La 42e édition du Gala de l’ADISQ a été présentée dimanche soir, dans une formule sur deux plateaux, devant un public composé majoritairement des artistes nommés. Malgré les contraintes de la pandémie et quelques moments ternes, il a fait bon voir nos musiciens favoris célébrés à l’écran. Animée cette année encore par Louis-José Houde, la soirée a permis aux Cowboys Fringants de compléter leur fructueuse récolte : aux trois prix reçus lors du Premier Gala mercredi, le quatuor a ajouté dimanche deux trophées, dont celui décerné au groupe de l’année.

Les grands gagnants

PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR L’ADISQ

Louis-Jean Cormier

Avec six chances chacun de remporter un Félix, Les Cowboys Fringants et Louis-Jean Cormier dominaient les sélections. Ç’a été un (presque) sans-faute pour Les Cowboys. Après trois trophées déjà remportés au Premier Gala de l’ADISQ (album rock de l’année pour Les antipodes, album le plus vendu et meilleur clip pour L’Amérique pleure), ils ont reçu dimanche, lors du gala principal, le prix de la chanson de l’année pour L’Amérique pleure. Pour couronner le tout, le quatuor a été sacré groupe de l’année. C’est ainsi, avec cinq trophées, que le groupe formé il y a 25 ans a conclu sa soirée. Louis-Jean Cormier, quant à lui, est reparti avec deux trophées en main, dont celui de l’album adulte contemporain pour Quand la nuit tombe. Entouré de Daniel Beaumont, Alan Côté et David Goudreault, il a remporté le prix de l’auteur-compositeur de l’année. Celle qui avait remporté ce prix l’an dernier, Alexandra Stréliski, a vu sa consécration se poursuivre : après ses trois Félix en 2019, la pianiste a cette fois mérité le prix de l’interprète de l’année. Le vétéran Robert Charlebois, et son Robert en CharleboisScope, ont reçu le prix du meilleur spectacle dans la catégorie auteur-compositeur-interprète.

La formule COVID-19

PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR L’ADISQ

Ariane Moffatt et Louis-José Houde

Qui de mieux que Les Cowboys Fringants pour lancer le numéro d’ouverture, partiellement préenregistré, dans le stade Percival-Molson, avec l’interprétation de la chanson de l’année, L’Amérique pleure ? Le duo 2Frères, Evelyne Brochu, Naya Ali et KNLO ont suivi, sur des toits de Montréal, avant que Bleu Jeans Bleu ne prenne le relais en direct dans un des studios de Radio-Canada. Le micro a ensuite été passé à l’animateur de la soirée, l’humoriste Louis-José Houde. « J’ai dit oui [pour animer le gala] le 12 mars, je pensais pas que ça terminerait sur une ambiance de présentation PowerPoint dans le Sheraton », a-t-il affirmé à un public épars, composé de gens de l’industrie. Il a d’abord lancé quelques pointes aux musiciens visés par des accusations d’inconduites l’été dernier, puis a poursuivi avec un survol des derniers mois, dans un monologue, comme toujours, très franc, juste et drôle (même si, on le sait désormais, l’effet n’est pas le même quand il n’y a pas de foule pour recevoir les gags). L’animation de Louis-José Houde a été un doux réconfort lors de cette soirée qui n’avait pas l’envergure à laquelle on est habitués, tout comme les performances musicales au long de la soirée, présentées dans deux studios séparés pour permettre une distanciation physique efficace.

Toute une mise en scène

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Un des studios de Radio-Canada pendant le Gala de l’ADISQ

Louis-José Houde s’est déplacé d’un studio à l’autre, en direct, et la contrainte des deux scènes séparées est devenue une partie du spectacle. Lorsque KNLO a reçu le premier Félix de la soirée, pour le meilleur album rap, on a compris qu’aucun discours de remerciement ne se ferait sur scène. Les consignes sanitaires imposent cette nouvelle façon de faire, et on le comprend. Et une fois qu’on accepte que ce n’est pas un temps comme les autres pour monter un gala, on apprécie grandement les efforts des concepteurs, dont Julie Gariépy (production exécutive), Jocelyn Barnabé (direction artistique), Yves Lefebvre (mise en scène) et David Laflèche (direction musicale). L’aspect grandiose du traditionnel Gala de l’ADISQ a fait place à une réunion un peu plus intime, sur des scènes au niveau du sol, le public installé à de petites tables de style cabaret. On n’a pas lésiné sur le visuel, les éclairages, le décor.

Chanter pour apaiser

PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR L’ADISQ

Marc Dupré et Eli Rose

Entre les remises des 12 Félix de la soirée, une dizaine d’artistes ont interprété un de leur succès. La liste des musiciens attendus sur scène promettait de superbes performances en tous genres. Après Marie-Pierre Arthur, qui a chanté Tiens-moi mon cœur, Eli Rose et Marc Dupré (gagnant du Félix pour l’album pop de l’année) ont joint leurs forces pour leur première apparition sur la scène de l’ADISQ, afin d’interpréter Carrousel et Rien ne se perd. Louis-Jean Cormier a été excellent dans son interprétation de sa chanson Je Me Moi, puis touchant dans ses remerciements lorsqu’il a reçu le Félix de l’album de l’année, catégorie adulte contemporain (après avoir été rebaptisé Jean-Louis par Robert Charlebois, qui lui décernait son prix). Flore Laurentienne, nommé dans quatre catégories cette année (album de l’année, instrumental et choix de la critique, auteur ou compositeur et révélation de l’année), n’a malheureusement pas été récompensé, mais a pu se présenter à ceux qui ne le connaissaient pas encore. Anachnid l’a précédé, interprétant La lune, et Matt Holubowski a suivi, avec la superbe Moon Rising. Le délicat moment offert par ces trois artistes a été un temps fort de la soirée. Au chapitre des magnifiques collaborations, Isabelle Boulay et Pierre Lapointe sont eux aussi montés ensemble sur scène pour un hommage à Monique Leyrac, Pauline Julien et Renée Claude, élevé par des images d’archives.

Les mots à retenir

PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR L’ADISQ

Elisapie

Lorsqu’elle a été sacrée artiste autochtone de l’année, Elisapie n’a pas manqué de souligner les tensions sociales et les drames qui touchent le Québec et au sujet desquels elle s’exprime régulièrement. Sans avoir le temps de trop s’épancher, elle a mentionné le racisme systémique, la représentativité, la mort tragique de Joyce Echaquan et la tuerie à Québec de la veille. « Je suis avec vous, on est ensemble, c’est tout ce que je peux dire », a-t-elle conclu, toujours éloquente. En toute fin de soirée, Alexandra Stréliski et Émile Bilodeau ont été couronnés interprètes de l’année, une des seules catégories où le poids du public se fait directement sentir. Alexandra Stréliski, qui avait remis à Eli Rose le prix de la révélation de l’année, soulignant que ce prix avait changé sa vie, a alors été célébrée à son tour. « Je pense qu’on a le besoin de douceur, particulièrement en pandémie, et je me fais une mission d’en mettre un peu », a-t-elle dit. Le mot de la fin, après le « Vive le Québec libre » d’Émile Bilodeau dans ses remerciements, est revenu à Louis-José Houde, qui a, en tant que « gars qui aime la musique », demandé aux artistes de continuer de faire des albums, de créer, pour notre bien à tous.