-femme : tu aides quelqu’un à accoucher de sa chanson. Arriver le matin avec une vague idée, et le soir repartir crinqué après que ça a pris forme, ce high, c’est la grosse paye, beaucoup de satisfaction. » Quelle est sa force comme réalisateur ? « J’ai une grande sensibilité et je pense que je suis capable de voir où les gens veulent en venir, stylistiquement, dans les arrangements, la vibe musicale. Ils doivent aimer l’énergie que j’insuffle aussi. Je fais de la musique depuis toujours parce que j’aime ça quand ça groove. » Il est souvent admiratif du travail des autres — « Des fois, je me dis : comment ça se fait qu’il est bon de même ? Fait ben chier ! » —, et il y a derrière chaque réalisation la satisfaction du travail accompli. « Un réalisateur ne doit pas trop se faire entendre. Il faut faire briller l’autre avec tes moyens, il faut qu’il shine. Moi je ne veux pas shiner, je veux juste m’amuser. »

Pop alternative. Expat, d’Alex McMahon. DuPrince.