Avec sa joyeuse simplicité, sa musique qui métisse le bluegrass et l’électro et son formidable accent acadien, le premier album de P’tit Belliveau, ironiquement baptisé Greatest Hits Vol.1, qui sort vendredi, ne peut pas mieux tomber pour égayer cette période d’anxiété. Portrait d’un artiste authentique.

Nous avons rencontré P’tit Belliveau il y a deux semaines, quelques heures à peine avant que le monde bascule. Le chanteur acadien, originaire de la baie Sainte-Marie, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, était arrivé de Moncton à Montréal la veille — depuis qu’il a été finaliste aux Francouvertes au printemps 2019, ses allers-retours entre les deux villes sont nombreux.

« Les Francouvertes, c’était notre deuxième show en tant que band, et notre premier au Québec. C’était le début… et vraiment un bon début », dit le musicien de 24 ans qui, dans les mois qui ont suivi, a dû laisser son emploi dans la construction pour se consacrer à sa carrière ascendante.

« J’aimerais continuer à en faire un peu, mais aucun employeur ne va accepter que je vienne travailler juste deux jours par semaine icitte et là. C’est sûr que j’aimerais avoir un atelier chez moi, faire des tables et des chaises. C’est un bout de ma vie qui me manque. »

Il lance donc son premier album en tant que P’tit Belliveau — Grand Belliveau étant son grand-père, auquel, dit-on, il ressemble beaucoup — et en est lui-même un peu surpris. Par chez lui, explique-t-il, tout le monde fait de la musique, mais « pour le fun, dans les partys de cuisine ou sur le bord de la baie en buvant de la bière ». Et certainement pas pour en vivre.

« Là, c’est rendu ma job et c’est super tripant ! », dit P’tit Belliveau, qui a été producteur pendant quelques années avant de devenir chanteur.

Je faisais du hip-hop, de l’électro, des beats, pis ce sont ces skills qui m’ont mené à ce projet.

P’tit Belliveau

Ce projet, qui est de mélanger une musique plus traditionnelle à des sons hyper modernes, est né après qu’il a hérité d’un banjo — un cadeau de son autre grand-père. En apprenant à en jouer, il a renoué avec le bluegrass et le country qui font partie de lui depuis son enfance.

« Cette musique, elle existait dans ma tête, parce que c’est ça qu’on écoute et qu’on joue en général par chez nous. Et des paroles, j’avais envie d’en écrire depuis longtemps. Alors ça s’est juste tout mis en place. Je n’ai pas décidé de faire un projet avec du bluegrass et des drum machines. It just made sense. »

Le résultat est surprenant et rafraîchissant, quelque part entre Radio Radio et Lisa LeBlanc. « C’est ce qu’on me dit souvent, que c’est original ! », lance-t-il, précisant que c’est le genre de musique qu’il a beaucoup entendu à la radio communautaire. « Toute ma vie, j’ai pensé que tout le monde écoutait ça… et là, je me rends compte que non ! »

Simplicité

Qui dit bluegrass dit aussi simplicité. « C’est clair. On dit souvent que le punk, c’est three chords and the truth, mais pour moi, le bluegrass, c’est la même affaire : trois accords pis la vérité. »

Simplicité dans le vocabulaire — quoiqu’un lexique permette de comprendre certaines subtilités du langage acadien —, dans les mélodies vraiment accrocheuses, dans les thèmes puisés essentiellement dans les petits plaisirs de la vie.

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« C’est basé sur le quotidien parce que c’est ça que je connais. Je ne peux pas parler des rues de Montréal, mais de s’asseoir sur le bord de la baie et watcher les bateaux, je peux parce que c’est ça ma vie », dit le chanteur, qui n’a pas du tout l’intention de déménager dans la grande ville — au contraire, il ne rêve que de retourner s’installer à Sainte-Marie de la Baie.

« Quand je viens à Montréal, j’enjoye, j’ai des friends icitte, mais souvent j’ai l’impression que les gens ne comprennent pas ce que la vie devrait être. Ici, le monde, il court comme des poules pas de tête, busy busy tout le temps. C’est cool comment le monde a l’air de sentir qu’ils accomplissent du stock, mais êtes-vous vraiment contents ? Moi pis toutes mes friends à la baie, on est contents. »

Une réflexion qui résonne particulièrement en ce moment où tout le monde est enfermé chez soi. Avec ses chansons qui ressemblent parfois à des comptines et d’autres qui font vraiment rire — Income Tax, par exemple, est un bijou —, P’tit Belliveau opte pour la légèreté bienfaisante et l’humour.

« C’est un projet de musique sérieux, mais qui a de l’humour dedans. C’est une partie importante de la patente. Mais l’humour, c’est juste comme un cheval de Troie. Je mets un petit message dans le cheval, je rentre dans le castle avec mon petit message, et tu l’acceptes sans t’en rendre compte. »

Invite les animaux dans ta maison, par exemple, est une chanson… végane ! Une manière comme une autre de diffuser un message. « Moi, je n’aime pas prêcher, je ne vais jamais faire ça. Mais au lieu de le dire directement, j’ai fait cette toune qui est juste une super stupid façon de dire : respecte les animaux. »

IMAGE FOURNIE PAR BONSOUND

Greatest Hits Vol.1

Son but reste tout de même de faire sourire les gens, et il est prêt à tout pour que le plus de monde possible entende sa musique.

« Plus qu’everything, que tu écoutes ma musique ou que tu watches mon show, je veux juste que tu sois capable d’oublier le stress de ta vie normale, que tu oublies toute cette shit-là qui est fucked up. Je suis un hard worker, je viens du monde de la construction, et je suis capable de faire tout le travail pour atteindre mon but, qui est de rendre le monde un peu plus happy. »

Country-bluegrass. Greatest Hits Vol.1. P’tit Belliveau. Bonsound. Offert vendredi.