Elle a songé à abandonner la musique. Revoilà pourtant Florence K avec son premier album tout en français, inspiré de son boulot à la radio et d’un « coup de pied au derrière » reçu de sa… fille.

La scène que Florence K décrit s’est déroulée dans son salon. Son adolescente lisait sur le canapé et, elle, pianotait sur son clavier, cherchant des thèmes et des mélodies pour de nouvelles chansons. Sa fille a levé le nez de se son bouquin et lui a dit : « Maman, tu écris la même chanson depuis vraiment longtemps. Tu ne veux pas aller ailleurs ? »

La chanteuse rigole. Il reste que ce commentaire lui a « donné un coup de pied au derrière ». Florence K a, il est vrai, puisé l’essentiel de son inspiration dans les musiques du sud du continent jusqu’ici, comme en témoignent les titres de la plupart de ses albums – de Bossa Blue à Estrellas, en passant par La historia de Lola et Havana Angels. Elle avait peut-être fait le tour du jardin.

La remarque de sa fille n’est donc pas tombée dans l’oreille d’une sourde. Mieux, le hasard a fait qu’il est tombé en terrain fertile. Florence K a repris le flambeau longtemps porté par Jim Corcoran à la CBC et y anime depuis un peu moins de deux ans l’émission C’est formidable !, dans laquelle elle présente à un auditoire anglophone la musique francophone d’ici. Ce qui lui a donné envie de « faire partie de la gang ».

Des univers réconfortants

Son nouvel album, tout simplement intitulé Florence, compte neuf chansons. Toutes en français. Florence K en demeure la principale architecte, mais elle en a partagé l’écriture et les compositions avec des artisans de calibre, dont Moran, David Goudreault et Daran. « Écrire des textes, ce n’est pas ma plus grande force en chanson. Moi, c’est surtout la musique », dit-elle.

Avant de se lancer, elle s’est gavée de sonorités nouvelles pour elles, électroniques notamment (Zero 7, Milk & Bone), et d’artistes découverts à travers sa fille. « J’ai recommencé à aller voir des shows, ajoute la chanteuse. J’aime ça y aller avec elle. »

Ses chansons, réalisées par Jean Massicotte (Lhasa, Pierre Lapointe, Arthur H et quantité d’autres), ne sonnent pas comme celles d’avant. Pourtant, on la reconnaît instantanément. Sa voix, bien sûr, son goût pour les univers qui respirent et réconfortent. « Je voulais un disque dans lequel il y avait de l’espace. Et du beat ! Je voulais plaire à mon ado, mais je voulais aussi garder ce que mon public aime de ma musique, comme l’envie d’évasion. »

Sur ces musiques jamais lourdes, elle aborde avec délicatesse la santé mentale (Ce n’est que ma tête, avec un penchant soul), la dictature des apparences (Valentine, avec une légère touche électro), l’absence de l’être aimé (Minuit moins toi, une espèce de salsa lente) ou encore la dépendance amoureuse (Le jour suffit). « Je ne suis plus en souffrance amoureuse permanente », dit-elle pour expliquer la variété des thèmes abordés. Avec tact et poésie.

Crise de sens

Cet album en français, tout en délicatesse, a pourtant failli ne jamais voir le jour. Ces deux dernières années, Florence K n’a pas eu beaucoup de spectacles à son horaire. Sachant qu’elle fait partie des artistes qui marchent, elle s’est interrogée sérieusement sur son avenir professionnel. « J’ai vécu une crise de sens de mon métier », avoue-t-elle.

« On n’a pas été protégés par notre gouvernement et on n’a pas la faveur du public quant aux redevances », souligne-t-elle entre autres, avant de préciser qu’elle est, elle aussi, abonnée à un service de diffusion de musique en continu. Alors, elle a songé à tout abandonner…

Pas seulement pour cesser de se battre, mais parce qu’elle était emballée par autre chose : ses études en santé mentale. « Je me suis rendu compte que je trouvais plus de sens dans mes études que dans la musique », raconte-t-elle.

Florence K sait de quoi elle parle : elle a connu des épisodes de détresse psychologique qui ont mené à un diagnostic de bipolarité de type 2.

Je l’ai vécu de près : la chute, l’hospitalisation, la réhabilitation. J’ai vu toutes les failles du système. L’impact des tabous sur les gens et la désinformation.

Florence K

La parole est libérée, constate-t-elle, mais les ressources manquent. Elle s’intéresse à la psychologie et au travail social. Son rêve ultime ? Devenir psychiatre. Ou médecin de famille avec une spécialisation en santé mentale. Alors, entre deux concerts, entre deux émissions de radio, entre deux séances d’enregistrement, elle bûche sur ses études.

« J’ai tellement travaillé fort sur mes études au cours de la dernière année que, quand ce projet-là est arrivé, la musique était redevenue un passe-temps. Une source de plaisir et un exutoire. Comme quand j’étais au bac, il y a 20 ans, et que je jouais le soir. » Florence K avait retrouvé le feu.

Elle remontera sur scène sous peu, mais elle s’est promis de ne plus faire de la musique sous pression. Elle veut garder son plaisir intact. Et garder la radio comme à-côté. « Il n’y a pas d’artifices à la radio, observe-t-elle. J’arrive là en tant que moi-même, je n’ai pas à performer, à passer deux heures au maquillage et à penser aux caméras. Surtout, ce n’est pas à propos de moi. J’aime vraiment ça. »

Florence, Florence K, Ad Litteram