Le confinement a suscité chez plusieurs artistes de grandes remises en question. C’est le cas de l’humoriste Patrick Groulx, qui effectue aussi un petit retour à la musique en renouant avec son groupe Les Bas Blancs.

Au bout du fil, Patrick Groulx est fébrile. « Scuse, je parle beaucoup, hein ? », dit-il après plusieurs minutes en s’interrompant au milieu d’une réponse.

Si l’humoriste a profité de cette entrevue pour réfléchir tout haut et s’interroger sur son avenir, le but de l’appel était de parler de la sortie de sa Petite chanson de confinement, qu’il vient de lancer sur toutes les plateformes d’écoute avec son groupe Les Bas Blancs.

Cette berceuse rassurante, il l’avait d’abord offerte à la fin de mars en version guitare-voix sur sa page Facebook, où elle avait cartonné.

« Je regardais tout le monde qui allait au front, comme ma voisine Julie qui est infirmière, et je me sentais inutile. J’ai voulu leur rendre hommage, leur dire merci pour ce que vous faites et désolé de ne pas pouvoir vous aider plus que ça. Les réactions ont été très rapides, les gens se sont mis à se l’envoyer, j’ai eu au-dessus de 33 000 partages et 960 000 vues ! »

Depuis le début de la pandémie, Patrick Groulx est « hyper confiné » chez lui avec sa conjointe et leurs quatre enfants. Avec sa tournée interrompue — « On avait remis les shows à l’automne, mais là on est en train de probablement tout reporter à 2021, alors que tout mon temps avait été dégagé pour ça » — et ses tournages terminés, l’humoriste avoue qu’il éprouvait le grand besoin de s’occuper l’esprit.

Il a alors décidé de répondre à la demande de ses fans qui voulaient une version téléchargeable de la chanson, a appelé deux de ses anciens complices des Bas Blancs, Sébastien Daigle et Grégoire Painchaud, et a remis sa casquette de musicien.

« J’ai monté mes guitares, sorti mon ampli Marshall que j’avais dans le garage, mon petit clavier, ma carte de son, j’ai pris un micro, je me suis fait un petit set up dans un coin du salon. Les premiers jours, c’est pas une farce, j’en avais mal aux doigts tellement j’ai joué ! »

La machine était repartie, tellement que le groupe a terminé cette semaine une cinquième chanson. Toutes ont été enregistrées avec les moyens du bord et dans la bonne humeur — « Des fois, avec les gars, on s’envoie des choses, il est minuit le soir, on capote, on a du fun ! » —, et il a l’intention de les sortir une par une au cours des prochaines semaines. Et non, elles ne parleront pas toutes du confinement.

On va être dans le country-bluegrass pas à peu près, ça va swinguer et ça va mettre de bonne humeur. La prochaine qui va sortir, elle va donner le goût d’aller gambader dans des champs de blé d’Inde, j’espère qu’elle fera du bien.

Patrick Groulx

Une autre parle de liberté, inspirée par une réflexion qu’il avait déjà commencée, avoue-t-il.

« Je suis un humoriste, animateur, chanteur, je ne sais pas trop quoi, de 45 ans et je me demande où je m’en vais, si j’ai encore envie de travailler aussi intensément. J’ai un métier de performance où beaucoup de gens essaient de faire leur place, et c’est à ça que j’ai réfléchi. »

Brassage intérieur

Le confinement devient donc pour Patrick Groulx une espèce de grand brassage intérieur, autant par rapport à sa vie personnelle que professionnelle. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’il a préféré ne pas s’activer sur les réseaux sociaux comme d’autres de ses collègues, qui offrent capsules et directs en abondance, pour se recentrer sur la réflexion.

« Il y a des jeunes qui poussent autour de nous, ils sont bons, ils sont hot, c’est à leur tour et c’est ça la vérité aussi. Je ne dis pas que je vais arrêter, mais le reste de ma vie, je le vois comment ? Je vais-tu travailler autant ? Je pars-tu un autre show après celui-ci ? Il y a 300 humoristes au Québec, on est 60 sur la route en ce moment… »

Bien sûr, l’humoriste, qui était en tournée depuis un an avec son quatrième spectacle solo, s’ennuie terriblement de la scène. Mais encore là, les conditions du retour et l’avenir du spectacle vivant l’inquiètent et contribuent à ses interrogations.

On ne sait pas comment les salles seront constituées. Mais si tu te retrouves avec 250 personnes éparpillées dans une salle de 800 places, tu paies comment ton équipe, le transport, les hôtels ? Et les salles, elles se payent comment ? Et le monde, ils font comment pour aller à la salle de bains ?

Patrick Groulx

Accro à la chaleur humaine — « Aller chercher l’énergie qu’il y a, mettons, au Théâtre Maisonneuve quand le public est en feu, c’est ça qui me manque ! » —, il se voit aussi très mal se tourner vers les spectacles virtuels.

« Moi, ce que j’aime, c’est avoir une salle bondée de monde, les rencontrer après, leur donner la main, prendre des photos, faire des câlins. Maintenant, si ma job, c’est de faire rire 125 personnes sur Zoom, je pense que je vais faire autre chose. »

En attendant de savoir ce qui arrivera au milieu culturel en général et à celui de l’humour en particulier, Patrick Groulx continue à faire de la musique, à écrire des blagues, à développer des concepts pour la télé. Parce qu’il faut bien gagner sa vie.

« Et pourquoi pas faire autre chose ? que je disais à ma blonde en fin de semaine. Mais je ne panique pas et je reste super positif. »

S’il y a du « beau dans toute cette horreur », c’est que tout le monde vit la même chose en même temps et que la situation amène de vraies réflexions, estime l’humoriste.

« Par exemple, on parlait beaucoup d’angoisse de la performance depuis quelques années, en particulier chez les enfants. En ce moment, ça sert à quoi, la performance ? Ben c’est ça. »

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