Diane Dufresne a connu un prodigieux automne marqué par une série de concerts symphoniques offerts à Montréal, Québec, Ottawa et Paris. Ce fut pour elle l’occasion d’interpréter les chansons de son nouveau disque, Meilleur après, qui s’ouvre sur ces paroles : 

« Avant que la ville nous écrase/Entre nirvana et naufrage/Ce soir, je rentre à la nage encore, solitaire… » 

Je ne peux m’empêcher de voir dans ces mots, tirés de la chanson De l’amour fou, de Cyril Mokaiesh, une sorte de prémonition de ce que vivent actuellement des milliards d’êtres humains.

J’ai donc eu envie de savoir comment allait celle pour qui l’avenir de notre planète est une source de préoccupation, mais néanmoins d’inspiration. « Mon confinement ? Vous savez, je suis habituée à vivre comme ça. Je suis quelqu’un qui vit un peu à l’écart. Mais je regarde ce qui se passe. Et j’avoue que c’est assez terrible. Quand je vois ce qui arrive avec les personnes âgées, je me dis que c’est une offense. »

Comme tout le monde, Diane Dufresne s’abreuve aux médias. Comme tout le monde, elle tente de puiser du courage dans tout ce qu’elle peut. « Même si je sens que les politiciens sont un peu désorientés, au moins, ils sont là, ils assurent. C’est déjà beaucoup. Nous ne sommes pas les seuls à ne pas savoir où on s’en va avec ça. C’est un virus vicieux. On vivait dans l’insouciance et cette insouciance a été remplacée du jour au lendemain par la peur. C’est dur. On redevient des enfants face à l’inconnu. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Diane Dufresne

Elle parle de sa voix grave. Les mots se bousculent. On sent que Diane Dufresne a envie de réfléchir à ce que l’on vit. Dans sa maison éloignée de la ville, elle cherche des façons d’apaiser ses inquiétudes. « Je veux tellement que ça change que je fais des choses différentes. J’ai remarqué que je vais dans le bois et je fais des fagots. Dans mon atelier, j’exécute des choses que je n’avais jamais faites auparavant. “‘Ça va bien aller”’ est un thème qui ne me plaît pas beaucoup. Ça va bien aller si on fait quelque chose. »

Diane Dufresne a longtemps donné des coups de pied dans la fourmilière. Avec le temps, elle a découvert de nouveaux moyens de se faire entendre. Elle croit fermement que l’expérience que nous vivons collectivement doit être accueillie comme une sorte de message. 

On vient de découvrir que tout peut s’arrêter d’un coup. C’est tout un choc ! Mais il faut faire quelque chose avec ce moment d’arrêt, il faut que ça devienne une source de réflexion. On doit profiter de cela pour se réinventer.

Diane Dufresne

À l’instar de nombreux autres artistes, Diane Dufresne devait offrir des spectacles cet été. La pandémie a arrêté le temps et effacé son programme. « C’est sûr que les artistes vont passer en dernier. Nous sommes comme une sorte de luxe dans la société. Rappelons-nous les paroles de Churchill qui, devant des députés qui suggéraient de supprimer les subventions à la culture durant la Seconde Guerre mondiale, avait dit : “‘Mais pourquoi allons-nous nous battre alors ?”’ »

Diane Dufresne fait partie de ceux qui croient qu’en attendant de pouvoir retrouver la scène, les artistes doivent trouver des moyens de garder le contact avec le public. « C’est important. J’y réfléchis en ce moment. J’ai des idées en tête. »

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Entre ses balades en forêt et les visites dans son atelier, Diane Dufresne a trouvé le temps d’inspirer la création d’une chaîne musicale portant son nom et offerte sur Stingray. « C’est un beau cadeau qu’on me fait là. »

Secondée par son mari Richard Langevin, par le producteur Nicolas Lemieux et par le programmeur Charles Boyer, Diane Dufresne a élaboré une liste d’artistes qu’elle aime. Des mariages musicaux se sont faits naturellement. « J’ai écouté ça et j’étais contente d’entendre Sting à côté de Daniel Bélanger, de Juliette Gréco ou de Brel. »

J’écoute la chaîne de Diane Dufresne depuis quelques jours. On y retrouve indéniablement la signature de l’artiste. Claude Nougaro, Michel Jonasz, Elton John, Félix Leclerc, Charles Aznavour, Robert Charlebois, Susie Arioli, Michel Rivard, Voivod…

Bien sûr, on peut y entendre plusieurs chansons de Diane Dufresne, des plus récentes aux plus anciennes. « On tourne en rond, Le mariage de la charmeuse de serpents, Pars pas sans m’dire bye-bye… My god, je pensais que ces chansons étaient enterrées », dit-elle en riant.

L’algorithme de Stingray apporte de l’eau au moulin. Pour préciser davantage le son de la chaîne, Diane Dufresne et Richard Langevin ont fourni plus de titres au cours des derniers jours.

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Comme les noms d’artistes qu’elle admire fusaient de toutes parts, j’en ai profité pour lui demander si elle s’était déjà imaginée dans la peau d’un chanteur masculin. Sa réponse fut sans équivoque. « J’aurais aimé avoir une carrière comme Alain Bashung. C’est un outsider qui a eu beaucoup de succès. Il a évolué sans cesse. J’ai toujours aimé sa poésie baroque. »

Lorsqu’elle a fait ses débuts à la fin des années 60, a-t-elle envié la plus grande facilité qu’avaient les gars à faire leur chemin ? « Honnêtement, non. Moi, j’ai toujours voulu faire des bons shows. J’endurais tout ce qu’il y avait autour pour faire un bon show. Je chantais dans les clubs et j’allais voir Robert [Charlebois]. J’ai fait la première partie de Félix Leclerc en Belgique. J’étais fascinée par eux, mais je ne les ai jamais enviés. En fait, je n’ai jamais envié qui que ce soit dans ce métier, homme ou femme. »

En revanche, certains musiciens qu’elle a croisés au cours de sa carrière lui ont parfois donné du fil à retordre. « François Cousineau faisait souvent de longues finales qui me donnaient l’occasion d’improviser. Le problème, c’est que les musiciens ne voulaient pas que j’improvise avec eux. Ils me disaient de ne pas les approcher. Ils me considéraient comme moins bonne que les choristes qui, elles, savaient lire la musique. Les cris dans Tiens-toé ben j’arrive, ça motivait Luc [Plamondon]. Heureusement qu’il a été là. »

Avant de quitter la conversation, Diane Dufresne est revenue sur l’étrange ambiance qui règne en ce moment. Sur un ton bienveillant, elle a tenu à dire : « Il faut quand même faire gaffe. Le virus est encore là. C’est beau de voir tous ces gens dans les parcs à deux mètres de distance, mais il faut faire attention. »

Et dans un grand éclat de rire qui la caractérise si bien, elle a ajouté : « Et si on veut cruiser, qu’on le fasse avec des lunettes d’approche ! »

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Accédez à la chaîne câblée de Diane Dufresne sur Stingray (en mai) : Bell, chaîne 947 ; Cogeco, chaîne 942 ; Vidéotron, chaîne 546 ; Rogers, chaîne 733

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