Félix Rouè Doudou Boicel, fondateur du mythique club montréalais Le Rising Sun, est mort mardi matin à 81 ans des suites d’une maladie. Poète, peintre, imprésario et entrepreneur, le Guyanais, arrivé à Montréal en 1970, a été un promoteur culturel important dans la métropole du milieu des années 70 au début des années 90. Mais il n’a jamais cessé de s’impliquer au sein de la communauté noire du Québec.

« Doudou était un fonceur, un battant, qui a marqué l’histoire de la musique à Montréal. Contre vents et marées. Il a fait beaucoup pour raviver la flamme du jazz, du blues et même du reggae, à une époque où c’était moins glorieux qu’aujourd’hui », explique Michael P. Farkas, président de la Table ronde du Mois de l’histoire des Noirs.

« Je lui ai encore parlé la semaine dernière. Malgré sa maladie et sa voix très faible, il tenait à avoir des nouvelles du Mois de l’histoire des Noirs. Doudou est toujours resté impliqué au sein de la communauté », poursuit Farkas, qui a connu le promoteur au début des années 80, alors qu’il était un jeune busboy au Rising Sun.

Le parcours de Doudou

Arrivé dans la métropole en 1970, Doudou Boicel s’est vite impliqué dans la communauté et dans le milieu culturel. L’homme a fondé et dirigé le Centre de Visosonie, qui offrait diverses activités artistiques aux jeunes du quartier Centre-Sud. Il a publié des livres et des recueils de poésie. Il a aussi tenu des auberges de jeunesse et ouvert un restaurant végétarien, rue De Bleury, la Casa Doudou.

Mais son fait d’armes, c’est l’ouverture du Rising Sun en 1975, dont le slogan était « Le jazz n’est pas mort ». La boîte de nuit a connu plusieurs vies au centre-ville, puis dans le Mile End. Elle a longtemps été le seul club de jazz d’envergure internationale dans la métropole. Son propriétaire a réussi à y attirer des artistes de renommée.

Vive le jazz !

Dans les belles années du Rising Sun, Boicel a même inauguré un festival de jazz et de blues capable d’attirer des vedettes internationales : le Rising Sun Festijazz. La vie de son « bébé » sera toutefois de courte durée, de 1978 à 1980. Plusieurs légendes du jazz et du blues de l’époque ont néanmoins participé au festival qui se tenait au Rising Sun et à la Place des Arts.

Oscar Peterson, Oliver Jones, Sarah Vaughan, Nina Simone, Ray Charles, Art Blakey, Muddy Waters, Bill Evans, Big Mama Thornton, Dexter Gordon ont notamment été de passage dans la métropole à l’invitation de Doudou, comme le surnommaient ses proches. L’évènement, selon une amie du fondateur, la traductrice Barbara Gapmann, a ouvert la voie au Festival international de jazz de Montréal en attirant en ville ces sommités de la musique noire.

Les grands musiciens noirs venaient encourager le seul propriétaire noir d’un club de jazz de niveau international.

Doudou Boicel, au journaliste Alain Brunet dans La Presse en 2008

« Bien sûr, je ne pouvais payer les cachets normaux à des musiciens de la stature de Dizzy Gillespie, qui venait pourtant jouer au Rising Sun pour des sommes dérisoires. Ma force, c’étaient les musiciens. »

Prix et hommages

Dans les années 2000, M. Boicel a été nommé chevalier de l’Ordre de Montréal. En 2011, il a été nommé parmi les 20 personnalités dont les actions ont marqué Montréal et le Québec, à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs. En 2013, la Ligue des Noirs du Québec lui a remis le prix Mathieu Da Costa pour sa contribution au développement de la société.

Plus récemment, en 2018, il a été lauréat du Grand Prix honorifique du gala Dynastie, dont la mission est d’honorer l’excellence des personnalités des milieux culturels, des médias et des sports issues des communautés noires anglophone et francophone.

« La grande famille Dynastie est attristée par la disparition de Doudou Boicel, témoigne Carla Beauvais, directrice générale de la Fondation Dynastie, en entrevue. Son legs est précieux. Son impact et sa contribution à la vie culturelle et sociale d’ici ne seront jamais oubliés. C’était un homme exceptionnel, aimé par sa famille, ses amis et toute la communauté. Il a été actif jusqu’à la fin. Il nous manquera beaucoup », conclut Mme Beauvais.