En seulement deux albums, Fatoumata Diawara s’est imposée comme l’une des voix les plus pertinentes et les plus vibrantes de la musique malienne. Elle remonte sur scène au National, dimanche, pour « mettre du bonheur » dans la vie et faire patienter ses fans jusqu’à son prochain disque.

Tristesse et mélancolie sont deux mots qui reviennent souvent dans la bouche de Fatoumata Diawara. L’artiste malienne établie en France dit que lorsqu’elle n’est pas sur scène, elle ne va pas bien. Qu’elle ne peut pas vivre sans la musique. Que la musique, c’est ce qui la tient « éveillée et positive ».

Ce n’est pas son vague à l’âme qu’on retient des deux magnifiques disques qu’elle a publiés au cours de la dernière décennie. Fatou (2011), son premier, misait sur une instrumentation acoustique, mais révélait déjà une voix profonde et touchante. Fenfo (2018, réalisé par Matthieu Chedid, alias -M-) s’est ouvert à des textures plus audacieuses, subtilement intégrées à son folk wassoulou.

Fatoumata Diawara explique qu’elle cherche le point d’équilibre entre ses racines maliennes et les sonorités actuelles, susceptibles de plaire à la jeunesse.

« Moi, je dis que ma musique, c’est du blues, résume-t-elle toutefois. Le blues, c’est quand tu arrives à transformer ce qui devrait te faire pleurer en sourire. La musique que je fais est totalement blues en ce sens-là. »

Trouver sa voie

Ce qu’on entend, malgré la mélancolie qu’elle ressent devant l’état du monde, c’est plutôt la voix sensible d’une battante. Fatoumata Diawara, née en 1982, a dû faire preuve de cran pour en arriver où elle est. À 20 ans, après avoir commencé à jouer au théâtre et tourné un film, elle a fui en Europe pour échapper à un mariage arrangé.

« Ma famille voulait me protéger, mais en me protégeant, elle me prenait ma liberté », expose-t-elle aujourd’hui. 

J’ai dû m’imposer artistiquement, faire une carrière toute seule pour devenir ce que je suis, pour montrer à ma famille qu’une femme, ce n’est pas fait que pour se marier et faire des enfants pour un homme. Qu’une femme, c’est aussi une personne qui peut avoir sa voie.

Fatoumata Diawara

Son audace et son opiniâtreté ont payé : elle mène aujourd’hui une carrière internationale et est reconnue comme une voix importante chez elle. Sa musique suscite l’adhésion de la jeunesse, constate-t-elle, d’une génération qui avait besoin de modèles et à qui, à travers ses chansons, parle autant d’amour que de respect ou de solidarité.

Plus encore, dans sa chanson Kokoro, elle incite ses concitoyens du continent africain à être fiers de ce qu’ils sont (et non à chercher à ressembler aux Occidentaux) et à ne pas brader les ressources de leur pays à des intérêts étrangers. « S’adresser à la population à travers la musique, pour amener les gens à réfléchir, c’est culturel au Mali, expose-t-elle. Je m’inscris dans la continuité de cette démarche-là. »

Un modèle de femme

Fatoumata Diawara veut que sa voix et son exemple portent. Notamment auprès des femmes. Voir de jeunes Maliennes assumer leurs cheveux crépus ou arborer des dreadlocks (coiffure mal vue auparavant) est à ses yeux un signe que les choses évoluent à petits pas. « On a encore beaucoup à faire pour avoir notre juste place, juge-t-elle. Pas qu’au Mali ni en Afrique. Partout, il y a beaucoup à faire. Il y a des sociétés où c’est plus facile que d’autres, mais il reste beaucoup à faire. »

Qu’elle puisse participer à ces changements en prêchant par l’exemple, en sa qualité de musicienne et à travers ses chansons, « montre combien la musique est importante », selon elle. Sa façon d’afficher son identité et sa direction musicale propres dans un monde « où la musique est assez uniforme » participent sans doute à l’aura qu’elle possède auprès d’une génération de Maliens.

Pour son retour à Montréal, Fatoumata Diawara admet ne pas avoir intégré de nouvelles chansons à son répertoire. Un nouveau disque est toutefois en préparation, assure la chanteuse, qui ne veut pas encore laisser passer sept années entre deux albums. Elle propose pour le moment de la retrouver avec des versions revues et vivifiées des morceaux déjà familiers. « J’ai besoin de prendre soin de mon public, dit-elle. Je veux que les gens sortent heureux. Le bonheur, quoi. J’espère qu’on aura ça. »

Au National, dimanche, à 20 h 30