Le prolifique Navet Confit a lancé vendredi pas moins de 10 albums de matériel inédit, fruit d’un travail de recherche dans ses archives personnelles effectué pendant le confinement. Nous avons rencontré le musicien aux multiples talents dans son studio du quartier Rosemont.

En marchant dans les corridors des studios Dandurand, on peut entendre les échos d’une batterie d’un côté, d’une trompette de l’autre. Navet Confit – Jean-Philippe Fréchette de son vrai nom – nous le confirme : la vie musicale a repris depuis quelque temps dans ce lieu qui a été déserté pendant plusieurs mois.

« C’était mort alors que d’habitude, c’est le moment le plus occupé de l’année, juste avant les Francos. Mais là, il y a des spectacles qui se répètent pour de petites salles ou pour des cinéparcs, des préproductions d’albums, des balados qui s’enregistrent. »

Et lui, dans son petit studio, qui est devenu avec les années son « principal instrument », a terminé un travail de fouille qu’il avait entrepris depuis un bout de temps, et qui lui permet de lancer ces 10 albums séparés par thèmes : trois autour de son travail pour le théâtre, dont les pièces Nyotaimori et Yukonstyle de Sarah Berthiaume, trois qui sont intitulés « Nostalgie Incubateur » et qui réunissent des maquettes qui dormaient dans son ordi, et des curiosités, par exemple un album dance et un autre de reprises, où il chante du Renée Claude ou du Elton John.

« Si j’ai autant de matériel, c’est que comme je n’écris pas la musique, j’enregistre tout. » Et qu’il archive tout « de façon maniaque ». Bien sûr, en temps normal, il n’aurait jamais eu le temps de mener à terme aussi rapidement ce recensement qu’il avait déjà entrepris à temps perdu. Il aura fallu l’arrêt obligé de la pandémie pour qu’il passe à travers.

C’est qu’à cheval entre le monde du théâtre et celui de la musique, Navet Confit mène toujours plusieurs projets de front. En mars, il était en train de jouer dans Trip de Mathieu Quesnel à Espace libre lorsque tout a été arrêté. Dans ses plans, il y avait aussi une création de Lili Bélanger aux Écuries, des participations aux Francos et un séjour en France à l’automne pour lancer l’album de Ludo Pin qu’il a réalisé.

Ça m’aurait pris cinq ans réaliser ce projet sans le confinement ! Ça ne se pouvait pas de m’arrêter sur une période aussi longue. Je m’ennuie rapidement, j’ai toujours besoin de trouver un filon. Je ne suis pas quelqu’un d’hyperactif, mais dans mon cerveau, ça spinne.

Navet Confit

Après le choc de l’arrêt, l’arrangeur-réalisateur-interprète-compositeur-concepteur-mixeur en a aussi profité pour se reposer. Et il a fait des constats.

« Avec des collègues, on regardait nos agendas, on barrait des choses, on effaçait des affaires, pis on s’est mis à se demander comment on aurait réussi à faire tout ça ! C’est normal de se pousser à bout dans ce milieu. Mais mettre les freins aussi sec, ça te fait réaliser à quelle vitesse tu allais. »

Constrastes

Ce qui lui a le plus manqué pendant le confinement, ce n’est pas tant le travail que les rencontres humaines qui viennent nourrir la création. « Tout s’influence un peu. Tel moment avec un artiste de théâtre va inspirer ma façon de travailler sur un album. Ce n’est jamais en parallèle que ça se passe, c’est plutôt un grand bassin d’inspiration. »

Ces multiples sources se reflètent dans son travail et dans ces 10 albums, qui vont de l’électro au folk en passant par la musique ambiante « très dark » et le dance. « Je n’ai jamais fait de death metal ! », s’amuse Navet Confit. Mais à ses yeux, l’éclectisme est une manière d’être.

Pour moi, ce n’est pas un défaut, au contraire. J’aime les contrastes, le challenge que l’art peut donner, et je trouverais ça dommage d’être unidimensionnel. Tout ça est logique pour moi et peut cohabiter. Ce n’est pas schizophrénique : être humain, c’est être plein de choses.

Navet Confit

Malgré tout, il a eu quelques surprises en explorant son matériel, qu’il a observé avec un regard quasi extérieur. « C’était comme un voyage dans le temps ou feuilleter un album de photos. Je viens d’avoir 40 ans. Alors j’écoute le Navet de 20, de 30, de 40 ans, et je trouve ça drôle. Ridicule, juvénile, cute en même temps. »

C’est aussi avec un « sourire en coin » qu’il lance 10 albums en même temps. À une époque où les gens consomment les chansons à la pièce, disons que le geste est assez audacieux.

« Tu veux dire que c’est un suicide commercial ? » Il rit. « Je fais ça parce que je trouve ça drôle. Et j’ai la chance d’être avec un label, Lazy at Work, qui embarque là-dedans, comme il accepte que je me concentre plus sur le studio que sur la tournée. »

Navet Confit préfère depuis longtemps les happenings aux tournées. Pour lancer sa collection d’albums, il y aura ce lundi soir un évènement virtuel qu’il a intitulé Spectacle d’e l’internet spéci@al de Navet confit, un faux Facebook live préenregistré avec projections vidéos et traitement visuel « psychédélique et “fucké” », question de donner une valeur artistique tant au contenu qu’au contenant.

« J’ai voulu garder l’esprit de la perfo solo, avec guitare acoustique et piano. C’est tourné ici, dans le studio, c’est très simple, avec des écrans verts et d’autres affaires pour “blurer l’image. C’est un espèce de Facebook live pas live plus plus. »

On n’en attendait pas moins de lui. Mais maintenant que tout est terminé – « J’aime ça “closer” des projets, et ça, c’était un très gros projet ! » –, lui reste-t-il beaucoup d’archives à dépouiller ? « Oui ! »

« Il y a des choses que je pourrais encore sortir, d’autres que je n’ai pas envie de sortir. Particulièrement des textes qui vieillissent mal. C’est pour ça que les albums sont surtout instrumentraux, c’est plus facile à réécouter et à assumer. Alors ça fait partie des archives qui vont demeurer des archives. »

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